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Pas de réparation du préjudice devant le juge pénal lorsque la responsabilité civile du coupable ne peut être prononcée

La déclaration de culpabilité n’implique pas de facto le prononcé de la responsabilité civile de l’auteur de l’infraction. Les victimes parties civiles doivent identifier avec précaution la juridiction ainsi que la personne à l’encontre de laquelle elles souhaitent exercer l’action civile afin d’obtenir la réparation de leurs préjudices.

Ces décisions mettent en lumière les obstacles à l’engagement de la responsabilité civile d’individus reconnus coupables d’infractions ayant causé des dommages. Plus précisément, elles illustrent des cas (dérogatoires au droit commun) d’impossibilité pour la juridiction répressive de se prononcer sur la responsabilité civile de personnes physiques ayant commis des infractions non intentionnelles dans le cadre de leurs fonctions. Les parties civiles n’ont ainsi pu obtenir la réparation de leur préjudice devant le juge pénal en raison d’une erreur reposant, soit sur l’identification de la personne à l’encontre de laquelle l’action civile a été dirigée, soit sur le choix de la juridiction saisie. En tout état de cause, la saisine de la juridiction pénale par les parties civiles a sans doute accru leur chance d’obtenir la réparation de leur préjudice grâce au prononcé de la culpabilité de l’auteur de l’infraction.

L’erreur d’identification de la personne civilement responsable

La première décision concerne l’impossibilité, pour un agent public dans le cadre de ses fonctions, de voir sa responsabilité civile engagée à l’issue d’un accident de voiture appartenant à l’État.

En l’espèce, un accident de la circulation a été provoqué par un véhicule de gendarmerie conduit, dans le cadre de ses fonctions, par un maréchal des logis-chef. Celui-ci a occasionné le décès de la conductrice du véhicule percuté ainsi que des blessures ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à trois mois aux passagers du véhicule de gendarmerie. Déclaré coupable de ces délits et responsable des dommages causés aux victimes, le tribunal correctionnel a condamné le conducteur au versement d’une consignation en vue de l’expertise médicale ordonnée ainsi qu’au paiement de diverses sommes aux parties civiles.

En cause d’appel, la chambre correctionnelle a déclaré recevables les constitutions de partie civile et a retenu la responsabilité du conducteur pour les préjudices subis par ces parties. Les juges du fond ont ainsi alloué la somme de 10 000 € à une partie civile et condamné l’agent aux dépens afférents à l’intervention des parties civiles.

Dès lors, le requérant s’est pourvu en cassation sur le fondement de l’article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 en soutenant que les juges du fond avaient méconnu ce texte en ce qu’il prévoit que la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l’égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur du dommage causé, dans l’exercice de ses fonctions, par un véhicule.

Accueillant cet argument, la chambre criminelle a cassé l’arrêt au visa de l’article mentionné en ses seules dispositions relatives à l’action civile et a déclaré la partie civile irrecevable à agir contre l’agent pénalement responsable du délit (v. en ce sens Crim. 29 juin 1999, n° 98-81.407 P, D. 1999. 221 ; 11 avr. 1959, Bull. crim. n° 216).

Ainsi, le gendarme conducteur a été déclaré coupable mais civilement irresponsable pour les préjudices subis par les parties civiles. Ces dernières doivent alors exercer leur action à l’encontre de l’État ce qui leur assure la garantie d’être indemnisées par une personne solvable. L’engagement de la responsabilité sera effectué conformément aux règles du droit civil, devant la juridiction civile ou pénale, dans la mesure où l’État substitue sa responsabilité civile à celle de l’agent (v. Crim. 19 nov. 1959, JCP 1960. II. 11386, note Aymond ; T. confl. 23 nov. 1959, D. 1960. 223, note Savatier ; Rép. pén., Action civile, par C. Ambroise-Castérot). L’État pourra ensuite exercer une action récursoire contre l’agent ayant conduit le véhicule si une faute personnelle peut lui être reprochée, ce principe étant admis par le Conseil d’État depuis 1951 (CE, ass., 28 juill. 1951, n° 010747, Légipresse 2019. 663 et les obs. ; confirmée notamment par 17 déc. 1999, n° 199598, Moine, Lebon ; D. 2000. 24 ; 12 déc. 2008, n° 296982, Ministère de l’éducation nationale c. Hammann, Dalloz actualité, 5 janv. 2009, obs. C. de Gaudemont ; Lebon ; AJDA 2009. 895 , note C. Deffigier ; AJFP 2009. 91 ; v. Rép. pr. civ., avr. 2020, act. oct. 2022, J.-P. Besson et J. Amouroux).

En revanche, les victimes conservent leur droit de se constituer partie civile contre l’auteur de l’infraction en vue de...

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