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Pas de recel pour « le couple aux 271 œuvres de Picasso »

Le recel de biens issus d’un vol ne peut être retenu à l’encontre des détenteurs des œuvres dès lors que l’existence du vol commis antérieurement à leur entrée en possession n’est pas démontrée.

par Méryl Recotilletle 27 mars 2018

À l’image d’une vente aux enchères, le défilé des œuvres culturelles se poursuit devant les juges de la Cour de cassation. Succédant au manuscrit de Chateaubriand (Crim. 31 janv. 2018, n° 17-80.049, Dalloz actualité, obs. T. de Ravel d’Esclapon isset(node/189061) ? node/189061 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>189061 ; v. égal. ibid., 11 sept. 2015, obs. M. Babonneau isset(node/174388) ? node/174388 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>174388 ; ibid., 21 déc. 2015, obs. T. de Ravel d’Esclapon isset(node/176347) ? node/176347 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>176347), les œuvres de Pablo Picasso sont à leur tour mêlées à une affaire portée devant la haute juridiction.

À la suite du décès de l’artiste, l’épouse de Pablo Picasso aurait fait don à un couple d’amis de 271 œuvres afin de les soustraire à l’inventaire de la succession. Les destinataires, l’électricien des époux Picasso et sa femme, les auraient alors entreposées et conservées pendant près de quarante ans, sans en connaître la valeur. Néanmoins, le fils de Pablo Picasso et administrateur de la succession a été appelé pour authentifier les œuvres. Le couple a alors été mis en examen du chef de recel de vol. Condamnés par le tribunal correctionnel, les prévenus ont interjeté appel, tout comme le ministère public et les parties civiles. Devant la cour du second degré, les époux sont revenus sur leurs propos antérieurs et leur nouvelle déclaration s’avère mensongère, sans cohérence et peu crédible. La cour d’appel, confirmant le jugement du tribunal correctionnel, a condamné les prévenus aux motifs que leur dernière version des faits était dénuée de toute crédibilité en ajoutant que leurs mensonges et leurs déclarations incohérentes relatives à leur entrée en possession des œuvres litigieuses établissaient leur mauvaise foi. Ils ne pouvaient donc ignorer l’origine frauduleuse des biens. Dans cette affaire relative à un recel d’œuvres d’art (v. A.-J. Fauré et O. Baecque, Recel d’œuvres d’art : les spécificités du délit et de sa poursuite, JAC 2017, n° 46, p. 26), la Cour de cassation a invalidé la décision de la cour d’appel aux motifs que le recel de biens tel qu’il est prévu à l’article 321-1 du code pénal n’est pas constitué en tous ses éléments dans la mesure où l’existence d’un vol des œuvres commis antérieurement n’est pas démontrée.

L’article 321-1 du code pénal exige un lien entre le recel et l’infraction d’origine. Cela implique pour le juge de relever les éléments constitutifs de l’infraction préalable au recel (Crim. 14 déc. 2000, n° 99-87.015, D. 2001. 831 ; RTD com. 2001. 527, obs. B. Bouloc ). Les juges apprécient également la régularité de la possession et la bonne foi dont peut se prévaloir l’acquéreur d’un bien mobilier (v. Crim. 30 nov. 1999, n° 98-85.991, RSC 2000. 832, obs. R. Ottenhof ; RTD com. 2000. 474, obs. B. Bouloc ; JCP 2000. II. 10359, note J. Biguenet). Jusqu’à preuve du contraire, l’article 311-1 du code pénal envisage le vol comme la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Or les juges n’ont, à aucun moment, caractérisé explicitement les éléments constitutifs de ce vol, en témoigne l’absence de toute mention d’un acte de soustraction frauduleuse. Ils se sont contentés de déduire le vol des déclarations visiblement peu cohérentes, voire mensongères, des prévenus. Les juges ont estimé, sans plus d’explications, que l’analyse de ces déclarations permettait d’établir que la totalité des œuvres provenait d’une appropriation frauduleuse réalisée à l’insu de l’artiste et de son épouse. À travers cette décision, la Cour de cassation rappelle implicitement que la loi pénale est d’interprétation stricte, ainsi, la simple possession, visiblement clandestine et dénuée de bonne foi, ne peut pas suffire à caractériser un vol.

Dans cette décision, la Cour de cassation a préféré se rendre à l’évidence plutôt que de céder aux apparences mais la brièveté de l’attendu principal nous laisse tout de même perplexes. D’une part, il est étonnant que la Cour de cassation ne se soit pas davantage expliquée sur son rejet de la qualification du vol. En effet, selon les dires des prévenus, les œuvres leur ont été données par l’épouse de Pablo Picasso. Pourquoi la Cour de cassation n’a-t-elle pas directement évincé le vol aux motifs qu’il ne saurait résulter d’une remise volontaire de la chose ? Les allégations douteuses des prévenus et l’incertitude quant à la possession des tableaux auraient-elles contraint les juges à rester prudents ? D’autre part, nous pouvons nous demander pour quelle raison la Cour de cassation n’a pas, tout simplement, appliqué la règle classique selon laquelle « un voleur ne peut pas être son propre receleur » (v. Crim. 12 nov. 2015, n° 14-83.073, Dalloz actualité, 27 nov. 2015, obs. D. Goetz ; AJ pénal 2016. 148, obs. J.-B. Perrier ; AJCT 2016. 279, obs. J. Lasserre Capdeville ; RTD com. 2016. 212, obs. B. Bouloc ; Gaz. Pal. 2016. 55, obs. S. Detraz ; Dr. pénal 2016, comm. 4, note Conte) sauf à caractériser des faits distincts (v. par ex. Crim. 10 oct. 1996, n° 95-80.447, Dr. pénal 1997. Comm. 48, obs. Véron).