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Précisions sur l’action en restitution des honoraires de l’avocat

Le point de départ de la prescription de l’action en restitution d’honoraires se situe au jour de la fin du mandat de l’avocat. Par ailleurs, les sommes ayant été versées au titre d’un honoraire de résultat et l’avocat ayant été dessaisi avant que soit rendue une décision irrévocable, les honoraires de l’avocat doivent être fixés par application des critères de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

par Jean-Denis Pellierle 14 février 2019

Le contentieux des honoraires de l’avocat porte souvent sur la prescription de l’action en fixation desdits honoraires. L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 7 février 2019 nous éclaire quant à lui sur la prescription de l’action en restitution des honoraires perçus par l’avocat. En l’espèce, le 13 mai 2003, Mme B., agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de tutrice de son fils, M. G., a signé une convention avec Mme A. (l’avocat) stipulant que celle-ci s’engageait à assurer leur défense et leur conseil, devant toute juridiction, sauf devant la Cour de cassation, pour obtenir la réparation du dommage corporel de M. G., victime d’un accident de la circulation, et prévoyant un honoraire forfaitaire de 500 € HT ainsi qu’un honoraire de résultat de 10 % HT. Puis, un jugement, assorti de l’exécution provisoire à hauteur des deux tiers, statuant sur l’indemnisation de M. G. est intervenu le 16 février 2007 et a été frappé d’appel. Le 16 mars 2007, Mme B. a autorisé l’avocat à prélever la somme de 200 000 € sur le compte CARPA, à titre d’honoraires et a par la suite dessaisi l’avocat le 4 mai 2011. Par arrêt du 13 janvier 2014, la cour d’appel a diminué l’indemnisation de M. G. et Mme B. a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats afin d’obtenir la restitution d’une partie des honoraires versés. L’avocat a formé un recours contre la décision rendue le 19 décembre 2014.

En premier lieu, il fait grief à l’ordonnance rendu par le premier Président de la cour d’appel de Paris le 7 novembre 2017 de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l’acquisition de la prescription quinquennale qu’il avait opposée et en conséquence de fixer les honoraires lui revenant. Ce premier moyen est rejeté par la Cour régulatrice : « Mais attendu que le point de départ de la prescription de l’action en restitution d’honoraires se situe au jour de la fin du mandat de l’avocat ; Qu’ayant, implicitement mais nécessairement, souverainement estimé que le mandat de l’avocat incluait la représentation en cause d’appel, c’est à bon droit que le premier président, qui a ainsi répondu aux conclusions dont fait état la première branche du moyen et a procédé à la recherche visée par la seconde, a décidé que le délai de prescription de l’action de Mme B. avait commencé à courir au jour de la rupture des relations entre les parties, soit le 4 mai 2011, et qu’engagée le 21 avril 2014, cette action n’était pas prescrite ».

