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« Paroles et paroles et paroles »…

Dans les procédures avec représentation obligatoire, en appel, la procédure étant écrite, les moyens et prétentions des parties sont formulés dans les conclusions. Par conséquent, la cour d’appel ne peut pas se référer à l’argumentation développée oralement et qui n’est pas contenue dans les conclusions écrites.

Une SCI fait appel d’un jugement d’orientation ayant ordonné la vente forcée de l’immeuble dont elle est propriétaire.

En application de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, l’appel relève de droit de la procédure à jour fixe, ce qui a son importance car c’est probablement pour cette raison que la question de procédure s’est posée en ces termes.

L’appelant omet de demander l’infirmation ou l’annulation dans ses conclusions. Mais l’intimé attend l’audience de plaidoirie pour soulever oralement la difficulté et demander en conséquence à la cour d’appel de confirmer le jugement, n’étant saisie d’aucune prétention.

La cour d’appel retient l’argument, et confirme le jugement.

L’arrêt est cassé.

« La parole a beaucoup plus de force pour persuader que l’écriture »

Inspiré par cette citation de Descartes, l’intimé avait attendu la plaidoirie pour sortir son moyen de procédure qu’il avait pris soin de ne pas dévoiler dans ses écritures. Mais, nous rappelle la Cour de cassation, en appel, dans les procédures avec représentation obligatoire, l’objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, lesquelles prétentions, ainsi que les moyens, sont formulées dans des conclusions (écrites).

Il en résulte que le juge, tenu par l’objet du litige, ne peut tenir compte de l’argumentation développée oralement si elle n’est pas contenue dans les conclusions.

Cet arrêt rappelle opportunément la place de la plaidoirie dans les procédures écrites, à savoir que la parole de l’avocat est circonscrite par les conclusions. Et cela se comprend d’autant plus qu’il existe très souvent en appel, ne serait-ce que pour une question de territorialité de la postulation (L. n° 71-1130 du 31 déc. 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 5, al. 2), une dualité dans la représentation et l’assistance, l’avocat ayant « la charge de la plaidoirie » n’étant pas nécessairement celui auquel a été confié le mandat de représentation.

Et, faut-il le rappeler, seul l’avocat investi de ce mandat de représentation accomplit les actes de la procédure au nom de la partie qu’il représente (C. pr. civ., art. 411), l’avocat dont le mandat est l’assistance ne pouvant engager la partie (C. pr. civ., art. 412).

En l’espèce, les parties étaient effectivement représentées par un avocat qui n’était pas celui chargé de la plaidoirie, et ce n’est pas l’avocat postulant mais l’avocat plaidant qui avait développé oralement ce nouveau moyen de procédure. Pour cette seule raison, en tout état de cause, l’avocat entendu oralement ne pouvait pas former la moindre prétention ni présenter des moyens qui auraient engagé la partie.

Nous pourrions nous interroger pour quelle raison l’intimé avait attendu l’audience pour se prévaloir de ce moyen de procédure a priori imparable. Manifestement, il s’agissait d’un choix délibéré de ne pas conclure sur ce point.

En effet, s’agissant d’une procédure à jour fixe, sans clôture de l’instruction, et sans délai pour conclure, l’intimé redoutait vraisemblablement une régularisation avant l’audience s’il se dévoilait trop tôt.

La possible régularisation de l’absence de demande d’infirmation en procédure à jour fixe ?

En procédure ordinaire, il semble acquis que l’appelant qui a omis de demander l’annulation ou la réformation dans son délai pour conclure ne peut plus le faire passé son délai pour conclure. En va-t-il autrement en procédure à jour fixe ?

Il ne faut pas oublier que le jour fixe sur jugement d’orientation, tout comme le jour fixe sur appel compétence, reste un jour fixe comme un autre (Civ. 2e, 4 mars 2021, n° 19-24.293, Dalloz...

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