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La question relative à l’absence de régime propre aux perquisitions réalisées dans un ministère présente un enjeu institutionnel au regard du principe de la séparation des pouvoirs, ce qui justifie son renvoi au Conseil constitutionnel.
par Théo Scherer, Docteur en droit, ATER à l’université Caen Normandiele 7 mars 2023
La décision de l’assemblée plénière du 17 février 2023 s’inscrit dans la procédure relative aux soupçons de prise illégale d’intérêts pesant sur l’actuel garde des Sceaux (sur cette affaire, v. P. Januel, Éric Dupond-Moretti, avocat, ministre et renvoyé, Dalloz actualité, 4 oct. 2022). Le 1er juillet 2021, la commission d’instruction de la Cour de justice de la République a mené une perquisition au sein des locaux du ministère de la Justice. Au cours des opérations, des documents ainsi que des données d’ordinateurs et de téléphones ont été saisis. La régularité de la perquisition a été contestée, mais les demandes d’annulation ont été rejetées par deux fois. Des pourvois avaient alors été formés. Ils n’ont été examinés qu’avec le pourvoi dirigé contre l’ordonnance de renvoi devant la Cour de justice. Les trois pourvois soulevaient la même question prioritaire de constitutionnalité : « Les dispositions des articles 56, 57, alinéa 1er, et 96 du code de procédure pénale, en ce qu’elles autorisent la perquisition au sein du siège d’un ministère, lieu d’exercice du pouvoir exécutif au sens de l’article 20 de la Constitution, sans assigner de limites spécifiques à cette mesure, ni l’assortir de garanties spéciales de procédure permettant de prévenir une atteinte disproportionnée à la séparation des pouvoirs, portent-elles atteinte à ce principe, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi qu’à l’article 34 de la Constitution qui impose au législateur de fixer les règles concernant la procédure pénale ? ».
La Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, devait donc vérifier si les conditions de renvoi de la question au Conseil constitutionnel étaient remplies. En l’espèce, la nature législative des dispositions concernées, leur applicabilité au litige et l’absence de déclaration antérieure de leur conformité à la Constitution pouvaient être facilement établies. En revanche, le caractère sérieux ou nouveau de la question ainsi que l’invocation d’une atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ont fait l’objet de discussion.
Une question nouvelle
Selon l’article 23-4 de l’ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958, la Cour de cassation ne renvoie une question que si elle est nouvelle ou présente un caractère sérieux. Contre toute attente, l’assemblée plénière a retenu la nouveauté. Le conseiller rapporteur (rapport du conseiller, p. 32) et l’avocat général (avis de l’avocat général, p. 10 s.) avaient pourtant balayé cette option d’un revers de main. En principe, une question est qualifiée de nouvelle lorsqu’elle implique l’interprétation d’une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’a pas encore eu l’occasion de faire application (Cons. const. 3 déc. 2009, n° 2009-595 DC, consid. 21, Dalloz actualité, 14 déc. 2009, obs. J. Daleau ; ibid., 9 déc. 2009, obs. S. Brondel ; AJDA 2009. 2318 ; ibid. 2010. 80, étude A. Roblot-Troizier ; ibid. 88, étude M. Verpeaux ; RFDA 2010. 1, étude B. Genevois ; Constitutions 2010. 229, obs. A. Levade ; RSC 2010. 201, obs. B. de Lamy ; RTD civ. 2010. 66, obs. P. Puig ; ibid. 517, obs. P. Puig ). Si l’on s’attache à cette acception du caractère nouveau, la condition n’était pas remplie en l’espèce, le Conseil constitutionnel ayant déjà eu l’occasion de se prononcer sur la nécessité pour le législateur d’exercer sa compétence (par ex. Cons. const. 18 juin 2012, no 2012-254) et sur la séparation des pouvoirs (par ex. Cons. const. 22 juill. 2016, n° 2016-555 QPC, AJDA 2016. 1925, note A.-L. Cassard-Valembois ; AJ pénal 2016. 538, obs. M.-E. Boursier ). Il est vrai que la combinaison de ces deux principes était inédite, mais cet aspect n’est pas déterminant.
En réalité, une question peut aussi être nouvelle en dehors de ce cas. C’est ce qu’indique le Conseil constitutionnel : ce critère doit aussi « permettre au Conseil d’État et à la Cour de cassation d’apprécier l’intérêt de saisir le Conseil constitutionnel » (Cons. const. 3 déc. 2009, préc.). Derrière cet énoncé énigmatique se cache un véritable pouvoir de renvoi en opportunité. Les hautes juridictions le mobilisent lorsque la question est fréquemment posée (par ex., sur la motivation des arrêts de cour d’assises, Crim. 19 janv. 2011, n° 10-85.159, Dalloz actualité, 8 févr. 2011, obs. S. Lavric ; D. 2011. 800, obs. S. Lavric ,...
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Auteur(s) : Coralie Ambroise-Castérot; Pascal Beauvais; Maud Léna