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Précisions sur les contours du préjudice nécessaire

Congés payés, forfait-jours, travail de nuit : le salarié doit démontrer l’existence d’un préjudice distinct pour en obtenir la réparation intégrale.

Ainsi, une convention de forfait en jours nulle en application d’un accord collectif invalide ou privée d’effet en raison du non-respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives au suivi de la charge de travail ne cause pas nécessairement un préjudice au salarié.

De même, lorsque l’employeur n’a pas respecté ses obligations en matière de prise de congés payés, ce manquement n’ouvre pas droit, à lui seul, à réparation et le salarié doit démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.

Enfin, le manquement de l’employeur à son obligation de suivi médical du travailleur de nuit n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice qui en résulterait afin d’en obtenir la réparation intégrale.

Le régime de la preuve du préjudice subi par le salarié et la reconnaissance d’un nécessaire préjudice est un sujet bien connu qui dépasse le seul cadre du droit social (J. Klein, La progressive identification des préjudices nécessaires, RTD civ. 2024. 958 ). La chambre sociale après une hésitation inclinant à privilégier le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (Soc. 13 avr. 2016, n° 14-28.293, Dalloz actualité, 17 mai 2016, obs. B. Ines ; D. 2016. 900 ; ibid. 1588, chron. P. Flores, E. Wurtz, N. Sabotier, F. Ducloz et S. Mariette ; ibid. 2484, obs. Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; ibid. 2017. 840, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2016. 650, étude S. Tournaux ), avait fini par identifier récemment par une succession d’arrêts de nouveaux préjudices nécessaires (Soc. 4 sept. 2024, nos 22-16.129, 23-15.944, 22-20.917 et 22-23.648, Dalloz actualité, 16 sept. 2024, obs. L. Malfettes ; D. 2024. 1528 ; JA 2025, n° 712, p. 26, étude M. Julien et J.-F. Paulin ; RDT 2024. 673, chron. J. Brunie ; RTD civ. 2024. 958, obs. J. Klein ). C’est à nouveau au travers de cette question que la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une série d’arrêts le 11 mars 2025 venant cette fois en restreindre le périmètre.

Dans chacune des espèces était sollicitée l’indemnisation d’un préjudice subi par le salarié : du fait d’un défaut de prise de congés payés (n° 23-16.415, D. 2025. 494 ), de la nullité (n° 23-19.669, D. 2025. 494 ) ou de la privation d’effet (n° 24-10.452) d’une convention de forfait en jours, d’un manquement de l’employeur à l’obligation de suivi médical du travailleur de nuit (n° 21-23.557, D. 2025. 495 ). À chaque fois se posait la question de savoir s’il incombait au salarié de faire la démonstration du préjudice subi ou s’il pouvait profiter de l’équivalent d’une présomption irréfragable lui ouvrant droit à réparation.

La nécessaire démonstration du préjudice en matière de défaut de prise de congés

C’est d’abord ainsi que l’éminente juridiction va, en se reposant sur la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, rappeler qu’il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement (n° 23-16.415, préc.).

En cas de manquement de l’employeur à son obligation, les droits à congé payé du salarié sont soit reportés en cas de poursuite de la relation de travail, soit convertis en indemnité compensatrice de...

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