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Article

Pour être indemnisé, le préjudice d’anxiété nécessite… d’être prouvé !
Pour être indemnisé, le préjudice d’anxiété nécessite… d’être prouvé !
En retenant qu’il résulte des articles 1231-1 et 1240 du code civil que constitue un préjudice indemnisable l’anxiété résultant de l’exposition à un risque élevé de développer une pathologie grave, la Cour de cassation retient une définition large du préjudice d’anxiété. Les juges du fond apprécient souverainement les éléments de fait et de preuve pour établir l’existence de ce préjudice, les exigences probatoires à la charge des victimes étant délicates à satisfaire.
par François Viney, Maître de conférences à l'Université d'Amiensle 20 janvier 2025

Alors que Mayotte venait d’être ravagée par le cyclone Chido – avec les conséquences sanitaires dramatiques que l’on connaît – la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu le 18 décembre 2024, par une curieuse coïncidence, une série de six arrêts, dont trois destinés à être publiés au Bulletin et au Rapport de la Cour de cassation, dans lesquels elle s’est prononcée en des termes identiques et qui concernent les suites de la sécheresse ayant frappé l’île en 2023.
Pour faire face au manque d’eau, un certain nombre d’arrêtés préfectoraux furent pris à compter de juin 2023 afin de limiter l’accès à l’eau du robinet sur l’île de Mayotte. Considérant subir une défaillance contractuelle de la part de la Société mahoraise des eaux (la SMAE), avec laquelle ils avaient conclu un contrat d’acheminement d’eau propre et salubre, plusieurs clients ont assigné ce « distributeur unique et exclusif d’eau potable à Mayotte », formulant diverses demandes, notamment l’exécution forcée du contrat avec un rétablissement de la livraison d’eau potable ou, à défaut, la fourniture d’une prestation de remplacement ; la réduction du prix de l’abonnement jusqu’à rétablissement d’un approvisionnement continu, ainsi que la réparation de leur préjudice moral et de leur préjudice d’anxiété, qui seule nous intéressera ici (v. sur les autres aspects, Dalloz actualité, 7 janv. 2025, obs. C. Hélaine).
S’agissant du préjudice d’anxiété, la cour d’appel n’a pas fait droit aux demandes des requérants. Le pourvoi reprochait aux juges d’avoir méconnu les conséquences légales de leurs constatations, en violation des articles 1231-1 et 1240 du code civil, en retenant, pour refuser l’indemnisation, qu’« il n’était pas établi que [les demandeurs] ont été exposés de manière certaine, du fait [du distributeur], à une substance toxique susceptible de générer un risque élevé de développer une pathologie grave », après avoir relevé « que [la société] n’était plus en mesure de garantir la qualité de l’eau et donc d’exécuter l’obligation de résultat qu’elle avait souscrite, ce dont il résultait qu’il existait un risque de contamination de l’eau la rendant impropre à la consommation ».
La décision de la cour d’appel est cependant confirmée sur ce point par la Cour de cassation. En effet, s’il résulte, d’après la première chambre civile, des articles 1231-1 et 1240 du code civil, que « constitue un préjudice indemnisable l’anxiété résultant de l’exposition à un risque élevé de développer une pathologie grave », c’est « dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis que la cour d’appel, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, a retenu qu’il n’était pas établi que [les demandeurs] avaient été exposés de manière certaine, du fait [du distributeur], à une substance toxique susceptible de générer un risque élevé de développer une pathologie grave ». Le moyen soulevé par le pourvoi ne pouvait être accueilli, celui-ci étant inopérant au demeurant dans ses deuxième et troisième branches.
D’interprétation délicate, la réponse des Hauts magistrats suscite tout de même quelques remarques. Tout d’abord – même si celui-ci est non établi en la cause –, en retenant la formule générale selon laquelle « il résulte des articles 1231-1 et 1240 du code civil que constitue un préjudice indemnisable l’anxiété résultant de l’exposition à un risque élevé de développer une pathologie grave », la Cour de cassation autorise une ample reconnaissance du préjudice d’anxiété, dont elle retient une définition large. Par ailleurs, à envisager la diversité des situations dans lesquelles ce préjudice pourrait être reconnu, la décision de la première chambre laisse transparaître une variabilité des exigences probatoires lui étant applicables.
