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Photographie du suspect sur la voie publique : pas d’autorisation nécessaire d’un magistrat

La prise de clichés photographiques sur la voie publique n’est pas assimilée à la mise en place d’un dispositif d’enregistrement continu d’images dès lors qu’elle n’est pas permanente ou systématique. Par conséquent, elle n’a pas à être autorisée par un magistrat.

La photographie et la caméra sont deux inventions du XIXe siècle. La seconde est une version évoluée de la première, dans le sens où elle repose sur la fixation d’images à haute vitesse. Le film n’était alors qu’une succession de photographies diffusée trop rapidement pour que l’œil humain perçoive leur discontinuité. Cette illusion justifie la distinction qui s’opère entre les deux médias. Elle pourrait également être à l’origine d’une différence de régime juridique lorsque ces technologies sont mises au service des investigations policières.

Dans la présente affaire, un homme a été soupçonné de vendre frauduleusement des produits de luxe. Différents actes d’enquête ont été réalisés : une personne a fourni des renseignements anonymes à un fonctionnaire de police, la ligne téléphonique du mis en cause a fait l’objet de mesures de localisation en temps réel, et il a été pris en photo plusieurs fois lors de surveillances. L’arrêt du 28 mars 2023 est relatif à la validité de ces actes d’investigation, et aux conditions de recevabilité d’une requête en annulation.

Pour les deux premiers actes, la solution retenue par la Cour de cassation s’inscrit dans la continuité de sa jurisprudence. Ainsi, elle a distingué le témoignage anonyme du renseignement anonyme pour rejeter le cinquième moyen du pourvoi. Le procès-verbal de renseignement anonyme n’étant que la consignation de déclarations spontanées dépourvue de force probante, il n’est pas soumis au régime décrit par les articles 706-57 et suivants du code de procédure pénale (v. en ce sens, Crim. 6 oct. 2015, n° 15-82.247, Dalloz actualité, 28 oct. 2015, obs. J. Gallois ; D. 2016. 1727, obs. J. Pradel ). Le quatrième moyen était relatif à l’accès aux données de localisation d’un téléphone dans le cadre d’une géolocalisation en temps réel. Le pourvoi s’est appuyé sur le régime de l’accès aux données de connexion pour demander l’annulation de la mesure faute d’autorisation judiciaire et d’absence de contrôle du caractère justifié de l’accès (sur ce sujet, v. Crim. 12 juill. 2022, nos 21-83.710, 21-83.820, 21-84.096 et 20-86.652, Dalloz actualité, 5 sept. 2022, obs. B. Nicaud ; D. 2022. 1540 , note M. Lassalle ; ibid. 2002, obs. W. Maxwell et C. Zolynski ; AJ pénal 2022. 415, note M. Bendavid et C. Quendolo ; Dalloz IP/IT 2022. 408, obs. J. Eynard ; Légipresse 2022. 459 et les obs. ). L’argument soulevé était particulièrement intéressant, mais il a été rejeté, notamment parce que la mesure avait rapidement fait l’objet d’une autorisation par un juge des libertés et de la détention et parce que le moyen pris de l’absence de contrôle était nouveau et mélangé de fait et de droit. En revanche, la réponse de la Cour de cassation au moyen relatif à la captation d’images appelle plus de commentaires.

Régularité de la prise de clichés sur la voie publique

Lors de l’enquête, le mis en cause a été photographié au moins huit fois sur une période de près d’un mois. Après avoir été mis en examen, l’intéressé a présenté une requête en annulation des photographies. N’obtenant pas satisfaction, il a formé un pourvoi en cassation. Selon lui, la captation d’images d’une personne, qu’il s’agisse de photographies ou de vidéos, qu’elles soient prises dans un lieu privé ou dans un lieu public, doit toujours être autorisée et contrôlée par un juge. Dans la première branche de son deuxième moyen, l’auteur du pourvoi assimile donc toute captation d’images à une technique spéciale d’enquête, au sens de l’article 706-95-11 du code de procédure pénale. Dans la deuxième branche, il qualifie l’opération d’enregistrement systématique de son image, ce qui aurait entraîné une ingérence dans sa vie privée.

La chambre criminelle n’a pas suivi les arguments du pourvoi. Elle a repris, dans une large mesure, les motifs de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Les juges du fond avaient qualifié l’opération de captation d’images de personnes déambulant sur la voie publique ; ils ont expressément exclu toute idée de vidéosurveillance et de captation dans un lieu privé. Dès lors, ils ont retenu que l’opération ne constituait pas une ingérence dans la vie privée de l’intéressé et qu’elle ne nécessitait pas d’autorisation préalable par un magistrat. Pour la Cour de cassation, la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés par le pourvoi. Après avoir repris les dates et horaires des différentes photographies, la chambre criminelle est parvenue à la conclusion que...

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