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Partialité du JLD ayant connu de l’affaire comme juge d’instruction

Un juge ayant apprécié l’existence d’indices graves ou concordants lors de la mise en examen ne peut, dans la suite de la procédure, intervenir en qualité de juge des libertés et de la détention, lequel est amené, pour statuer sur les mesures de sûreté, à s’assurer de l’existence de tels indices.

par Hugues Diazle 12 juillet 2022

Mis en examen pour tentative de meurtre en récidive, un justiciable a fait l’objet d’un placement en détention provisoire. Après prolongation de la mesure de sûreté, une demande de mise en liberté a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD). Contestant cette décision devant la chambre de l’instruction, le détenu a soutenu un moyen d’annulation, tiré de la partialité du JLD, ayant préalablement procédé à sa mise en examen, en qualité de juge d’instruction, dans cette même procédure.

La chambre de l’instruction a dit n’y avoir lieu à annulation de l’ordonnance contestée, considérant : d’une part, qu’il n’existait aucune incompatibilité légale ou conventionnelle pour un magistrat à exercer successivement les fonctions de juge d’instruction puis de JLD ; d’autre part, que la décision initiale de placement en détention provisoire avait été prise par un autre magistrat indépendant du juge d’instruction ayant notifié la mise en examen.

Devant la Cour de cassation, la défense a soutenu que l’exigence d’impartialité objective avait été méconnue, dès lors que le juge avait eu à apprécier l’existence d’indices graves ou concordants de la commission de l’infraction, avant de se prononcer sur le maintien en détention provisoire. Aux visas des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et 137-1 du code de procédure pénale, la chambre criminelle est venue valider ce raisonnement : un juge d’instruction ayant procédé à la mise en examen ne peut intervenir en qualité de JLD dans ce même dossier.

Le critère déterminant : l’appréciation sur l’existence d’indices graves ou concordants

Il est vrai que l’article 6, § 1, de la Convention impose à toute juridiction pénale un devoir d’« impartialité », dont la jurisprudence rappelle régulièrement qu’il implique deux types de contrôle : l’un, subjectif, vise à déterminer la conviction ou l’intérêt personnel du juge dans une affaire donnée ; l’autre, objectif, cherche à déterminer si le juge présente des garanties suffisantes pour exclure toute défiance légitime (CEDH, Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme [volet pénal], §§ 104 s.).

Pour autant, l’exercice successif de plusieurs fonctions judiciaires ne traduit pas nécessairement une partialité du magistrat. Le simple fait, pour un juge, d’avoir déjà̀ pris des décisions, ne peut passer pour justifier en soi des appréhensions quant à son impartialité́ : ce qui importe, c’est l’étendue de son contrôle sur les circonstances de l’espèce et sa prise de position quant à l’éventuelle responsabilité́ du justiciable (CEDH, Guide préc., § 123).

S’appuyant ici notamment sur les travaux préparatoires de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 – dont l’un des principaux apports a été de dessaisir le juge d’instruction du pouvoir de placer en détention provisoire, en instituant les fonctions de JLD, notamment pour préserver « l’impartialité objective de la procédure pénale, que requiert l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme » (Rapport n° 1468, déposé le 12 mars 1999, Mme Christine Lazerges) –, la Cour de cassation...

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