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PLPRJ 2018-2022 : le recueil par le notaire du consentement à une PMA, une bonne idée mais au mauvais moment

L’article 5 du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice prévoit de confier exclusivement aux notaires le recueil du consentement en matière de procréation médicalement assistée.

par Jean-René Binetle 9 mai 2018

Les VI et VII de l’article 5 (V. pour une considération d’ensemble sur les dispositions de droit de la famille du PLPRJ, nos obs. in Dalloz actualité, 30 avr. 2018 isset(node/190375) ? node/190375 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190375) envisagent d’apporter des modifications aux articles 311-20 du code civil et L. 2141-10 du code de la santé publique, deux dispositions relatives à l’assistance médicale à la procréation.

Les techniques d’assistance médicale à la procréation, ont été encadrées par les lois n° 94-653 et n° 94-654 du 29 juillet 1994. Face à l’épineuse question des limites devant être posées, le législateur a choisi un encadrement susceptible de permettre à l’enfant ainsi conçu de faire comme si sa venue au monde ne devait rien à la technique. Depuis lors, cette construction n’a jamais été remise en cause, ni par la loi n° 2004-800 du 6 août 2004, ni par celle n° 2011-814 du 7 juillet 2011. C’est dans cet esprit que le code de la santé publique détermine les techniques autorisées, et les critères de cette autorisation. Les techniques d’assistance médicale à la procréation autorisées par la loi sont prévues à l’article L. 2141-1 du code de la santé publique. Selon ce texte, plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre :
• la conception in vitro ;
• le transfert d’embryons ;
• l’insémination artificielle ainsi que toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du processus naturel dont la liste est fixée par arrêté ministériel ;
• la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons.

Ces techniques peuvent consister en une manipulation ne nécessitant pas d’apport de gamètes extérieurs : insémination ou fécondation in vitro intraconjugales. Ces techniques sont alors dites endogènes. Il est également possible de faire appel à un tiers donneur de sperme ou à une donneuse d’ovocyte (l’un ou l’autre et non les deux car le double don est interdit par l’art. L. 2141-3, al. 1er, CSP) aux fins de réalisation d’une insémination artificielle ou d’une fécondation in vitro. On parle alors de techniques d’assistance médicale à la procréation hétérologues ou exogènes (V., J.-R. Binet, Droit de la bioéthique, 1re éd., Lextenso 2017, nos 362 s.). Pour garantir à l’enfant une filiation crédible, l’assistance médicale à la procréation n’est ouverte qu’au profit d’un couple formé d’un homme et d’une femme vivants et en âge de procréer (CSP, art. L. 2141-2). De plus mais toujours dans l’intérêt de l’enfant, la loi organise des conditions d’établissement de sa filiation destinées à la rendre particulièrement stable. Concrètement, en cas de recours à un don de gamètes, le lien de filiation ainsi créé est indestructible. C’est en raison de l’importance de ces conséquences que la loi prévoit des conditions formelles d’expression du consentement. D’abord, le couple candidat à l’assistance médicale à la procréation doit être suffisamment éclairé par l’équipe médicale afin de lui fournir un consentement totalement libre. Ce consentement doit être donné par écrit et après un délai d’un mois à compter du dernier entretien. À tout moment, tant que l’assistance médicale à la procréation n’est pas réalisée, le consentement peut être révoqué, par écrit, auprès du médecin qui devait réaliser l’opération (C. civ., art. 311-20, al. 3, in fine). Surtout, les conditions de l’assistance médicale à la procréation sont plus complexes et rigoureuses en cas de recours à un tiers donneur. Ainsi, l’article 311-20, alinéa 1er, du code civil dispose que « les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement au juge ou au notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ». Ce sont ces dispositions que l’article 5 prévoit de modifier en supprimant la possibilité d’expression du consentement devant le juge.

Ce changement n’appellerait pas d’observations particulières s’il ne s’inscrivait dans une temporalité particulièrement mal adaptée. En effet, l’une des caractéristiques du droit français de la bioéthique consiste en la programmation de son évolution. Ainsi, la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994, dont sont issues les dispositions affectées par le projet de loi, prévoyait dans son article 21 qu’elle ferait l’objet d’une évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques et d’une révision programmée dans un délai de cinq ans à compter de sa promulgation. Puis, le principe d’un nouvel examen d’ensemble préprogrammé a été repris par la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004, dont l’article 40, I, disposait qu’elle « fera[it] l’objet d’un nouvel examen d’ensemble par le Parlement dans un délai maximum de cinq ans. » Il était également prévu qu’elle ferait l’objet « dans un délai de quatre ans, d’une évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ». Enfin, pour que ces débats ne s’arrêtent pas et que le Parlement en soit toujours le lieu, la loi du 7 juillet 2011 a de nouveau prévu une clause de réexamen, dans un délai de sept ans (art. 47, I). Ce calendrier indique par conséquent l’imminence de la révision programmée, et tout porte à croire que le projet de loi sera déposé à l’automne 2018. Dans ce contexte, il eût été judicieux, comme le suggérait d’ailleurs le Conseil d’État (CE, avis, p. 5, Dalloz actualité, 20 avr. 2018, art. M. Babonneau et J.-M. Pastor isset(node/190310) ? node/190310 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>190310), de reporter ces dispositions dans le projet de loi à venir. Ainsi, si le législateur était conduit à modifier certaines des règles relatives aux conditions de l’assistance médicale à la procréation, les envisager dans une seule loi garantirait un peu mieux la préservation de la cohérence du tout.