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Pas de transmission universelle du patrimoine à l’associé unique en cas de dissolution de la société au cours d’un plan assortie d’une inaliénabilité du fonds

La dissolution d’une société, dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, intervenue au cours de son plan de redressement ayant prévu l’inaliénabilité du fonds de commerce, n’entraîne pas la transmission universelle de son patrimoine à l’associé unique. Ce faisant, au cours de l’exécution du plan, la société – même dissoute – ne perd pas sa capacité d’ester en justice.

Si la réunion de toutes les parts sociales d’une société en une seule main n’entraîne pas sa dissolution de plein droit, l’on sait, en revanche, que tout intéressé peut la solliciter si, dans le délai d’un an de la réunion des parts, la situation n’a pas été régularisée (C. civ., art. 1844-5, al. 1). En l’occurrence, en cas de dissolution, il est prévu que cette dernière entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à l’associé unique – nécessairement personne morale (C. civ., art. 1844-5, al. 4) –, et ce, sans qu’il y ait lieu à liquidation (C. civ., art. 1844-5, al. 3).

Du reste, la mise en œuvre du texte précité est conditionnée au jeu d’un mécanisme particulier protégeant les créanciers sociaux et, pour résumer, leur octroyant notamment un remboursement s’ils s’opposent avec succès à la transmission du patrimoine.

Qu’en est-il lorsque la dissolution pour cause de réunion des parts sociales en une seule main survient au cours d’une procédure collective ?

En apparence, la réponse à apporter à cette interrogation est simple, car la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de trancher la difficulté en jugeant qu’à compter du jugement d’ouverture, le patrimoine du débiteur ne peut être cédé ou transmis que « selon les règles d’ordre public applicables au redressement ou à la liquidation judiciaire des entreprises en difficulté ». Par conséquent, il en a été déduit que « la dissolution d’une société dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, intervenue postérieurement au jugement d’ouverture, n’entraîne pas la transmission universelle de son patrimoine à l’associé unique » (Com. 12 juill. 2005, n° 03-14.809 P, D. 2005. 2002 , obs. A. Lienhard ; ibid. 2950, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; adde, pour la même solution adoptée en liquidation judiciaire, Com., 12 juill. 2005, nº 02-19.860 P, D. 2005. 2002 , obs. A. Lienhard ; ibid. 2950, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; Rev. sociétés 2005. 913, note J.-P. Sortais ).

C’est dire qu’entre le droit des entreprises en difficulté et le droit des sociétés, la Haute juridiction a opté, à l’époque, en faveur de la prééminence du premier sur le second. Du reste, cette remarque paraît encore se vérifier à la lecture de l’arrêt sous commentaire, et ce, quand bien même, nous allons le voir, la dissolution de la personne morale surviendrait durant l’exécution du plan à un moment, pourtant, où le débiteur est normalement de nouveau maître de ses droits.

L’affaire

En l’espèce, courant 2009, une SARL a été mise en redressement judiciaire et son plan arrêté en 2011 pour une durée de dix ans en prévoyant, en outre, que son fonds de commerce serait inaliénable durant l’exécution du plan.

Quelques années plus tard, le 27 avril 2018, une assemblée générale extraordinaire a prononcé la dissolution par anticipation de la SARL qui avait pour associée unique une autre société depuis une cession de parts intervenue un mois avant ladite décision.

Par la suite, par actes des 18 janvier et 2 avril 2019, la SARL a assigné l’un de ses débiteurs aux fins d’obtenir le paiement de diverses factures et, ayant été radiée du RCS le 20 mai 2021, c’est l’associé unique de la SARL dissoute qui a été désigné en tant que mandataire ad hoc pour poursuivre cette instance. En parallèle, le 29 septembre 2021, un jugement a constaté l’exécution du plan de redressement de la SARL et a prononcé la clôture de la procédure collective.

La société poursuivie en paiement de diverses factures va contester l’action ainsi engagée par la SARL et le contentieux se noue, notamment, autour de sa capacité d’ester en justice en raison de sa dissolution intervenue en cours d’exécution du plan.

L’affaire est portée en appel.

Avant de parvenir à leur solution, les juges du second degré vont d’abord rappeler qu’en arrêtant le plan, le tribunal avait rendu inaliénable le fonds de commerce de la société, puis que la dissolution de cette dernière était intervenue en 2018, c’est-à-dire à une époque où le plan de redressement était toujours en cours d’exécution. Or, de ces éléments, la cour d’appel en déduit que la transmission du fonds de commerce de la SARL – et au-delà de son patrimoine en raison de sa dissolution pour cause de réunion des parts sociales dans les mains d’un associé unique – demeurait soumise aux règles d’ordre public du droit des entreprises en difficulté.

Par conséquent et plus précisément, pour la cour d’appel, bien que toutes les parts du capital de la SARL se...

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