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Précisions sur le droit disciplinaire applicable en cas d’absence injustifiée

Est constitutif d’une faute justifiant un licenciement le refus du salarié de reprendre son poste après une période de congés payés épuisant l’intégralité de son droit à congés.

En outre, dès lors que l’employeur a choisi de convoquer le salarié selon les modalités de l’article L. 1332-2 du code du travail, il est tenu d’en respecter tous les termes, y compris les exigences de délais et quelle que soit la sanction finalement infligée.

par Loïc Malfettesle 29 octobre 2019

L’employeur qui choisit de convoquer le salarié à un entretien selon les modalités de l’article L. 1332-2 du code du travail est-il dès lors contraint par les délais procéduraux que celui-ci prévoit ? Le salarié peut-il prétexter d’une erreur de son supérieur hiérarchique quant à la validation de congés indus pour échapper à la sanction disciplinaire d’une absence injustifiée ? Telles étaient les principales questions posées dans l’arrêt rendu par la chambre sociale le 9 octobre 2019.

Dans l’espèce, un salarié avait été affecté sur un projet qui impliquait un changement ponctuel de site de travail, où l’intéressé avait refusé de se rendre en caractérisant un abandon de poste. L’employeur l’avait en réaction convoqué à un entretien en vue d’un éventuel licenciement, qui se solda finalement par le prononcé, plus d’un mois après cet entretien, par un simple avertissement. Dans le même temps, le salarié avait formulé une demande de congés allant au-delà du nombre de jours de congés auquel il pouvait prétendre, fusse au titre de congés anticipés ou de congés pour événement familial. Bien que le logiciel ait immédiatement informé le salarié des anomalies affectant sa demande, son responsable hiérarchique valida par erreur cette partie de congés excédentaires. Malgré la rectification ultérieure et les demandes réitérées de son employeur de reprendre son poste à l’issue des congés payés auxquels il avait droit, le salarié s’y refusa. L’intéressé a donc cette fois été licencié pour faute en raison d’une absence injustifiée.

Le salarié a alors saisi les juridictions pour demander à ce que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse. Il a dans le même temps, sollicité l’annulation d’un avertissement prononcé à son encontre pour les faits antérieurs.

Les juges du fond le déboutèrent de sa demande, au motif qu’en refusant de reprendre son poste au terme des congés payés auxquels il avait effectivement droit, le salarié a commis une faute justifiant un licenciement disciplinaire. Les juges d’appel rejetèrent également la demande d’annulation de l’avertissement au motif que la sanction était à la fois justifiée et proportionnée au regard des faits qui lui étaient reprochés.

Saisie d’un pourvoi du salarié, la Cour de cassation va venir valider le raisonnement des juges du fond sur la qualification de faute justifiant le licenciement. Elle va en effet considérer que la demande de congés présentée par le salarié, en ce qu’elle portait, au-delà de jours de congés acquis, sur dix-sept jours de congés pour événement familial ou en anticipation, était sciemment erronée, le salarié ayant par ailleurs été immédiatement informé des anomalies affectant sa demande. Elle va en outre constater que la validation postérieure par le responsable hiérarchique de cette partie de ses congés résultait d’une erreur, de sorte que le refus du salarié, en dépit des demandes réitérées de son employeur, de reprendre son poste à l’issue des congés payés auxquels il avait droit était constitutif d’une faute justifiant son licenciement.

La solution pouvait prêter à discussion dans la mesure où le salarié alléguait n’avoir été informé du véritable refus de l’employeur de sa demande que treize jours seulement avant son départ en congés, là où la loi lui impose de ne pas modifier, sauf circonstances exceptionnelles, les dates de départ en congés moins d’un mois avant ledit départ (C. trav., art. L. 3141-16). Il pouvait toutefois être avancé que la date de départ du salarié n’a nullement été remise en cause, seuls les jours supplémentaires auxquels il ne pouvait prétendre ayant fait l’objet d’un refus expressément notifié.

La solution a par ailleurs le mérite du pragmatisme, et prévient d’éventuels abus, en empêchant le salarié de mauvaise foi de profiter de dysfonctionnements dans le système de validation des congés en imposant à son employeur des périodes d’absences injustifiées sans que celui-ci ne puisse réagir via la voie disciplinaire.

En revanche, la chambre sociale va casser la décision rejetant l’annulation de l’avertissement prononcé. Selon les Hauts magistrats, dès lors qu’il a choisi de convoquer le salarié selon les modalités de l’article L. 1332-2 du code du travail, l’employeur est tenu d’en respecter tous les termes, quelle que soit la sanction finalement infligée, de sorte que la sanction prononcée ne peut intervenir plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien, fut-elle un simple avertissement.

La solution méritait d’être rappelée. Signalons en effet que l’entretien n’est obligatoire que lorsque la sanction a une incidence sur la présence du salarié dans l’entreprise, sur sa carrière ou sa rémunération (tel est le cas d’une mise à pied disciplinaire, d’une mutation, d’une rétrogradation ou d’un licenciement pour faute). Partant, celui-ci ne s’impose a priori pas lorsque la sanction s’incarne dans un simple avertissement. Le présent arrêt vient nous repréciser toutefois que si l’employeur choisi d’appliquer la procédure d’entretien prévue à l’article L. 1332-2 du code du travail, alors celui-ci est lié par le délai maximum d’un mois après le jour fixé pour l’entretien pour prononcer la sanction (v. déjà en ce sens, Soc. 16 avr. 2008, n° 06-41.999, Dalloz actualité, 7 mai 2008, obs. B. Ines ).

Il convient donc de prêter une attention particulière au cadre dans lequel est prononcée la sanction d’avertissement. Si celle-ci est notifiée directement au salarié sans entretien, alors elle n’apparaît soumise qu’au délai de prescription de deux mois à compter de la connaissance par l’employeur des faits fautifs (C. trav., art. L. 1332-4). Si elle fait suite à un entretien disciplinaire, elle devra en outre nécessairement être notifiée dans le mois suivant le jour fixé par l’entretien, et pas avant deux jours ouvrables après celui-ci.