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Perquisition réalisée en présence de « personnes qualifiées » n’ayant pas prêté serment : neutralisation de la condition de qualité à agir
Perquisition réalisée en présence de « personnes qualifiées » n’ayant pas prêté serment : neutralisation de la condition de qualité à agir
La formalité prévue par les articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale relative à la prestation de serment des « personnes qualifiées » pour assister les officiers de police judiciare (OPJ) à l’occasion d’une mesure de perquisition est une formalité substantielle « édictée en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l’administration de la preuve ». Sa violation peut donc être invoquée par « toute partie qui y a intérêt ».
par Ghislain de Foucher et Chloé Méléard, Avocats au Barreau de Parisle 21 novembre 2023
Conforme au mouvement de développement de la motivation des arrêts de cassation à l’œuvre depuis 2019 et à nouveau annoncé dans le Guide de rédaction - motivation enrichie publié en septembre 2023 par la Cour de cassation, la décision commentée permet de clarifier la notion de qualité à agir dans l’hypothèse de la violation d’une formalité prévue par le code de procédure pénale encadrant le déroulement d’une mesure de perquisition.
En l’espèce, la Haute juridiction était invitée à préciser le régime applicable à la violation de l’obligation de prestation de serment des personnes qualifiées non inscrites sur les listes d’experts, qui assistent les OPJ dans la mise en œuvre de cette mesure.
En effet pour rappel, si les articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale ne prévoient pas de nullité textuelle pour cette formalité, il est admis de longue date par la chambre criminelle que sa violation est susceptible d’entraîner la nullité de la mesure de perquisition (v. par ex., Crim. 22 févr. 1996, n° 95-85.861 B), reconnaissant ainsi que cette formalité constitue une « forme essentielle » indispensable à « la validité de la poursuite » (C. Guéry et B. Lavielle, Droit et pratique des audiences correctionnelles et de police, 4e éd., Dalloz Action, 2024-2025, nos 611.21 s.).
Comme pour toute nullité substantielle, il incombe à la Haute juridiction de déterminer quelles sont les conditions de recevabilité de l’action tendant à la faire constater.
L’opération en cause avait été diligentée par les enquêteurs dans les locaux d’une personne morale avec l’assistance de deux inspecteurs de la concurrence, consommation et répression des fraudes (DGCCRF).
Ces deux personnes sont intervenues en dehors du champ de leur habilitation de fonction et en qualité de « personnes qualifiées » sur le fondement de l’article 60 du code de procédure pénale. Bien que non inscrites sur les listes d’experts, elles n’avaient pas au préalable prêté serment par écrit « d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience ».
Le mis en examen, dans une information suivie notamment des chefs d’escroquerie, travail dissimulé, pratique commerciale trompeuse, abus de faiblesse et blanchiment, a soulevé la nullité de cette opération de perquisition et de plusieurs autres pièces de la procédure.
Pour rejeter le moyen de nullité lié à l’absence de prestation de serment, la chambre de l’instruction s’est bornée à constater son irrecevabilité, en énonçant qu’« à supposer établies les irrégularités invoquées, seul [H] [W], ès qualités de représentant légal de la société [1], avait qualité pour s’en prévaloir ».
Ce faisant, la chambre de l’instruction a refusé au mis en examen le droit de contester la régularité de la perquisition effectuée dans les locaux d’une entreprise sur lesquels celui-ci ne disposait d’aucun droit, quand bien même des éléments de preuve obtenus dans ce cadre seraient susceptibles d’être retenus contre lui.
Un pourvoi a été formé par le demandeur, immédiatement admis par le président de la chambre criminelle, appréciant ainsi la nécessité de saisir la chambre dans « l’intérêt de l’ordre public ou d’une bonne administration de la justice », conformément à l’article 570 du code de procédure pénale.
Invitée à préciser son interprétation des articles 60 et 77-1 du code de procédure pénale, la chambre criminelle a rappelé que « si les officiers de police judiciaire, lors d’une enquête préliminaire, ont recours, lors de perquisitions et de saisies, à des personnes qualifiées pour les assister, celles-ci, si elles ne sont pas inscrites sur une liste d’experts, doivent prêter, par écrit, le serment d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience ». Elle a en outre précisé l’objet de cette obligation, « édictée en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l’administration de la preuve ».