La décision est cohérente en ce qu’elle retient le même point de départ que pour l’action en fixation des honoraires de l’avocat (Civ. 2e, 7 févr. 2019, n° 18-11.372 ; 4 oct. 2018, n° 17-20.507 ; 26 oct. 2017, n° 16-23.599, ajoutant « qu’en soi le prononcé de la décision que l’avocat a été chargé d’obtenir n’a pas pour effet de mettre fin au mandat qu’il a reçu de son client », D. 2018. 228 , note Octavie Laroque ; ibid. 757, chron. E. de Leiris, O. Becuwe, N. Touati et N. Palle ; D. avocats 2017. 405, art. G. Deharo ; 8 déc. 2016, n° 15-27.844, ayant précisé que le juge devait rechercher « si le mandat de l’avocat n’avait pas été révoqué plus de deux ans avant la saisine du bâtonnier » ; Civ. 2e, 10 déc. 2015, n° 14-25.892, ayant également précisé que le délai de prescription « ne pouvait avoir été interrompu par l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception », D. 2016. 19 ; ibid. 2017. 74, obs. T. Wickers ; D. avocats 2016. 97, obs. G. Deharo . Comp. Civ. 1re, 3 juin 2015, n° 14-10.908, D. 2015. 1269 ; ibid. 2016. 617, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RDI 2015. 410, obs. H. Heugas-Darraspen , concernant un contrat d’entreprise : « le point de départ du délai de prescription biennale de l’action en paiement de la facture litigieuse se situait au jour de son établissement »). Pour certains auteurs, la solution est également fondée au regard de l’article 2224 du Code civil fixant le point de départ de la prescription au « jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (V. en ce sens, S. Bortoluzzi, D. Piau, T. Wickers, H. Ader et A. Damien, Règles de la profession d’avocat, Dalloz Action 2018-2019, n° 741.22). Mais c’est surtout à la lumière de l’article 2225 du même code que la solution semble logique, ce texte prévoyant que « L’action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission » (sur la justification de cette règle, v. J. Klein, Le point de départ de la prescription, préf. N. Molfessis, Économica, 2013, nos 114 et 600). Il serait en effet difficilement compréhensible que le point de départ de la prescription de l’action en restitution des honoraires de l’avocat diffère de celui de l’action en responsabilité à son encontre. De manière générale, l’avocat doit donc prendre garde à se ménager la preuve de la fin de sa mission (Civ. 1re, 29 mai 2013, n° 11-24.312 : « il incombait au professionnel du droit d’établir l’existence d’un éventuel accord le déchargeant prématurément de ses obligations »), excepté dans l’hypothèse où il met définitivement un terme à ses fonctions (V. en ce sens, Civ. 1re, 30 janv. 2007, n° 05-18.100, ayant considéré que « la cessation définitive des fonctions de l’avocat met fin à la mission de celui-ci, sans notification préalable »). En outre, l’avocat peut être amené à effectuer plusieurs actes de procédure dans le cadre de la même affaire, auquel cas la prescription pourra se démultiplier (V. par ex., Civ. 2e, 7 avr. 2011, n° 10-17.575, D. 2011. 1149, obs. C. Tahri : « Mais attendu que l’ordonnance retient que M. X. versait aux débats un courrier de la ville daté du 21 juillet 2000 lui demandant de relever appel du jugement du 27 mars 2000 ; que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’interprétation que le premier président a décidé que ce courrier démontrait que la mission initiale de l’avocat s’était achevée à cette date et que le client avait dû le mandater une seconde fois pour l’appel ; qu’il en a exactement déduit que la prescription était acquise pour la demande en paiement des honoraires dus au titre des diligences effectuées devant le tribunal »).

En second lieu, l’avocat fait grief à l’ordonnance du premier Président parisien de fixer les honoraires lui revenant à la somme de 105 692,94 € et les frais à la somme de 6 297,05 €. Là encore, la deuxième chambre civile rejette le moyen : « Mais attendu, qu’ayant, par motifs adoptés, considéré que les sommes versées l’avaient été au titre d’un honoraire de résultat, et constaté que l’avocat avait été dessaisi avant que soit rendue une décision irrévocable, le premier président, qui n’avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante et n’était pas tenu de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’il écartait, en a exactement déduit que les honoraires de l’avocat devaient être fixés par application des critères de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ». Là encore, la solution est logique au regard de la jurisprudence qui considère que l’honoraire de résultat n’est dû à l’avocat que lorsque l’instance a pris fin par un acte ou une décision irrévocable (V. par ex., Civ. 2e, 10 juill. 2008, n° 07-16.173 ; 10 nov. 2005, n° 04-15.661, D. 2005. 2896, obs. V. Avena-Robardet ; 10 mars 2004, n° 01-16.910, D. 2004. 921, et les obs. . V. à ce sujet S. Bortoluzzi, D. Piau, T. Wickers, H. Ader, A. Damien, op. cit., n° 713.176). En conséquence, comme l’ont justement rappelé les hauts magistrats dans l’arrêt sous commentaire, ce sont les critères de l’article 10, alinéa 4, de la loi du 31 décembre 1971 qui permettront de déterminer le montant des honoraires de l’avocat. Selon ce texte « Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci » (V. à ce sujet, K. Magnier-Merran, Pour un renouveau des usages de la profession d’avocat, Dr. et patr., sept. 2017, p. 62). L’avocat souhaitant bénéficier de son honoraire de résultat doit donc veiller à achever sa mission en bonne et due forme.