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Photographies d’art et taux réduit de TVA

La cour administrative d’appel de Douai vient de rendre un arrêt intéressant à propos de la possibilité pour un photographe de bénéficier du taux réduit de TVA à 5,5 %. Elle est une parfaite démonstration des confusions récurrentes entre la notion d’œuvre d’art définie en droit d’auteur et la notion d’œuvre d’art définie en droit fiscal.

Pour bénéficier des taux réduits de TVA lorsqu’on vend une œuvre d’art ou lorsque l’on cède des droits d’auteur, encore faut-il répondre aux exigences posées par la loi fiscale, puisque, par principe, les autres livraisons de biens ou prestations de services sont assujetties au taux commun de TVA, soit 20 %. C’est précisément cette question que la cour administrative d’appel de Douai, dans un arrêt du 19 mai 2022, avait à trancher en l’espèce.

Un photographe avait demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer une décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA mis à sa charge par l’administration fiscale au titre d’une période de trois ans (entre 2008 et 2011). L’administration avait retenu qu’il ne pouvait bénéficier du taux réduit de TVA au motif qu’il n’avait pas réalisé de photographies répondant à la définition donnée par le code général des impôts (CGI, art. 98, A, II, 7°, annexe III). Selon elle, seules les « photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus » étaient concernées par le taux réduit de TVA . Or le travail du photographe échappant dans le cas de l’administré à cette définition, il ne pouvait bénéficier du taux réduit.

Le tribunal ayant rejeté sa demande dans une décision du 23 janvier 2020, le photographe fit appel pour obtenir de la cour administrative d’appel de Douai l’annulation du jugement et la prononciation de la décharge de rappels de TVA.

Une demande du photographe fondée sur la doctrine administrative

L’appelant soutient en demande que l’article 278 septies du code général des impôts, fondement du taux réduit, « ne saurait restreindre la reconnaissance du caractère d’œuvre d’art à une photographie, quel que soit son sujet ou la motivation de son auteur ». Les seuls critères valables relèveraient, selon lui, du code de la propriété intellectuelle, lequel vise précisément au point 9° de l’article L. 112-2 : « Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie », définition confortée par « la doctrine administrative publiée sous la référence BOI 3 C-3-03 ».

En ce sens, il soutient qu’une instruction administrative du 25 juin 2003 apporte des précisions sur les conditions d’application du taux réduit de la TVA . Et celle-ci atteste que « ne peuvent être considérées comme des œuvres d’art susceptibles de bénéficier du taux réduit de la TVA que les photographies qui portent témoignage d’une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur ». Il en résulte que le photographe serait autorisé à utiliser le taux réduit lorsqu’il est concerné par le choix du thème, les conditions de mise en scène, les particularités de prise de vue ou toute autre spécificité de son travail touchant notamment à la qualité du cadrage, de la composition, de l’exposition, etc.

Il argue donc, pour le dire autrement, qu’il est bien à l’origine d’une œuvre de l’esprit au sens du droit d’auteur, sans pour autant justifier être à l’origine d’une œuvre d’art au sens du droit fiscal. Et ses photographies litigieuses répondraient, selon l’appelant, aux critères propres à permettre une qualification d’œuvre de l’esprit : elles auraient « un caractère original et artistique », elles témoigneraient « d’une véritable intention créative » et – critère ô combien important en droit d’auteur – elles porteraient « l’empreinte de la personnalité de leur auteur ».

Respectant la méthodologie indiquée dans l’instruction du 25 juin 2003, le photographe constitue alors un faisceau d’indices tentant de démontrer l’originalité des photographies. Et, parmi les indices les plus intéressants, il soutient qu’il ne reçoit aucune directive concernant l’angle de vue, l’éclairage, le choix des figurants, la pose des personnes photographiées ou la mise en scène ; tout cela relevant non pas de ses donneurs d’ordre, mais de sa seule initiative, caractérisant une liberté de création pleine et entière. Il ajoute qu’il effectue « un travail en profondeur en ce qui concerne notamment le choix du thème et du matériel, qui est un matériel professionnel, la mise en scène, les particularités de prise de vue, la qualité du cadrage et de l’exposition ou les jeux de lumière ». Il souligne enfin être affilié à l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA, qui est chargée de la gestion du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs avec la Maison des artistes, régime encadré par les articles L. 382-1 et suivants du code de la sécurité sociale) ce que la doctrine administrative retiendrait au nombre des éléments d’appréciation.

Cette argumentation, assez concluante en apparence après lecture attentive de l’instruction du 25 juin 2003, a toutefois bien du mal à convaincre lorsque, comme le ministère de l’Action et des Comptes publics, l’on saisit le problème par le prisme du droit de l’Union européenne. En droit d’auteur, la notion d’œuvre d’art est une sous-catégorie d’œuvre de l’esprit devant répondre à un critère « d’originalité » – au sens « empreinte de la personnalité » de l’artiste-auteur – pour être protégée. Mais, en droit fiscal, l’œuvre d’art a une autre signification : l’originalité ne renvoie pas la...

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