Partant, la chambre de l’instruction, en concluant que le mis en examen « qui ne peut justifier d’aucun droit sur les locaux de la société, ne démontre pas en quoi ces irrégularités auraient porté atteinte à ses intérêts propres et n’a pas qualité pour s’en prévaloir », a méconnu les textes visés.
La formalité de prestation de serment, « édictée en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l’administration de la preuve », est une formalité dont la violation peut en effet être invoquée par « toute partie qui y a intérêt » de telle sorte que l’absence de droits sur les locaux visités en perquisition n’est pas en soi de nature à rendre irrecevable la requête en nullité formée par une personne mise en examen dans le cadre de la même procédure.
Cette décision nous donne l’opportunité d’évoquer l’appréciation faite par la Cour de cassation des notions d’intérêt à agir, de qualité à agir et de grief en lien avec la contestation de la régularité des formalités encadrant la réalisation d’une perquisition. Elle est également l’occasion de rappeler au préalable les règles encadrant la présence de « personnes qualifiées » à l’occasion d’une perquisition.
Les règles encadrant la présence de « personnes qualifiées » au cours d’une mesure de perquisition
Dans le cadre d’une perquisition, le code de procédure pénale encadre la présence des personnes qui exécutent la mesure, mais également de celles qui, précisément par leur présence, garantissent la régularité de l’opération. Comme la chambre criminelle a plusieurs fois eu l’occasion de le rappeler, ces deux qualités ne sont pas cumulables :
- la première catégorie désigne l’OPJ lui-même, « Les fonctionnaires et agents des administrations et services publics auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire » mentionnés à l’article 28 du code de procédure pénale ainsi que les « personnes qualifiées » mentionnées à l’article 60 du même code, sujets de la présente décision.
Précision bienvenue, la chambre criminelle a eu l’occasion de mentionner que naturellement, les fonctionnaires de police qui assistent l’OPJ (Crim. 4 nov. 2010, n° 10-84.389 B, AJ pénal 2011. 38, obs. H. Vlamynck ) et dont les fonctions ont pour objet les seconder dans l’exercice de leurs pouvoirs judiciaires, doivent être considérés comme étant placés sous son « autorité administrative » au sens de l’article 57 du code de procédure pénale (sont par ex. considérés comme étant sous l’autorité administrative de l’OPJ les agents de police municipale, agents de police judiciaire adjoints, agissant dans l’exercice de leurs fonctions). Ils ne peuvent par conséquent remplir la fonction de témoin pour garantir la régularité de l’opération (Crim. 13 sept. 2022, n° 22-80.515 B, préc.).
- la deuxième catégorie correspond aux personnes désignées par l’article 57 susmentionné (dans le cadre d’une enquête de flagrance ; art. 76, dans le cadre d’une enquête préliminaire [par renvoi] et art. 96 dans le cadre d’une information judiciaire [par renvoi]), c’est-à-dire la personne disposant d’un droit sur les locaux perquisitionnés, son représentant désigné en cas d’absence ou à défaut, deux témoins requis à cet effet par l’OPJ, « en dehors des personnes relevant de son autorité administrative » (v. supra).
Ce sont ces personnes qui par leur présence, et par la signature du procès-verbal consignant le déroulement de la mesure, en garantissent le « caractère contradictoire » et authentifient la « présence effective sur les lieux des objets découverts et saisis » (Crim. 13 sept. 2022, n° 22-80.515 B, D. 2022. 1598 ; ibid. 2023. 1488, obs. J.-B. Perrier ; AJ pénal 2022. 486, obs. R. Mesa ; RSC 2023. 150, obs. P.-J. Delage ).
Ces deux catégories de personnes sont les seules qui, aux termes de l’article 56 du code de procédure pénale, ont la possibilité de prendre connaissance des « papiers, documents ou données informatiques avant de procéder à leur saisie ». Ne sera néanmoins pas abordée ici la question de la présence de tiers au cours d’une perquisition susceptible de correspondre à une troisième catégorie distincte (Peut être mentionné en lien avec cette problématique la question de la présence de journalistes au cours d’une perquisition ou plus largement d’« actes d’enquête », prohibée par la chambre criminelle car constitutive d’une violation du caractère secret de la procédure (Crim. 10 janv. 2017, n° 16-84.740 B, D. 2017. 113 ; ibid. 1676, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2017. 140, obs. J.-B. Thierry ; Légipresse 2017. 72 et les obs. ; ibid. 81,...
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Auteur(s) : Jean-Christophe Crocq