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Poursuites au cours d’une procédure d’éloignement : retour sur l’application de la directive « retour »

L’exécution d’un arrêté d’expulsion doit respecter les règles fixées par la directive « retour » du 16 décembre 2008. En particulier, l’infraction prévue à l’article L. 824-9, alinéa 3, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ne peut être poursuivie que si l’étranger concerné a fait l’objet d’une mesure régulière de placement en rétention ou d’assignation à résidence ayant pris fin, sans qu’il ait pu être procédé à son éloignement.

Le droit des étrangers est certainement devenu l’un des plus complexes qu’il soit. Par sa dimension politique (et polémique), il fait fréquemment l’objet de réformes comme l’illustre l’actuel projet de loi dit « immigration » (pour ce constat, CE, avis, 26 janv. 2023, Projet de loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, n° 406543, § 6). En outre, il est au croisement de différentes disciplines tels le droit international, le droit de l’Union européenne, le droit administratif ou encore le droit pénal. Il revient donc aux praticiens de tenter d’y trouver une certaine cohérence, et c’est notamment ce qu’essaie de faire la chambre criminelle au fil de ses décisions.

Au sein de l’arrêt soumis à commentaire, il était question d’un individu de nationalité marocaine qui séjournait de manière régulière en France depuis l’âge de cinq ans. Il a été condamné pour violences aggravées et outrage en 2019, et pour apologie d’un acte terroriste en 2020. Par arrêté du 21 juin 2021, le ministre de l’Intérieur a ordonné son expulsion vers le Maroc. L’intéressé a été placé en rétention administrative le 23 décembre 2021, mesure qui a été prolongée jusqu’au 21 février 2022. Le 14 février 2022, il a refusé de se soumettre à un test de dépistage de la covid-19 en vue de son éloignement prévu deux jours plus tard.

Le 15 février 2022, l’individu a été placé en garde à vue. Le lendemain, il a été poursuivi selon la procédure de comparution immédiate du chef de refus, par un étranger, de se soumettre aux modalités de transport ou aux obligations sanitaires nécessaires à l’exécution d’office d’une décision d’éloignement. Cette infraction est prévue au troisième alinéa de l’article L. 824-9 du CESEDA.

Devant les juridictions du fond, le mis en cause a soulevé plusieurs exceptions de nullité. Il a notamment relevé que sa garde à vue avait eu lieu et que les poursuites avaient été engagées contre lui alors qu’il était placé en rétention administrative, et que la période légale de sa rétention n’était pas expirée. Il a soutenu que ces actes étaient irréguliers, car la directive dite « retour » du 16 décembre 2008 (Dir. [CE] n° 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 déc. 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, JOUE L n° 348 du 24 déc. 2008, p. 98) est applicable aux expulsions ; et que le troisième alinéa de l’article L. 824-9 du CESEDA doit être lu à la lumière des articles 8 et 15 de la directive, en vertu desquels un étranger ayant fait l’objet d’un placement en rétention administrative ne peut être poursuivi du chef de soustraction à l’exécution d’une décision de reconduite à la frontière que si ces mesures administratives ont pris fin sans qu’il ait été procédé à son éloignement.

Les juridictions du fond, après avoir...

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