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Portée de l’effet dévolutif en cas d’excès de pouvoir, la Cour de cassation fait entendre sa voix !

Saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif d’un appel tendant à l’annulation d’une ordonnance du juge de la mise en état ayant rejeté une demande de renvoi de question préjudicielle et de sursis à statuer, la cour d’appel est tenue de statuer sur le fond, quelle que soit sa décision sur la nullité.

Dans un litige de copropriété, un syndicat des copropriétaires saisit le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d’une demande de transmission de deux questions préjudicielles au Tribunal administratif de Toulon et de sursis à statuer dans l’attente de la décision du juge administratif. Par ordonnance du 19 janvier 2021, le juge de la mise en état déboute le syndicat des copropriétaires de ses demandes, lequel relève appel devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui confirme l’ordonnance. La deuxième chambre civile, après s’être penchée sur la recevabilité immédiate du pourvoi formé par le syndicat des copropriétaires relativement à un arrêt qui rejette une demande de sursis à statuer, décide de l’examiner afin de savoir si la décision des juges d’appel est entachée d’un excès de pouvoir.

La Cour d’Aix-en-Provence avait en effet relevé que l’appelant poursuivait uniquement l’annulation de l’ordonnance du juge de la mise en état, qu’il n’invoquait aucun des cas dans lesquels l’appel-annulation de droit commun permet d’obtenir l’annulation d’une décision judiciaire, ni ne développait dans ses écritures aucun motif d’annulation de l’ordonnance et ne demandait pas dans le dispositif de réformer cette décision en tout ou partie. Après avoir rappelé que « lorsqu’un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l’acte introductif d’instance, la cour d’appel, saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité », la deuxième chambre civile conclut au visa de l’article 562, alinéa 2, du code de procédure civile qu’« en statuant ainsi, alors qu’elle était saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif d’un appel tendant à l’annulation de l’ordonnance ayant rejeté une demande de renvoi d’une question préjudicielle à la juridiction administrative en application de l’article 49 du code de procédure civile, qu’elle devait examiner, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ».

L’introït avant le credo

L’articulation des moyens avec la situation procédurale n’apparaît pas d’évidence à la lecture de l’arrêt, mais l’on comprend que c’est la recevabilité même du pourvoi, contestée par le défendeur en cassation, qui fut le premier en débat. Pour être parfaitement amenée, la solution de la Haute juridiction méritait quelques préliminaires car le pourvoi était en effet dirigé contre un arrêt de rejet de sursis à statuer, sans pour autant qu’il n’ait mis fin à l’instance, et sans que cela jaillisse à première lecture. La solution ne se comprend finalement qu’à l’aune d’un double excès de pouvoir, celui possible du premier juge, celui certain du juge d’appel.

L’article 380-1 du code de procédure civile dispose que « la décision de sursis rendue en dernier ressort peut être attaquée par la voie du pourvoi en cassation, mais seulement pour violation de la règle de droit », tandis qu’il résulte des articles 606, 607 et 608 du même code, que les jugements rendus en dernier ressort qui, sans mettre fin à l’instance, statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. Sauf excès de pouvoir ajoute la Cour de cassation. On sait que par instance, il faut entendre l’instance au fond, et si l’article 607 énonce que « peuvent également être frappés de pourvoi en cassation les jugements en dernier ressort qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l’instance », c’est de l’instance au fond dont il s’agit. Car si l’arrêt sur déféré qui juge caduc ou irrecevable un appel en mettant un terme à une procédure au fond autorise un pourvoi immédiat, le rejet du même moyen de caducité ou d’irrecevabilité ne permet un pourvoi qu’une fois l’arrêt au fond rendu. Le pourvoi formé contre un arrêt qui fait droit à une demande de sursis sans mettre fin à l’instance n’est pas immédiatement recevable et ne l’est qu’avec un pourvoi formé contre l’arrêt sur le fond. Ce d’autant que la lettre même du texte, à l’instar de celle de l’article 380 du code de procédure civile relatif à l’autorisation du premier président de la cour d’appel en cas de sursis à statuer, vise « la décision de sursis à statuer », pas celle qui rejette le sursis à statuer.

Reste une exception : le pourvoi-nullité qui peut toujours être envisagé, dans certaines conditions, même à l’égard d’une décision d’administration judiciaire. Ainsi, la décision d’un juge qui se borne à enjoindre à une partie, qui sollicite un sursis à statuer en raison d’une information pénale, de produire des pièces pénales qui pourraient avoir une influence sur la solution du procès civil, est une mesure...

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