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Pas de relèvement du commissaire aux comptes sans une faute grave ou un empêchement caractérisé

Le relèvement d’un commissaire aux comptes suppose la preuve de fautes suffisamment graves. En outre, la seule introduction d’une action en responsabilité contre un commissaire aux comptes par l’entité au sein de laquelle il exerce sa mission ne constitue pas un empêchement justifiant son relèvement.

Le mécanisme du relèvement illustre parfaitement le statut très original des commissaires aux comptes. Il s’agit certes d’une profession libérale, qui suppose une relation forte de confiance avec le client (la société). Mais ce professionnel est investi d’une mission légale de contrôle, qui implique que, une fois nommé par la collectivité des associés, son mandat doit en principe aller jusqu’à son terme.

Cela explique que le relèvement du réviseur légal ne puisse intervenir que sur décision judiciaire, soit pour faute, soit pour empêchement, l’action étant de surcroît attitrée (C. com., art. L. 823-7, devenu art. L. 821-50 à la suite de l’ord. n° 2023-1142 du 6 déc. 2023). Cela explique aussi que, depuis fort longtemps, la Cour de cassation opère un contrôle étroit de la motivation des juges du fond, aux termes de laquelle ils admettent ou écartent la demande en ce sens dont ils sont saisis.

Cet arrêt, publié, permet de procéder à d’utiles rappels à ce sujet.

Au cas particulier, deux sociétés sont victimes de fraudes commises par un comptable, salarié d’un cabinet d’expertise comptable, qui avait été détaché dans ces sociétés depuis plusieurs années. Il est soutenu que les fraudes n’ont pu être commises qu’en raison de manquements imputables aux commissaires aux comptes de ces sociétés dans l’exercice de leur mission. S’ensuit une assignation pour voir prononcer leur relèvement.

Notons, sans plus y insister car ce point n’est pas spécialement débattu dans l’arrêt, qu’il est indiqué que la demande est portée, notamment, par les sociétés concernées. Ce qui est un peu curieux dans la mesure où la société dont les comptes sont contrôlés ne fait pas partie des personnes ayant qualité à agir en relèvement (Com. 10 févr. 2015, n° 13-24.312 FS-P+B, Dalloz actualité, 19 mars 2015, obs. X. Delpech ; D. 2015. 430 ; ibid. 996, chron. J. Lecaroz, F. Arbellot, S. Tréard et T. Gauthier ; RJDA 6/15, n° 438), l’article R. 823-5 (désormais art. R. 821-176) exigeant toutefois la présence en la cause de l’entité auprès de laquelle intervient le commissaire aux comptes dont le relèvement est demandé.

Pour faire prospérer la demande de relèvement, ont été conjointement invoquées les deux hypothèses prévues par le législateur : la faute, qu’auraient commise les professionnels ; la situation d’empêchement dans laquelle ils se trouveraient du fait que, parallèlement à cette action en relèvement, une action en responsabilité professionnelle était engagée à leur encontre par neuf des sociétés du même groupe.

Déboutés en cause d’appel, les sociétés voient leur pourvoi rejeté, au motif d’une part, qu’il n’avait pas été établi que les commissaires aux comptes avaient commis des fautes suffisamment graves ; d’autre part, que la seule introduction d’une action en responsabilité par l’entité contrôlée ne constitue pas un empêchement susceptible de justifier un relèvement.

Le relèvement suppose la preuve de fautes suffisamment graves

L’arrêt est parfaitement conforme à la ligne jurisprudentielle dessinée depuis le début des années 90.

Le relèvement implique non pas seulement l’identification d’une faute dans l’exercice...

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