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Précisions sur l’action en restitution consécutive à la nullité d’une clause abusive

Le droit de l’Union européenne ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l’action tendant à constater la nullité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, pour autant que ce délai ne soit pas moins favorable que celui concernant des recours similaires de nature interne et qu’il ne rende pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union, en particulier la directive 93/13/CEE.

par Jean-Denis Pellierle 3 septembre 2020

L’attention est souvent portée sur l’éradication d’une clause abusive, mais plus rarement sur l’éventuelle action en restitution consécutive à cette éradication. L’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 9 juillet 2020 est, à cet égard, très intéressant. En l’espèce, des consommateurs ont conclu des contrats de crédit ayant pour objet l’octroi de prêts personnels avec deux banques. Après avoir remboursé intégralement ces crédits, chacun d’eux a saisi le tribunal de première instance de Târgu Mureş (en Roumanie) de recours visant à faire constater le caractère abusif de certaines clauses de ces contrats prévoyant le versement de commissions de traitement et de gestion mensuelle ainsi que la possibilité, pour la banque, de modifier les montants des intérêts.

Les banques ont indiqué que, à la date d’introduction des recours, les emprunteurs n’avaient plus la qualité de consommateurs, les contrats de crédit ayant pris fin du fait de leur exécution intégrale, ni le droit d’introduire une action en justice. La juridiction roumaine a cependant considéré que l’exécution intégrale d’un contrat n’empêchait pas la vérification du caractère abusif de ses clauses et a retenu que ces clauses étaient abusives. Elle a donc enjoint aux banques de restituer les montants payés en vertu de ces clauses, assortis des intérêts légaux, ce qui a motivé un appel de la décision. C’est dans ce contexte que les juges roumains ont demandé à la Cour de justice, en premier lieu, si les dispositions de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 doivent être interprétés en ce sens qu’elles ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l’action tendant à constater la nullité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation. En second lieu, et en cas de réponse affirmative à la première question, il a également été demandé à la juridiction européenne si les dispositions de la directive 93/13/CEE ainsi que les principes d’équivalence, d’effectivité et de sécurité juridique doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation juridictionnelle de la réglementation nationale selon laquelle l’action judiciaire en restitution des montants indûment payés sur le fondement d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est soumise à un délai de prescription de trois ans qui court à compter de la date de l’exécution intégrale de ce contrat, le consommateur étant censé avoir connaissance, à partir de cette date, du caractère abusif de cette clause.

À la première question, la Cour de Luxembourg répond que « L’article 2, sous b), l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui, tout en prévoyant le caractère imprescriptible de l’action tendant à constater la nullité d’une clause abusive figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, soumet à un délai de prescription l’action visant à faire valoir les effets restitutifs de cette constatation, pour autant que ce délai ne soit pas moins favorable que celui concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’il ne rende pas en pratique impossible ou...

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