Sur la définition du préjudice d’anxiété
Cela fait une vingtaine d’années que la jurisprudence reconnaît que l’« anxiété » (c’est-à-dire l’angoisse née chez une personne qui se trouve exposée à un risque avéré de dommage grave) peut justifier l’allocation d’une indemnisation spécifique, sous cette dénomination, dans divers domaines (G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Les conditions de la responsabilité, 4e éd., LGDJ, 2013, n° 270-1). La définition retenue ici confirme l’autonomie acquise par le préjudice d’anxiété et pourrait contribuer à en déployer les applications, même si celle-ci soumet sa reconnaissance à des conditions.
C’est en droit social que ce type de préjudice a connu un premier essor, à propos de l’indemnisation des salariés exposés à l’amiante au cours de leur vie professionnelle et qui, de ce fait, subissent un risque avéré de développer des pathologies lourdes et notamment des cancers. S’il fut un temps réservé aux salariés éligibles à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), ayant travaillé dans un établissement listé par arrêté ministériel (Loi n° 98-1194 du 23 déc. 1998, art. 41 ; Soc. 11 mai 2010, n° 09-42.241, Dalloz actualité, 4 juin 2010, obs. B. Inès ; D. 2010. 2048 , note C. Bernard
; ibid. 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout
; ibid. 2012. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta
; Dr. soc. 2010. 839, avis J. Duplat
; RTD civ. 2010. 564, obs. P. Jourdain
), l’assemblée plénière de la Cour de cassation a finalement écarté cette condition et admis la réparation du préjudice d’anxiété sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle, pour violation de l’obligation de sécurité de l’employeur, au bénéfice de tous les travailleurs qui justifient d’une exposition à cette substance générant un risque élevé de développer une pathologie grave (Cass., ass. plén., 5 avr. 2019, n° 18-17442, Dalloz actualité, 9 avr. 2019, obs. W. Fraisse ; D. 2019. 922, et les obs.
, note P. Jourdain
; ibid. 2058, obs. M. Bacache, A. Guégan et S. Porchy-Simon
; ibid. 2020. 40, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz
; JA 2019, n° 598, p. 11, obs. D. Castel
; ibid. 2021, n° 639, p. 40, étude P. Fadeuilhe
; AJ contrat 2019. 307, obs. C.-É. Bucher
; Dr. soc. 2019. 456, étude D. Asquinazi-Bailleux
; RDT 2019. 340, obs. G. Pignarre
; RDSS 2019. 539, note C. Willmann
; Soc. 13 oct. 2021, nos 20-16.258 et 20-16.599). Sur un fondement identique, la chambre sociale a poursuivi le mouvement en admettant une réparation de ce préjudice au bénéfice de tous les salariés exposés à des substances toxiques ou nocives et suscitant les mêmes risques de dommages (Soc. 11 sept. 2019, n° 17-24.879 [mineurs de charbon], Dalloz actualité, 18 sept. 2019, obs. L. de Montvalon ; D. 2019. 1765
; ibid. 2058, obs. M. Bacache, A. Guégan et S. Porchy-Simon
; ibid. 2020. 558, chron. A. David, A. Prache, M.-P. Lanoue et T. Silhol
; AJ pénal 2019. 558, obs. C. Lacroix
; Dr. soc. 2020. 58, étude X. Aumeran
; RTD civ. 2019. 873, obs. P. Jourdain
; sur lequel L. Bloch, Le « désamiantage » du préjudice d’anxiété par la chambre sociale, RCA 2019. Étude 11 ; v. pour une exposition au benzène, Soc. 13 oct. 2021, n° 20-16.584, D. 2022. 1280, obs. S. Vernac et Y. Ferkane
; ibid. 1934, obs. M. Bacache, A....
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