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Péremption : entre droit commun et régime dérogatoire, difficile de s’y retrouver !

À défaut d’un texte spécial subordonnant l’application de l’article 386 du code de procédure civile à une injonction particulière du juge, la péremption est constatée lorsque les parties n’ont accompli aucune diligence dans un délai de deux ans, quand bien même le juge n’en aurait pas mis à leur charge.

par Corinne Bléryle 27 avril 2021

Une nouvelle fois c’est la péremption qui est l’objet d’un arrêt de la Cour de cassation. Il y a peu de temps, la chambre sociale avait statué sur la question (Soc. 13 janv. 2021, nos 19-21.422, 19-21.423, 19-21.425, 19-21.426 FS-P+I, Dalloz actualité, 5 févr. 2021, obs. C. Bléry ; D. 2021. 85 ; ibid. 543, obs. N. Fricero ; RDT 2021. 121, obs. D. Mardon ), c’est au tour de la deuxième chambre civile, par un arrêt du 25 mars 2021. L’arrêt du 13 janvier concernait la péremption en matière prud’homale ; celui du 25 mars intervient en matière de sécurité sociale, devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT) – juridiction « en voie de disparition ». Dans les deux affaires, la succession de plusieurs régimes relatifs à la péremption a engendré des confusions que la Cour de cassation a dû dissiper.

L’arrêt du 25 mars est surtout intéressant en ce qu’il rappelle une règle générale, celle exposé en introduction. Il en tire la conséquence que, dès lors qu’un régime dérogatoire ne jouait pas en matière de péremption devant la CNITAAT, il fallait appliquer le régime de droit commun de la préemption, tel que prévu par l’article 386 du code de procédure civile. Cette règle est transposable à toute autre juridiction ou procédure civile…

En 2014, une caisse primaire d’assurance maladie fixe le taux d’incapacité permanente partielle d’un salarié. Son employeur saisit d’un recours un tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI). La CPAM interjette appel contre le jugement du TCI devant la CNITAAT.

Devant la juridiction d’appel, l’employeur soulève une exception de péremption. Par arrêt du 18 juin 2019, celle-ci constate la péremption de l’instance, car la caisse n’a pas effectué de diligences entre le 9 décembre 2016 et le 9 décembre 2018, date de ses conclusions et de sa demande de fixation à l’audience ; en application des dispositions de l’article 390 du code de procédure civile la péremption en cause d’appel confère au jugement la force de chose jugé.

La CPAM forme un pourvoi en cassation, comportant deux moyens.

Par le premier moyen, la caisse estime que, « lorsqu’un appel est formé devant la CNITAAT, en application des articles R. 143-24 et suivants du code de la sécurité sociale, la direction de la procédure échappe aux parties et incombe à la juridiction, […] que n’étant tenues d’effectuer aucune diligence en vue faire avancer l’instance à compter de la saisine de la CNITAAT, les parties ne peuvent se voir opposer la péremption ; qu’en décidant le contraire, la CNITAAT a violé l’article 386 du code de procédure civile  (première branche) et […] « qu’en se fondant sur une circonstance impropre à justifier que la péremption leur soit opposable, la CNITAAT a violé l’article 386 du code de procédure civile » (deuxième branche).

Par le second moyen, la caisse estime que « n’étant tenues d’effectuer aucune diligence en vue faire avancer l’instance à compter de la saisine du médecin consultant [lorsqu’un tel médecin a été saisi] et jusqu’à la communication de son avis, les parties ne peuvent se voir opposer la péremption à raison de l’absence de telles diligences » ; la CNITAAT aurait dû s’expliquer sur ce point.

La deuxième chambre civile rejette le pourvoi, les deux moyens étant infondés.

Elle juge que le premier moyen « procède du postulat erroné que la direction de la procédure devant la Cour nationale échappe aux parties ». En effet, et tout d’abord, la procédure devant la CNITAAT est régie par les dispositions du livre Ier du code de procédure civile, sous réserve de dispositions dérogatoires du code de la sécurité sociale. Or, « il ne résulte d’aucun de ces textes que la péremption d’instance devant la Cour nationale soit soumise à un régime spécial en vertu duquel elle ne s’appliquerait qu’à la condition que les parties se soient abstenues d’accomplir les diligences mises à leur charge par la juridiction. Ainsi, à défaut d’un texte spécial subordonnant l’application de l’article 386 du code de procédure civile à une injonction particulière du juge, la péremption est constatée lorsque les parties n’ont accompli aucune diligence dans un délai de deux ans, quand bien même le juge n’en aurait pas mis à leur charge ». Ensuite, les pouvoirs du président de la section de mise en état de l’affaire et le rôle du secrétaire général de la Cour nationale « ne privent pas [les parties] de la faculté d’effectuer des diligences pour accélérer le cours de l’instance, et notamment de demander la fixation de l’affaire à une audience ».

Elle raisonne de manière identique à...

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