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Pas d’adoption plénière de l’enfant pour la concubine

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’impose pas de reconnaître tous les liens d’affection, fussent-ils anciens et établis. 

par Thomas Coustetle 8 mars 2018

En l’espèce, une concubine avait présenté une requête en adoption plénière de l’enfant biologique de sa compagne, dont elle est séparée depuis. L’enfant n’avait pas de filiation paternelle établie. La demande a été écartée  notamment en appel (Aix-en-Provence, 24 nov. 2016), au motif qu’elle conduirait à rompre le lien de filiation avec la mère biologique. Un pourvoi a donc été formé au soutien duquel était suggéré d’écarter l’application du droit français au nom de l’intérêt de l’enfant et ce, « afin de permettre l’établissement de la filiation correspondant à un lien affectif existant, tout en conservant celui existant avec la mère biologique ».

Son recours a été sans surprise rejeté. Au terme d’une lecture presque littérale du dispositif légal applicable, les juges de la Cour de cassation ont retenu que le droit au respect d’une vie familiale normale garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’impose pas de « consacrer tous les liens d’affection fussent-ils anciens et établis ». La Haute juridiction en a ainsi déduit que l’absence de mariage aurait produit comme conséquence d’anéantir le lien de filiation avec la mère d’origine, dont le maintien est conforme à l’intérêt de l’enfant.

Pas d’adoption de l’enfant du conjoint sans mariage

La mère « d’intention », séparée de la mère biologique de l’enfant, sollicitait du juge qu’il prononce une seconde filiation maternelle à son égard. En résumé, reconnaître une seconde filiation en dehors de tout mariage. 

Certes, les textes n’interdisent pas formellement une telle reconnaissance. L’article 345-1 du code civil, auquel se réfère la Cour de cassation, ne fait que « limiter les cas dans lesquels l’adoption plénière est permise » (P. Salvage-Gerest, AJ fam. 2016. 454 ). Lui faire dire que l’adoption de l’enfant implique le mariage peut donc paraître « excessif » (v. P. Salvage-Gerest, art. préc.).

En réalité, elle serait surtout inapplicable en dehors du mariage car le lien adoptif rompt, de manière irrévocable, la reconnaissance du lien de filiation avec les parents biologiques… sauf s’il s’agit de l’enfant de son conjoint. En l’espèce, la filiation adoptive se serait substituée à celle d’origine, sans recours pour la mère qui ne souhaitait pas y renoncer. Son rejet n’est donc pas étonnant. 

Une solution indifférente à l’orientation sexuelle du couple

De ce point de vue, la solution est indifférente à l’orientation sexuelle du couple. Ces dernières années, les prétoires sont occupés par des demandes adoptives de couples homosexuels ou hétérosexuels, lorsque l’enfant est conçu par procréation médicalement assistée (v. en dernier lieu, Versailles, 15 févr. 2018, n° 17/05286, Dalloz actualité, 23 févr. 2018, art. T. Coustet isset(node/189304) ? node/189304 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>189304), ou par gestation pour autrui (Civ. 1re, 5 juill. 2017, n° 16-16.455, Dalloz actualité, 6 juill. 2017, obs T. Coustet isset(node/185847) ? node/185847 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>185847), mais une demande d’adoption peut aussi provenir d’une famille recomposée classique. 

Dans toutes ces hypothèses, l’adoption plénière doit être introduite par un conjoint marié (C. civ., art. 343-1). Le concubinage, stable ou non, n’ouvre pas droit à l’adoption plénière (Riom, 23 janv. 2018, n° 16/01224). C’est sans doute ce qui explique que les juges de cassation ne se soient pas approprié l’argument de la séparation qui a été retenu en appel. En soi, cet indice demeure indifférent aux débats.

À la recherche d’un statut pour le parent « d’intention »

Si la solution ne surprend guère, ce contentieux témoigne en réalité de la véritable difficulté du statut du parent « d’intention », lorsque justement le couple non marié se sépare.

En l’état du droit, les liens affectifs n’ouvrent aucune reconnaissance officielle. Selon Me Aude Denarnaud, l’avocat des deux femmes, « le débat sur cette question doit avoir lieu dans le cadre de la révision des lois sur la bioéthique ». « Le législateur doit être conscient qu’il existe un véritage barrage pour le parent social en cas de séparation. Ce dernier n’a plus aucun droit. Cela peut donner lieu à des situations dramatiques. En l’espèce, la seconde mère de l’enfant avait pourtant payé une pension alimentaire à titre gracieux. L’enfant, aujourd’hui âgé de seize ans, avait lui-même engagé une demande d’adoption. En vain », déplore-t-elle.

Pour l’heure, sa cliente a donné le feu vert pour qu’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme soit engagé. 

Dans un mois, la Cour de cassation doit rendre un avis sur une demande en reconnaissance de la filiation via la possession d’État. Me Aude Denarnaud qui a également porté ce dossier, relève que « la possession d’État demeure, en l’état, le seul moyen juridique pour qu’un “parent social” soit reconnu en cas de séparation ». Selon l’experte, « c’est admis pour les couples hétérosexuels. Pourquoi en serait-il autrement pour les couples de même sexe ? ».