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Pas de contrôle in concreto sur l’anonymat du donneur de gamètes

Le Conseil d’État refuse définitivement de lever l’anonymat des donneurs de gamètes, quels que soient les arguments invoqués tirés de la convention européenne des droits de l’homme.

par Marie-Christine de Monteclerle 11 janvier 2018

Le contrôle de conventionnalité in concreto n’est pas un moyen gagnant à tout coup pour écarter les règles françaises de bioéthique. Son usage demeure exceptionnel et ne peut, en particulier, pas permettre d’écarter la loi sur l’anonymat du donneur de gamètes. Le Conseil d’État a donc rejeté le pourvoi d’un homme né par insémination artificielle et qui cherche, depuis 2011, à connaître l’identité du donneur à l’origine de sa conception.

M. M. avait obtenu, en 2011, que le tribunal administratif de Paris interroge le Conseil d’État sur la compatibilité de l’anonymat des donneurs de gamètes imposé par la loi française avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (TA Paris, 21 sept. 2012, n° 1121183/7-1, AJDA 2012. 2115 , note S. Hennette-Vauchez ). Mais l’avis de la haute juridiction avait douché ses espoirs (CE, avis, 13 juin 2013, n° 362981, Lebon ; AJDA 2013. 1246 ; D. 2013. 1626, obs. R. Grand ; ibid. 2014. 1171, obs. F. Granet-Lambrechts ; AJ fam. 2013. 405, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RFDA 2013. 1051, concl. E. Crépey ). Logiquement, le tribunal avait alors rejeté le recours de M. M. contre le refus de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris de lui communiquer les informations qu’il souhaitait. En cassation, M. M. invoquait la jurisprudence Mme Gonzalez-Gomez qui permet au juge d’écarter une loi conventionnelle, lorsque, dans des circonstances particulières, celle-ci porte atteinte aux droits qu’un individu tire de la Convention (CE, ass., 31 mai 2016, n° 396848, Lebon avec les concl. ; AJDA 2016. 1092 ; ibid. 1398 , chron. L. Dutheillet de Lamothe et G. Odinet ; D. 2016. 1470, obs. M.-C. de Montecler ; ibid. 1472, note H. Fulchiron ; ibid. 1477, note B. Haftel ; ibid. 2017. 729, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 781, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 935, obs. Régine ; ibid. 1011, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2016. 439, obs. C. Siffrein-Blanc ; ibid. 360, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RFDA 2016. 740, concl. A. Bretonneau ; ibid. 754, note P. Delvolvé ; RTD civ. 2016. 578, obs. P. Deumier ; ibid. 600, obs. J. Hauser ; ibid. 802, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 834, obs. J. Hauser ; RTD eur. 2017. 319, obs. D. Ritleng ).

Le Conseil d’État estime que « plusieurs considérations d’intérêt général ont conduit le législateur à interdire la divulgation de toute information sur les données personnelles d’un donneur de gamètes puis à écarter toute modification de cette règle de l’anonymat, notamment la sauvegarde de l’équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation, le risque d’une baisse substantielle des dons de gamètes, ainsi que celui d’une remise en cause de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps. Au regard de cette dernière finalité, qui traduit la conception française du respect du corps humain, aucune circonstance particulière propre à la situation d’un demandeur ne saurait conduire à regarder la mise en œuvre des dispositions législatives relatives à l’anonymat du don de gamètes, qui ne pouvait conduire qu’au rejet des demandes en litige, comme portant une atteinte excessive aux droits et libertés protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

Par conséquent, le moyen de ce que les refus contestés portaient, dans les circonstances particulières de l’espèce, une atteinte excessive aux droits de M. M. protégés par les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme était inopérant et le tribunal pouvait s’abstenir d’y répondre.