Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Parasitisme de bijoux parés d’un motif de fleur quadrilobé : le trèfle n’est pas toujours porteur de chance

L’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 5 mars 2025 en matière de parasitisme rappelle que l’action intentée ne peut aboutir, bien qu’une valeur économique individualisée ait été identifié, si le requérant ne rapporte pas la preuve d’une faute intentionnelle de la part du prétendu parasite de s’être placé dans son sillage. Elle rejette ainsi le pourvoi formé par la société demanderesse à l’instance et approuve l’arrêt d’appel d’après lequel aucune faute intentionnelle de la part du défendeur n’a été prouvée.

Si l’action en parasitisme vise à protéger une valeur économique individualisée face à un comportement parasitaire intentionnel, le caractère cumulatif de ces conditions rend licite l’usage de cette valeur lorsque ledit comportement n’est pas démontré. Tel est le cas du motif de fleur quadrilobé, caractéristique de la gamme de bijoux de luxe « Alhambra » commercialisée par la Maison Van Cleef & Arpels, dont la seule inspiration ne peut s’analyser en parasitisme.

Dans cette affaire, la gamme de bijoux « Alhambra », ayant pour motif un trèfle quadrilobé en pierre dure semi-précieuse entouré d’un contour en métal précieux perlé ou lisse, fait le succès de la Maison de joaillerie Van Cleef & Arpels depuis 1968. Or, depuis 2006, la société Louis Vuitton, connue pour sa toile monogrammée, commercialise, elle aussi, sa gamme de bijoux, d’abord intitulée « Monogram » puis « Blossom », caractérisée par un motif de fleur quadrilobé comportant un élément central et entouré d’un cercle. Et depuis 2015, ce motif est décliné dans une nouvelle collection nommée « Color Blossom », dans laquelle la fleur est en pierre dure semi-précieuse entourée d’un contour en métal précieux.

Le groupe Richemont, à qui appartient Van Cleef & Arpels depuis 2000, estimant que cette nouvelle collection lancée par la société Louis Vuitton est constitutive d’actes de concurrence parasitaire, a donc intenté une action en réparation à son encontre sur le fondement de l’article 1240 du code civil. S’il a été fait droit à ses prétentions en première instance, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 23 juin 2023, a infirmé ce jugement et a débouté la requérante de ses demandes. Formant alors un pourvoi en cassation, cette dernière reproche notamment à la cour d’appel de ne pas avoir apprécié de manière globale les éléments dont résulterait le parasitisme et de s’être focalisée sur les différences entre les gammes de bijoux plutôt que sur leurs ressemblances et l’impression d’ensemble qui s’en infère.

Le litige ainsi exposé est d’autant plus délicat que, en l’espèce, s’opposent deux sociétés évoluant dans l’industrie du luxe mais qui, jusqu’au début des années 2000, exerçaient leurs activités sur des marchés différents. En effet, alors que la société Van Cleef & Arpels est depuis longtemps implantée sur le marché de la joaillerie de luxe, la société Louis Vuitton est initialement présente sur le marché de la maroquinerie de luxe. Cette dernière, en diversifiant ses activités et en commercialisant à son tour des bijoux, est alors devenue une concurrente de la première. Et là où le bât blesse c’est que la société Louis Vuitton a, elle aussi, construit sa renommée sur sa célèbre toile monogrammée dans laquelle apparaît un motif de fleur quadrilobé. En reprenant ce motif pour des bijoux, la question qui se pose est donc de savoir si la reprise d’un motif similaire, en l’occurrence un motif de fleur quadrilobé, pour des produits de même catégorie, à savoir des bijoux, est constitutive d’actes de parasitisme.

À cette question, la chambre commerciale, dans un arrêt du 5 mars 2025 soumis à commentaire, a répondu par la négative et a, par conséquent, rejeté le pourvoi formé par la société requérante. Elle estime que la cour d’appel a respecté la méthode d’appréciation en matière de parasitisme selon laquelle il résulte d’un ensemble d’éléments s’appréciant dans leur globalité, et ce sans méconnaitre les ressemblances alléguées par la société requérante. Il en résulte que la société défenderesse ne s’est pas inspirée du modèle « Alhambra » mais de la fleur quadrilobée de son propre monogramme et que l’utilisation de pierres semi-précieuses cerclées par un contour en métal précieux, à l’image des...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :