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Perquisition dans un cabinet d’avocat : la saisissabilité toujours à son comble en raison d’une conception très restrictive des documents relevant des droits de la défense

Lors d’une perquisition dans un cabinet d’avocat, les documents qui ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense, bien que couverts par le secret professionnel, demeurent saisissables. Peut dès lors être saisi un protocole transactionnel portant sur un litige privé pour permettre amiablement la restitution de documents et le retour en France du plaignant dont la défense pénale n’a pas été assurée devant les juridictions étrangères. Quant aux procès-verbaux d’audition d’avocats établis à l’occasion d’une enquête déontologique, ils ne constituent pas des documents couverts par le secret professionnel.

C’est un arrêt de principe dans une matière délicate qui a été rendu par la chambre criminelle, de surcroît dans une affaire complexe et médiatisée impliquant un entrepreneur franco-algérien arrêté au Qatar en 2020 et supposément libéré en échange de la transmission de pièces sensibles concernant une personnalité qatarie. Ces faits ont généré l’ouverture d’une information judiciaire des chefs notamment d’arrestation, enlèvement, séquestration aggravés et extorsion en bande organisée. Le dossier présente cette spécificité que des négociations avaient été menées entre avocats français des deux parties en vue de la libération du plaignant, aboutissant à la signature de protocoles d’accord.

Le juge des libertés et de la détention (JLD) avait autorisé le juge d’instruction à procéder à des perquisitions au cabinet ainsi qu’au domicile des avocats intervenus de deux côtés de ces négociations (pour le pourvoi connexe n° 23-86.261, v. notre commentaire à paraître).

La perquisition menée dans le cabinet de l’avocat de la partie qatarie visée par la plainte avec constitution de partie civile avait donné lieu à une contestation élevée par le bâtonnier concernant la saisie de plusieurs éléments, dont le versement avait néanmoins été ordonné par le JLD. Le bâtonnier avait formé un recours contre cette ordonnance, confirmée par le président de la chambre de l’instruction en octobre 2023.

Le président de la chambre de l’instruction avait jugé que le caractère saisissable des pièces devait s’analyser indépendamment de toute mise en cause des avocats dans les faits, et qu’après une description précise du contenu des documents, ceux-ci entraient bien dans le périmètre de l’ordonnance d’autorisation de perquisition, étaient utiles à la manifestation de la vérité et ne relevaient pas du secret de la défense en l’absence d’une procédure judiciaire entre les protagonistes.

Les moyens du pourvoi, qui sont rejetés, permettent à la chambre criminelle de poursuivre son interprétation extensive du champ des documents saisissables en dépit de leur lien avec l’exercice professionnel de l’avocat.

Les documents couverts par le secret professionnel mais ne relevant pas de l’exercice des droits de la défense, saisissables en vertu de la loi

Dans cet arrêt, la Cour de cassation continue de rappeler que l’article 56-1 du code de procédure pénale ne protège qu’une petite sous-catégorie des documents de travail de l’avocat de l’ingérence que constitue une perquisition.

Dans sa version issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, l’alinéa 2 de ce texte dispose que « le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession d’avocat et à ce qu’aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines...

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