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Le Parquet européen commence ses activités

Pour marquer solennellement le début officiel de ses activités, le Parquet européen a tenu à Luxembourg le 28 septembre dernier une séance d’installation de la première cheffe du Parquet, Laura Codruţa Kövesi, nommée en octobre 2019, ainsi que des premiers procureurs nommés en juillet dernier, parmi lesquels le Français Frédéric Baab. Le Parquet, dont la langue de travail sera l’anglais, est désormais prêt à débuter ses travaux. 

par Charlotte Collinle 16 octobre 2020

La création du Parquet européen résulte du règlement (UE) 2017/1939, du 12 octobre 2017, adopté par vingt-deux États membres : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovénie, la Slovaquie et la France. Issu d’un projet ancien sujet à de nombreuses réticences d’États membres à l’idée de permettre à une instance européenne d’intervenir directement dans le champ de compétence national relatif au droit pénal financier (F. Andreone, L’institution du Parquet européen, Rev. UE 2018. 43 ), le Parquet européen s’est progressivement construit comme un cadre de coopération renforcée.

Il n’en est pas moins bâti comme un organe « indépendant » de l’Union européenne. Il est chargé de rechercher, de poursuivre et de renvoyer en jugement les auteurs d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, tels que la fraude, corruption, fraude transfrontière à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) supérieure à 10 millions d’euros (Dossier : Parquet européen : c’est parti ! - Genèse du parquet européen, AJ pénal 2018. 283 ). Il peut en particulier diligenter des enquêtes, effectuer des actes de poursuite et exercer l’action publique devant les juridictions compétentes des États membres.

Le Parquet fonctionne à l’aide d’une structure à deux niveaux :

  • la structure collégiale du Parquet assure la direction centralisée des recherches et la coordination des poursuites. Le Collège est composé d’un procureur européen par État membre, choisi par le Conseil de parmi trois candidatures soumises par chaque État. En juillet 2020, le collège des 22 procureurs européens a été désigné pour six ans, avec une rotation partielle tous les trois ans pour un tiers des États ;
     
  • des procureurs européens délégués au sein de chaque État membre ont l’exercice effectif de l’action publique au sein des États membres. Ils sont chargés de mener les enquêtes et les poursuites pénales en lien avec les autorités nationales.

La procédure pénale nationale des États membres, dont celle de la France, ont du s’adapter, non sans susciter certaines critiques (sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice spécialisée, 29 janv. 2020, v, Dalloz actualité, 27 févr. 2020, obs. H. Christodoulou). Répondant sans doutes à celles portant sur son manque d’indépendance, la cérémonie d’installation a été l’occasion pour la cheffe du Parquet européen de s’engager « solennellement à exercer [s]es fonctions en pleine indépendance dans l’intérêt de l’Union dans son ensemble ; à ne solliciter ni accepter d’instructions d’aucune personne ou entité extérieure au Parquet européen. […] à respecter l’obligation de confidentialité, en ce qui concerne toute information détenue par le Parquet européen ».

S’il n’est pas à ce jour possible de présager de l’impact du Parquet sur le développement d’un « ordre juridique mondial » (pour l’emploi de cette expression, v. la tribune de M. Delmas-Marty, Le Monde, 6 oct. 2020), il est déjà utile de relever qu’il s’agit là d’un complément important aux structures existantes que sont : l’Office européen de lutte anti-fraude, doté d’un simple pouvoir de « recommandations », et dont le champ de compétence se limite aux enquêtes administratives ; Eurojust, destiné à améliorer la coopération et la coordination entre les autorités judiciaires sans toutefois pouvoir procéder aux enquêtes ou aux poursuites ; ou encore Europol, dont la mission est de coordonner et faire coopérer les forces de police des États membres, sans pouvoir non plus mener lui-même d’enquêtes policières ou de poursuites.