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Le plan du gouvernement pour rénover le système de santé

Le « Ségur de la santé » a été clôturé le 21 juillet. Le gouvernement allouera 8,2 milliards d’euros par an pour revaloriser la rémunération des personnels hospitaliers et 6 milliards d’investissements pour l’hôpital et le secteur médico-social.

par Carine Bigetle 24 juillet 2020

Après plusieurs semaines de négociations, la concertation lancée le 25 mai avec les acteurs de la santé a pris fin avec l’annonce d’une série de mesures structurelles pour rénover le système de santé. Celles-ci font suite à la signature, le 13 juillet, par le gouvernement et une majorité d’organisations syndicales des « accords du Ségur de la santé » portant sur les carrières et les rémunérations.

Premier volet du plan promis par Emmanuel Macron fin mars en pleine crise sanitaire, les mesures de revalorisation des carrières font bénéficier les personnels paramédicaux et non médicaux d’une enveloppe de 7,6 milliards d’euros par an. L’accord prévoit pour la fonction publique hospitalière une augmentation de 183 € net par mois en deux étapes : 90 € prenant effet au 1er janvier 2021, avec effet rétroactif au 1er septembre 2020, et 93 € à compter du 1er mars 2021. Une revalorisation des grilles de rémunération des personnels soignants, médico-techniques et de rééducation est aussi programmée avant la fin du premier trimestre 2021, de même que le lancement, à compter de janvier 2021, d’un vaste chantier de rénovation du régime indemnitaire des personnels. Le ministre des solidarités et de la santé a par ailleurs annoncé 15 000 recrutements pour soutenir l’emploi hospitalier et pourvoir les emplois vacants.

Concernant les médecins hospitaliers, 450 millions d’euros par an seront débloqués en leur faveur. L’indemnité attribuée aux médecins qui se consacrent exclusivement au service public sera portée à 1 010 € brut par mois et trois échelons seront créés en fin de carrière. Un chantier visant à individualiser et accompagner les parcours professionnels et un chantier de rénovation statutaire permettant un exercice décloisonné entre secteurs public et privé seront également lancés en 2021.

Au-delà de la question des carrières et des rémunérations, Olivier Véran a dévoilé, à l’occasion de la clôture du Ségur de la santé le 21 juillet, le second volet du plan visant à améliorer l’organisation du système de soins et renforcer le rôle des territoires. Sur les 6 milliards d’euros d’investissements annoncés par Jean Castex lors de son discours de politique générale, 2,1 milliards sur cinq ans seront destinés au secteur médico-social, 2,5 milliards sur la même durée seront dédiés aux projets hospitaliers prioritaires et aux investissements ville-hôpital et 1,4 milliard sur trois ans servira à combler le retard numérique.

Simplifier les organisations

En matière d’organisation, le gouvernement entend « réhabiliter le rôle et la place » des services au sein des hôpitaux, en leur donnant plus de marges de manœuvre et de responsabilité, via notamment des délégations de gestion (ressources humaines, choix d’investissements courants, etc.) ou en permettant d’adapter l’organisation interne au contexte local. Une série de mesures tendent à simplifier les procédures et à libérer du temps pour les professionnels (assouplissement du régime des autorisations des activités de soins, simplification des outils de contractualisation avec les tutelles et des procédures de certification qualité, etc.). S’agissant du temps de travail, l’exécutif souhaite donner davantage de souplesse aux établissements avec la négociation d’accords locaux permettant notamment de relever le plafond d’heures supplémentaires, de contractualiser un volume individuel d’heures supplémentaires ou de développer l’annualisation du temps de travail et le forfait jours.

En vue d’une meilleure association des soignants et des usagers à la vie de l’hôpital, il est en outre prévu de « remédicaliser » la gouvernance, d’expérimenter des modalités alternatives pour son organisation et d’y renforcer la présence des personnels paramédicaux. Le ministre envisage aussi de permettre l’adaptation des règles du code de la commande publique aux besoins des établissements et d’accélérer la réduction de la part de la tarification à l’activité.

Donner davantage de pouvoir aux territoires

Un certain nombre de mesures visent à mieux ancrer les politiques de santé dans les territoires. Le gouvernement s’est ainsi engagé à associer les élus locaux à l’appréciation des besoins en santé afin qu’ils soient davantage parties prenantes des décisions d’investissement. À cette fin notamment, un conseil national de l’investissement en santé viendra remplacer le comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers pour la validation des investissements hospitaliers. Le plan doit aussi favoriser l’exercice mixte entre ville et hôpital pour les médecins et pour les métiers soignants en tension, via notamment un recrutement en qualité de fonctionnaires à temps non complet pour ces derniers. Il prévoit également l’évolution des agences régionales de santé (ARS), qui passera par leur renforcement à l’échelon départemental et des élus davantage associés, ainsi que le déploiement de la télésanté dans tous les territoires.

Alors que les fermetures de lits se sont multipliées ces dernières années dans les hôpitaux, le gouvernement a en outre prévu de financer l’ouverture et/ou la réouverture pour l’hiver prochain de 4 000 lits « à la demande », en fonction de la suractivité saisonnière ou épidémique. Il s’est aussi engagé à augmenter le nombre de places en instituts de formation en soins infirmiers de 5 à 10 % (+ 2 000 places en 2020) et à multiplier par deux les effectifs d’aide-soignants d’ici 2025.

Intérim : la fin du « mercenariat » ?

Déplorant l’inflation des prétentions de certains médecins recrutés par intérim pour pallier le manque de personnel, Olivier Véran a déclaré vouloir mettre fin à ce « mercenariat ». Pour ce faire, il prévoit de faire bloquer par les comptables publics les rémunérations des contrats d’intérim médical dépassant le plafond réglementaire ou ne respectant pas les conditions fixées par la réglementation et de permettre aux ARS de porter devant le juge administratif les contrats irréguliers.