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Perquisitions : qu’importe l’occupant, pourvu qu’il soit présent

La Cour de cassation affirme que la perquisition réalisée au domicile d’un suspect qui n’a pas la qualité de mis en examen peut valablement avoir lieu en son absence, dès lors qu’un autre occupant est présent. En outre, elle revient dans cet arrêt sur le régime des réquisitoires introductifs et de nombreux actes d’enquête et d’instruction. 

Les affaires de criminalité et de délinquance organisées sont souvent celles qui amènent les questionnements les plus fournis sur la régularité des actes accomplis. La présente espèce ne déroge pas à la règle. Des investigations ont été menées sur des faits d’infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes, associations de malfaiteurs, blanchiment, abus de biens sociaux et d’infractions en matière de cryptologie. Sans que l’on puisse retracer avec précision la procédure, on sait que des conversations au parloir d’une maison d’arrêt ont été mentionnées dans un procès-verbal, que des communications électroniques ont été interceptées, qu’une perquisition a été réalisée dans le domicile du mis en cause, qu’une sonorisation a été mise en œuvre à compter du 19 août 2022 et qu’une garde à vue a eu lieu le 18 janvier 2023. Tous ces actes s’inscrivent dans le cadre d’une enquête du centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N), qui s’est poursuivie sous le régime d’une information judiciaire, par des réquisitoires introductifs du 28 mai 2020 et du 28 avril 2021.

Les réquisitoires introductifs et supplétifs

Les réquisitoires introductifs

Le fait que deux juges d’instruction aient été saisis dans la même affaire a été contesté par un mis en examen, qui a demandé l’annulation de l’information ouverte le 28 avril 2021 et d’un soit-transmis du 27 avril 2020. Cet acte du parquet a été envoyé environ un mois avant le premier réquisitoire introductif du 28 mai 2020. Il invitait les enquêteurs du C3N à poursuivre leurs investigations jusqu’à l’ouverture d’une seconde information judiciaire, qui a eu lieu le 28 avril 2021. Pour le mis en examen, la chronologie des faits n’était pas conforme au principe selon lequel les faits dont est saisi un juge d’instruction ne peuvent pas simultanément faire l’objet d’une autre enquête ou information judiciaire. En effet, lorsque le procureur de la République demande et obtient l’ouverture d’une information judiciaire, il se dessaisit de l’affaire de manière irrévocable. Il ne peut plus revenir sur le périmètre de la saisine (Crim. 24 mars 1977, n° 76-91.442) et il ne peut plus continuer à diriger la police judiciaire sur les faits en cause. Il peut seulement autoriser les enquêteurs à poursuivre certaines de leurs investigations pour une durée maximale de quarante-huit heures (C. pr. pén., art. 80-5).

Ne remettant pas en cause cette règle, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Douai et la Cour de cassation ont toutefois précisé qu’elle ne vaut que si ce sont les mêmes faits qui font l’objet de procédures distinctes. Or, en l’espèce, ce n’était pas le cas : préalablement à son premier réquisitoire introductif, le procureur de la République avait décidé de scinder les poursuites. Partant d’un unique dossier, il avait démêlé l’affaire afin d’isoler d’un côté les faits constitutifs d’infractions à la législation sur les armes et les stupéfiants et les infractions en matière de cryptologie et, de l’autre, des faits relatifs à un trafic de stupéfiants. Si l’on retrouve dans les deux cas des qualifications pénales relatives aux stupéfiants, les faits matériels en cause n’étaient manifestement pas les mêmes, les premiers étant liés à un réseau criminel à l’échelle mondiale tandis que les seconds s’inscrivaient dans un trafic local. Étant donné que le procureur n’avait pas saisi le premier juge d’instruction des faits relatifs à ce trafic local, il pouvait valablement poursuivre les investigations et ultérieurement demander l’ouverture d’une information judiciaire.

Cependant, le découpage d’un dossier en plusieurs ensembles non sécants n’est pas une science exacte, et la Cour de cassation a manifestement souhaité se prémunir contre les contestations relatives à un partage imparfait. En l’espèce, le réquisitoire introductif délivré le 28 avril 2021 aurait manifestement conduit à un empiètement de la deuxième information judiciaire sur la première. Mais pour la Cour de cassation, cette irrégularité n’est pas une cause de nullité, car le réquisitoire répondait en la forme aux conditions essentielles de son existence légale. Elle ajoute, surabondamment, que le mis en examen ne rapporte pas la preuve d’un grief que lui causerait cette situation. Enfin, et c’est sans doute l’essentiel, la chambre criminelle indique que dans ce cas de figure, l’exception de nullité n’est pas la solution, et qu’il faut passer par d’autres procédures. La Cour de cassation évoque ici l’hypothèse d’une jonction d’informations judiciaires, qui est admise, mais qui ne s’impose pas au juge (P. Chambon et C. Guéry, Droit et pratique de l’instruction préparatoire 2022/23, Dalloz, n° 613.31).

Les réquisitions supplétives

La validité de réquisitions supplétives était également remise en cause par le pourvoi, en raison d’un défaut d’indication de leur date. En l’espèce, celles-ci prenaient la forme d’une mention manuscrite en bas d’une ordonnance de soit-transmis du juge d’instruction aux fins d’extension de saisine. Le magistrat du parquet avait alors simplement requis « qu’il soit instruit supplétivement sur les faits susvisés commis du 27/04/2021 au 02/05/2022 », sans dater cette mention. À juste titre, le pourvoi explique que la date est une mention substantielle, en ce qu’elle permet de savoir quand le juge d’instruction est saisi des faits et donc d’apprécier la validité des actes accomplis quant à ces faits. Ne niant pas l’importance de la mention, les juges du fond et la Cour de...

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