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Pas de contribution aux charges du mariage par apport de fonds pour la construction d’un bien à usage familial

La Cour de cassation réaffirme et étend sa position relative au périmètre de la contribution aux charges du mariage : pour l’acquisition comme pour l’amélioration par voie de construction d’un bien indivis affecté à l’usage familial, l’apport en capital de fonds personnels effectué par un époux séparé de biens ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage, sauf convention contraire des époux.

La contribution aux charges du mariage fait l’objet depuis plusieurs années d’une saga jurisprudentielle qui passionne et déconcerte la doctrine. L’arrêt rendu ce 9 juin 2022 s’inscrit dans le prolongement de solutions jurisprudentielles désormais bien établies.

Au cas d’espèce, deux époux mariés sous le régime de la séparation de biens avaient divorcé en 2013 puis rencontré des difficultés dans le cadre du règlement de leurs intérêts patrimoniaux. Deux pommes de discorde subsistaient. D’une part, l’époux se prétendait créancier en raison de l’acquisition indivise d’un appartement ayant constitué le domicile conjugal. L’apport en capital provenait en effet d’un compte courant d’associé qu’il détenait personnellement. D’autre part, il sollicitait un remboursement au titre du financement, par apport de fonds personnels, des travaux d’édification d’une maison indivise qui avait à son tour servi de logement familial.

Dans un arrêt rendu le 1er septembre 2020, la cour d’appel de Chambéry rejeta les deux demandes au motif que ces deux versements devaient s’analyser en l’exécution par l’époux de son obligation de contribuer aux charges du mariage. Les juges d’appel avaient ainsi relevé que le contrat de mariage des époux stipulait que chacun sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux et que l’importante disparité de revenus devait conduire le demandeur à contribuer de façon plus importante aux charges du mariage.

Le succombant forma un pourvoi en cassation articulé en deux moyens, l’un relatif à l’acquisition, l’autre à l’amélioration. La Cour de cassation était donc de nouveau interrogée sur le périmètre de la contribution aux charges du mariage. D’une part, elle devait se prononcer sur le maintien de sa jurisprudence excluant des charges du mariage l’apport en capital pour l’acquisition d’un bien affecté à l’usage familial. D’autre part, il lui fallait décider d’étendre ou non cette solution au cas de l’apport en capital pour la construction, sur un terrain indivis, d’un bien affecté à l’usage familial.

Sans grande surprise, l’arrêt d’appel est cassé pour violation de la loi au visa de l’article 214 du code civil. En réponse au premier moyen, la Cour se contente de reproduire un attendu de principe déjà usité : « sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer la part de l’autre lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ».

En réponse au second moyen, la première chambre civile adapte l’attendu précédent : « sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels, effectué par un époux séparé de biens pour financer l’amélioration, par voie de construction, d’un bien indivis affecté à l’usage familial, ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage ».

Exclusion des charges du mariage de l’amélioration, par voie de construction, d’un bien indivis: une extension logique

La Cour de cassation saisit donc l’occasion qui lui est donnée de réaffirmer sa position de principe s’agissant de l’acquisition indivise (Civ. 1re, 3 oct. 2019, n° 18-20.828 P, Bull. inf. n° 917 du 1er mars 2020, p. 15 ; Dalloz actualité, 22 oct. 2019, obs. M. Cottet ; D. 2020. 60 , note B. Chaffois ; ibid. 901, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 2206, obs. S. Godechot-Patris et C. Grare-Didier ; AJ fam. 2019. 604, obs. J. Casey ; RTD civ. 2019. 913 et les obs.  ; Gaz. Pal. 26 nov. 2019, n° 364g7, p. 55, note S. Deville ; Dr. fam. 2019. 12. comm. 241 et 242, obs. S. Torricelli-Chrifi ; RJPF 2019. 12, p. 22, note J. Dubarry et E. Fragu ; 17 mars 2021, n° 19-21.463 P, Dalloz actualité, 31 mars 2021, obs. Q. Guiguet-Schielé ; D. 2021. 631 ; ibid. 819, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 1784, chron. V. Champ, C. Dazzan, S. Robin-Raschel, S. Vitse, V. Le Gall, X. Serrier, J. Mouty-Tardieu, E. Buat-Ménard et A. Feydeau-Thieffry ; ibid. 2022. 528, obs. M. Douchy-Oudot ; AJDI 2021. 383 ; AJ fam. 2021. 314, obs. J. Casey ; Dr. fam. 2021. Comm. 72, note S. Torricelli-Chrifi ; Gaz. Pal. 27 juill. 2021, n° 425d0, p. 58, note L. Firdion ; RJPF 2021-5/17, p. 74, obs. E. Fragu ; 9 févr. 2022, n° 20-14.272 NP, Dr. fam. 2022. Comm. 87, S. Torricelli-Chrifi ; DEF 2 juin 2022, n° DEF208b4, note I. Dauriac ; LEFP mai 2022, n° DFP200u0, note L. Mauger-Vielpeau ; RJPF 2022-4, note J. Dubarry). Elle en profite pour appliquer le même raisonnement à « l’amélioration par voie de construction » d’un bien indivis, ce qui est nouveau et assez logique.

Remarquons d’emblée qu’une telle extension ne sera sans doute jamais réalisée à propos du périmètre de l’article 815-13 du code civil. Certes, la Cour de cassation distingue aussi le remboursement des échéances de l’emprunt (qui, en tant que dépenses de conservation, peuvent...

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