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Précisions sur l’élément intentionnel du délit d’atteinte au secret des correspondances

La caractérisation de l’élément moral du délit d’atteinte au secret des correspondances prévu et réprimé par l’article 432-9 du code pénal suppose que soit établie l’intention de porter atteinte au contenu des correspondances.

par Lucile Priou-Alibertle 16 mars 2018

En l’espèce, un avocat constatait que le contenu de diverses conversations téléphoniques qu’il avait échangées avec le client qu’il assistait dans le cadre d’une procédure diligentée pour différents délits figurait dans un dossier d’enquête préliminaire. Notamment, était noté à la rubrique « identité », la mention : « cabinet d’avocats », et la conversation retranscrite comme suit : « conversation entre Alex et un cabinet d’avocats, il parle d’un rendez-vous à la gendarmerie. RAS ». Lors de l’instruction judiciaire ayant suivi cette enquête, l’avocat avait sollicité et obtenu la nullité des pièces faisant état du contenu de ses conversations téléphoniques.

En sus de cette procédure, l’avocat avait porté plainte et s’était constitué partie civile du chef d’atteinte au contenu de correspondances protégées. Cette infraction est, pour mémoire, prévue par l’article 432-9 du code pénal lequel réprime en son second alinéa « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice de ses fonctions, d’ordonner, de commettre ou de faciliter, hors les cas prévus par la loi, l’interception ou le détournement des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie des télécommunications, l’utilisation ou la divulgation de leur contenu ».

Cette plainte avait, cependant, abouti à un non-lieu, confirmé par la chambre de l’instruction motif pris de ce que rien n’était susceptible d’établir que le fonctionnaire de police à l’origine des mentions litigieuses avait, de mauvaise foi, porté atteinte au secret des correspondances entre l’avocat et son client et procédé à ses retranscriptions avec l’intention de nuire à l’avocat.

Le pourvoi avait été formé par l’avocat éconduit. Dans une motivation claire, la Cour de cassation rejette le pourvoi indiquant que, si c’est à tort que la chambre de l’instruction a retenu que l’intention de nuire à l’avocat était requise au titre de l’élément moral de l’infraction, la cassation n’était pas encourue dès lors qu’il ressortait des autres motifs de l’arrêt qu’il n’existait pas de charges contre l’officier de police judiciaire ayant procédé aux mentions litigieuses ou toute personne dépositaire de l’autorité publique d’avoir, par les retranscriptions litigieuses, eu l’intention de porter atteinte au contenu de correspondances protégées entre l’avocat et son client.

Il est bien établi que les correspondances entre un avocat et son client sont spécialement protégées, notamment, par l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui dispose qu’« en toutes matières, que ce soit dans le domaine du Conseil ou dans celui de la défense, les correspondances échangées entre le client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel ».

Cette protection particulière justifie que les actes de procédure qui retranscriraient des conversations entre un avocat et son client soient systématiquement frappés de nullité sauf dans le cas exceptionnel où il existerait contre l’avocat des indices de participation à une infraction (Crim. 15 janv. 1997, n° 96-83.753, RSC 1997. 668, obs. J.-P. Dintilhac ; 8 nov. 2000, n° 00-83.570, D. 2002. 856, obs. B. Blanchard ).

Une telle retranscription suffit-elle cependant à caractériser l’infraction d’atteinte au secret des correspondances telle que prévue par l’article 432-9 précité ? Telle était, en effet, la question posée par le pourvoi car les faits de l’espèce ne laissaient aucun doute sur la caractérisation de l’élément matériel du délit.

L’élément intentionnel de cette infraction ne porte pas explicitement mention de la mauvaise foi de son auteur à l’inverse du délit d’atteinte au secret des correspondances prévu par l’article 226-15 du code pénal. Cette absence se justifie compte tenu de la qualité des auteurs de l’infraction, personnes dépositaires de l’autorité publique, élément laissant présumer une telle mauvaise foi « car ils sont investis d’une confiance particulière que la moindre défaillance de leur part pourrait ruiner aux yeux des juges » (J. Pradel et M. Danti-Juan, Droit pénal spécial,  « Droit commun - Droit des affaires », 3e éd., Cujas, 2007, n° 214, cité in Rép. pén., Secret des correspondances, par P. Bonfils).

Cependant, si, comme le rappelle la Cour de cassation, l’élément intentionnel ne requiert pas explicitement l’intention de nuire de son auteur, il ne saurait non plus se confondre pas avec une simple négligence ou un manque de conscience professionnelle. La Cour de cassation vient, en effet, préciser qu’il doit être établi que le fonctionnaire a eu l’intention de porter atteinte au contenu des correspondances, ce qui, aux yeux des magistrats, n’était pas acquis en l’espèce.