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Perquisition à La France insoumise : le jugement condamnant Jean-Luc Mélenchon

Condamnation du leader de La France insoumise à trois mois d’emprisonnement avec sursis et 8 000 € d’amende pour rébellion, provocation directe à la rébellion et intimidation envers des magistrats et des dépositaires de l’autorité publique lors de la perquisition au siège de son mouvement, en octobre 2018.

par Dorothée Goetzle 8 janvier 2020

Le tribunal a également prononcé des peines d’amendes allant de 2 000 à 7 000 € contre un député, un eurodéputé, le président de l’association et l’attachée de presse de la France insoumise pour des faits qualifiés de rébellion commise en réunion et acte d’intimidation envers un dépositaire de l’autorité publique.

Le 16 octobre 2018 à 7 heures du matin, une perquisition débutait au domicile de Jean-Luc Mélenchon. Une heure plus tard, les enquêteurs et trois magistrats se présentaient au siège de l’association La France insoumise. Ces perquisitions s’inscrivaient dans le cadre de deux enquêtes distinctes.

Jean-Luc Mélenchon médiatisait l’intervention réalisée à son domicile. Il faisait part, dans des vidéos mises en ligne sur les réseaux sociaux, de son énervement par rapport à ces deux perquisitions. Il appelait tous ses soutiens, membres et partisans à se rendre au siège car « nous n’avons pas à en être expulsés par cette bande. Vous devez entrer et défendre votre siège. Rien de tout ça n’est du droit ni de la police […], ce sont des ordres illégaux, immoraux, inacceptables […]. Résistez de toutes les façons possibles, ne vous laissez pas intimider par eux ».

À la suite de cet appel, plusieurs individus – y compris des journalistes – convergeaient au siège du mouvement. Dès l’arrivée des militants, le président de l’association changeait d’attitude et devenait moins coopératif avec les forces de l’ordre. Jean-Luc Mélenchon se présentait ensuite au bas de l’immeuble, accompagné d’élus et de militants. Le groupe gagnait le palier du premier étage et Jean-Luc Mélenchon, filmé par les médias, criait : « allez enfoncez-moi cette porte, on va voir si on va m’empêcher de rentrer dans mon local ». Les deux policiers en surveillance subissaient l’opposition active et virulente de l’homme politique et de certains de ses accompagnateurs. Sous l’œil des caméras, une proximité physique s’installait entre les militants de La France insoumise, menés par Jean-Luc Mélenchon et les fonctionnaires de police. Après que l’attachée de presse de La France insoumise eut ouvert une porte de secours, les personnes présentes sur le palier s’engouffraient dans la pièce en bousculant les policiers à l’intérieur. Le premier vice-procureur tentait de calmer Jean-Luc Mélenchon. En retour, ce dernier le bousculait en le poussant avec les mains. Compte tenu de l’état d’excitation et de la tension qui régnait dans le local perquisitionné, les magistrats décidaient de mettre fin aux opérations. Ils quittaient les lieux sous les cris des militants qui hurlaient : « dehors ». Jean-Luc Mélenchon et le président de la France insoumise mettaient ensuite en ligne sur leurs comptes Facebook des vidéos réalisées lors de la perquisition sur lesquelles les fonctionnaires étaient aisément reconnaissables. Les magistrats et enquêteurs concernés décrivaient l’impuissance, voire l’humiliation ressentie face à des hommes publics qui avaient pour but de les instrumentaliser sous l’œil des caméras pour les pousser à la faute. 

Dans sa motivation, le tribunal souligne que la preuve des infractions reprochées à Jean-Luc Mélenchon est « parfaitement établie ». En effet, il résulte sans aucune ambiguïté des vidéos relayées par l’intéressé lui-même que ses objectifs étaient d’empêcher la perquisition, d’établir un rapport de force avec les fonctionnaires de police et de procéder à une rébellion par l’attaque. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il avait donné comme consigne à ses militants « d’occuper le siège » et « de ne pas se laisser faire ». Enfin, en hurlant à destination des personnes dépositaires de l’autorité publique « allez frappe-moi pour voir, au nom de qui vous m’empêchez de rentrer […] ; vous savez qui je suis ? […] la République c’est moi », il tenait des propos de nature à intimider les fonctionnaires de police. En conséquence, Jean-Luc Mélenchon est déclaré coupable des faits qualifiés de rébellion commise en réunion, provocation directe à la rébellion, acte d’intimidation envers un dépositaire de l’autorité publique, acte d’intimidation envers un magistrat.

Le tribunal ne prononce pas, à son encontre, de peine d’emprisonnement ferme, celle-ci ne pouvant être prononcée qu’en dernier recours. Or, en l’espèce, il s’agissait d’un épisode délictuel isolé. La peine complémentaire de privation de tous les droits civiques, civils et de famille, qui entraînerait l’inéligibilité de Jean-Luc Mélenchon, n’est pas non plus prononcée. Le tribunal opte pour une peine de trois mois d’emprisonnement intégralement assortie du sursis simple et une amende de 8 000 €. Pour les autres prévenus déclarés coupables, le tribunal prononce exclusivement des peines d’amende. Il faut toutefois préciser qu’un des députés poursuivis a été relaxé au motif qu’il n’était pas établi qu’il ait filmé ou tenté de filmer les fonctionnaires de police. En outre, rien ne démontrait qu’il avait l’intention d’intimider un fonctionnaire de police.