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Précisions sur la motivation de la nécessité et de la proportionnalité de la peine de confiscation

Hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui constitue le produit ou l’objet de l’infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine. 

par Sofian Goudjille 4 septembre 2020

La confiscation spéciale existait déjà sous l’Ancien droit et portait alors sur l’objet qui avait permis la commission du délit ou en était constitutif (Rép. pén.,  Confiscation, par A. Beziz-Ayache, n° 10). Aujourd’hui, c’est l’article 131-21 du code pénal qui en définit le contenu et les modalités.

La Cour européenne des droits de l’homme a admis le principe de la peine de confiscation à la condition qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre son application et le but poursuivi dans le respect de l’intérêt général (CEDH 4 nov. 2014, Abouffada c/ France, n° 28457/10).

Si la chambre criminelle a pu considérer que lorsqu’une peine de confiscation en valeur de l’objet ou du produit direct ou indirect de l’infraction est prononcée, rien n’impose aux juges du fond de respecter une exigence de proportionnalité (Crim. 3 mai 2018, n° 17-82.098, Dalloz actualité, 4 juin 2018, obs. L. Priou-Alibert), il n’en va pas de même s’agissant des autres hypothèses dans le cadre desquelles la peine de confiscation pourrait s’appliquer. Dans de tels cas de figure, l’exigence de proportionnalité est maintenue et doit faire l’objet d’un contrôle rigoureux par le juge, comme le rappelle la chambre criminelle dans cet arrêt rendu le 24 juin 2020.

À l’issue d’une enquête préliminaire, le procureur de la République a respectivement fait citer un homme des chefs de travail dissimulé et de blanchiment, et deux femmes du chef de blanchiment.

Par un jugement du 9 juin 2017, le tribunal correctionnel, après avoir relaxé l’homme du chef de travail dissimulé, a déclaré les demandeurs coupables des autres faits reprochés et les a condamnés pénalement.

Les trois personnes condamnées ainsi que le ministère public ont interjeté appel de cette décision.

Un pourvoi en cassation a par la suite été formé à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Amiens, lequel a condamné le premier prévenu à six mois d’emprisonnement avec sursis et à une mesure de confiscation, pour blanchiment aggravé, la deuxième prévenue aux mêmes peines pour blanchiment aggravé également et la troisième à huit mois d’emprisonnement et à une mesure de confiscation, pour travail dissimulé.

Après avoir déclarés les deux premiers moyens comme n’étant pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, la chambre criminelle a étudié les troisième et cinquième moyens défendus par les demandeurs au pourvoi.

Le troisième moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a condamné une des prévenues à la peine de huit mois d’emprisonnement sans avoir satisfait aux exigences imposées par l’article 130-1 du code pénal, lequel oblige le juge qui prononce une peine d’emprisonnement sans sursis à justifier sa nécessité « au regard des faits de l’espèce, de la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ». La cour d’appel aurait ainsi violé les articles 130-1, 132-1 et 132-19 du code pénal en ne respectant pas l’exigence légale de motivation précitée.

Au visa de l’article 132-19 du code pénal, la chambre criminelle va accueillir ce moyen et casser l’arrêt de la cour d’appel. Elle va rappeler la nécessité pour le juge qui prononce une peine d’emprisonnement sans sursis d’en justifier la nécessité au regard de « la gravité de l’infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère inadéquat de toute autre sanction ». Elle ajoute que si la peine prononcée n’est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l’aménager, doit, en outre, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l’espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale.

Or, la cour d’appel, pour condamner l’une des prévenues à huit mois d’emprisonnement, s’est contentée d’énoncer « que compte tenu de l’étendue de sa participation aux infractions dont la gravité a été relevée précédemment et de son passé judiciaire...

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