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Partage de la valeur (II) : nouveaux dispositifs

La loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise a été publiée au Journal officiel du 30 novembre. Décryptage des dispositifs nouveaux.

Sur la réforme des dispositifs existants, v. Y. Pagnerre et M. Belkacem, Partage de la valeur (I) : réforme des dispositifs existants, Dalloz actualité, 15 déc. 2023.

 

AEBE et PPVE – La loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise retranscrit la volonté des partenaires sociaux de créer deux nouveaux dispositifs de partage de la valeur dont leur caractéristique commune est d’être de nature complémentaire par rapport à l’intéressement, la participation et l’épargne salariale. Le premier, prévu à l’article 8 de la loi et codifié à l’article L. 3346-1 du code du travail, organise un dispositif de partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice d’une entreprise (AEBE). Le second dispositif, prévu à l’article 10 mais non codifié, consacre le plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE). L’absence de codification étonne dès lors que le dispositif n’est pas expérimental ; elle serait liée à l’adoption d’un traitement fiscal et social de faveur temporaire en dehors d’une loi de finance publique et d’une loi de financement de la sécurité sociale1. L’argument manque de pertinence ; il aurait été plus judicieux de codifier le régime travailliste, sans codifier le traitement social et fiscal temporaire. L’isolement du texte laisse place à une interprétation autonome par rapport aux dispositions du code du travail.

Partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice

Obligation de négociation – Dans un contexte d’inflation forte, la question des bénéfices exceptionnels est récurrente. Transposant l’article 9 de l’accord national interprofessionnel (ANI), le chapitre VI du titre IV du livre III de la troisième partie du code du travail est intitulé « partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal » dont la finalité est d’organiser une amélioration des dispositifs de partage par une meilleure prise en compte des résultats exceptionnels2. L’article L. 3346-1 du code du travail définit le domaine et le régime du dispositif en imposant une obligation de négociation collective (et non de conclure un accord).

Domaine de l’obligation de négociation

Une entreprise « tenue de mettre en place un régime de participation » et disposant « d’un ou plusieurs délégués syndicaux » – Seules les entreprises réalisant un bénéfice net fiscal sont concernées3 ; ne sont visées que les entreprises soumises à l’obligation de constituer une réserve spéciale de participation4 employant au moins 50 salariés ou appartenant à une unité économique et sociale composée d’au moins 50 salariés5, et non les entreprises de moins de 50 salariés qui optent pour l’application d’un régime de branche6 ou qui adoptent un accord volontaire de participation ou décision unilatérale7.

L’autre condition est celle de la présence d’un ou de plusieurs délégués syndicaux rendant applicable l’obligation de négociation sur « le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise » prévue aux articles L. 2242-1, L. 2242-13 et L. 2242-15, 3°, du code du travail. Si l’obligation s’impose l’entreprise « a ouvert une négociation pour mettre en œuvre un dispositif d’intéressement ou de participation »8, elle joue même si l’entreprise dispose d’« un accord d’intéressement ou de participation […] applicable à la date de promulgation de la présente loi » en engageant, « avant le 30 juin 2024 », une négociation sur l’augmentation exceptionnelle du bénéfice. En revanche, le texte est écarté au profit des entreprises pionnières ayant conclu un « accord de participation ou d’intéressement comprenant déjà une clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels ou un régime de participation comportant une base de calcul conduisant à un résultat plus favorable que la formule » légale.

Bénéficiaires ? – Le partage de l’augmentation exceptionnelle vise « les salariés ». Ne peuvent donc pas en bénéficier les chefs d’entreprise ou dirigeants sociaux, à la différence des dispositifs d’intéressement ou de participation9.

Régime de l’obligation de négociation

Objet de la négociation – La négociation a deux objets : « la définition d’une augmentation exceptionnelle de son bénéfice défini au 1° de l’article L. 3324-1 » et « les modalités de partage de la valeur » :

  • sur la définition, le Conseil d’État avait souligné, en l’absence de critères, un risque constitutionnel d’incompétence négative ; un amendement, pour des raisons de sécurité juridique et sans trahir l’intention des partenaires sociaux, a proposé une énumération de critères, alternatifs, mais a priori limitatifs10 : « la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, la survenance d’une ou de plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation dès lors que ces opérations n’ont pas été précédées des attributions aux salariés dans les conditions prévues aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-5, L. 22-10-59 et L. 22-10-60 du code de commerce, les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice ». Les partenaires sociaux pourront s’inspirer de la notion comptable issue du règlement n°...

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