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Les pouvoirs du juge des référés au cas de violation des règles d’urbanisme

Le juge des référés qui ordonne, dans les conditions prévues par la loi, une mesure de remise en état ou de démolition pour faire cesser un trouble manifestement illicite résultant de la violation d’une règle d’urbanisme peut autoriser la commune, à défaut d’exécution par le bénéficiaire des travaux dans le délai prescrit, à y procéder d’office aux frais de l’intéressé. Cependant, le juge des référés ne peut ordonner que l’exécution provisoire aura lieu aux risques du bénéficiaire des travaux irréguliers.

Les règles d’urbanisme ne sont sans doute pas des règles comme les autres. C’est pourquoi leur violation et la régularisation de la situation illicite qui s’ensuit sont appréhendées de manière particulière par le droit privé. Ce particularisme de traitement justifié par la spécificité des règles ne doit néanmoins pas être poussé trop loin. Ici comme ailleurs, un équilibre doit être trouvé. Le présent arrêt en est témoin.

Le propriétaire d’une parcelle classée en zone naturelle et comprise dans un espace boisé classé d’après le plan local d’urbanisme (PLU) entreprend, sur cette parcelle, des travaux d’édification d’un mur de soutènement, de terrassement ainsi que de coupe et d’abattage d’arbres.

La commune l’assigne devant le juge des référés d’un tribunal judiciaire, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, afin d’obtenir l’arrêt des travaux en cours et la remise en état de la parcelle.

Selon ordonnance du 30 mars 2021, le juge des référés retient l’existence d’un trouble manifestement illicite, procédant de la violation flagrante des règles d’urbanisme et de l’atteinte à un milieu naturel protégé. Il ordonne sous astreinte au défendeur d’interrompre les travaux en cours et de procéder à la remise en état de la parcelle. Surtout, le juge des référés autorise la commune, en cas de défaut d’exécution dans le délai imparti, à procéder d’office aux travaux de remise en état aux frais et risques du propriétaire.

Le propriétaire relève appel.

Par arrêt du 2 décembre 2021, la cour d’appel infirme l’ordonnance querellée en ce qu’elle autorise la commune à procéder aux travaux de remise en état aux frais et risques du propriétaire. Elle dit n’y avoir lieu à référer sur cette demande et confirme la décision pour le surplus.

La commune forme un pourvoi contre cet arrêt. C’est la deuxième chambre civile qui en hérite mais, par un arrêt du 13 juin 2024, elle sollicite judicieusement l’avis de la troisième chambre civile en application de l’article 1015-1 du code de procédure civile. Elle l’interroge sur la possibilité qu’aurait ainsi un juge des référés, saisi sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, d’autoriser une commune, à défaut d’exécution de l’ordonnance de remise en état dans les délais impartis, à y procéder d’office aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers – le tout au cas de violation de règles d’urbanisme. Le 5 décembre 2024, la troisième chambre civile rend son avis (Civ. 3e, 5 déc. 2024, n° 22-12.787), dont le présent arrêt est le fidèle reflet.

La réponse apportée par la deuxième chambre civile, et la troisième avant elle, est progressive et nuancée.

Tout d’abord, il est rappelé que le juge des référés saisi sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile peut ordonner la cessation du trouble manifestement illicite résultant de l’exécution de travaux en violation des règles d’urbanisme. Dans ce contexte, le juge apprécie souverainement, sous réserve d’un contrôle de proportionnalité approprié, le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble constaté (§ 12).

L’éventail des mesures n’est finalement pas bien large : l’option radicale « démolition » n’est ouverte que si l’option modérée « mise en conformité » est impossible, avec la faculté générale d’assortir l’une ou l’autre d’une astreinte (§ 13). Dans un cas comme dans l’autre, la décision prononcée en référé est exécutoire de plein droit.

Après ces rappels en forme de prolégomènes, la deuxième chambre civile insiste sur le particularisme des règles d’urbanisme. L’attendu principal est celui-ci :

« 15. La poursuite de l’intérêt général qui s’attache au respect des règles d’urbanisme a conduit le législateur à adopter plusieurs dispositions afin de permettre à l’autorité compétente en matière d’urbanisme de procéder, elle-même, à défaut d’exécution par l’intéressé dans le délai prescrit, à la remise en état ou à la démolition judiciairement ordonnée ».

Et la Cour de viser en ce sens l’article L. 480-9 du code de l’urbanisme, l’article L. 480-14 ou encore L. 481-1, IV, dernier alinéa, du même code (§§...

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