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Précisions sur le point de départ du délai de prescription des actions en sanctions professionnelles

En cas d’annulation du jugement ouvrant la liquidation judiciaire d’un débiteur et prononçant la résolution du plan de redressement dont il bénéficiait, le point de départ du délai de trois ans pour agir contre le chef d’entreprise aux fins de prononcé d’une sanction professionnelle est fixé à la date de l’arrêt d’appel ayant annulé le jugement et ouvert la nouvelle procédure collective.

On sait que, depuis la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, l’action visant à infliger une sanction professionnelle (faillite personnelle ou interdiction de gérer) au chef d’entreprise est enfermée dans un délai de trois ans courant à compter du jugement qui ouvre le redressement ou la liquidation judiciaire de cet entrepreneur ou de la personne morale qu’il dirige (C. com., art. L. 653-1, II). Un point de départ spécifique est prévu, depuis la loi du 18 novembre 2016, pour le cas très précis où la faute reprochée au dirigeant consiste à ne pas s’être acquitté de sa condamnation au comblement de l’insuffisance d’actif ; le délai court alors au jour où cette décision passe en force de chose jugée.

Comment raisonner en cas de procédures collectives successives ? Quel point de départ retenir pour ce délai de prescription lorsqu’une procédure de liquidation judiciaire est la conséquence de l’échec d’un plan ? Faut-il retenir le jugement ouvrant la première procédure collective ou celui ouvrant la seconde ? La question peut encore se compliquer par le jeu des voies de recours. Quid si le jugement d’ouverture de la seconde procédure collective est annulé par une cour d’appel, reprenant finalement sur le fond la même décision ? C’est à ces questions que répond la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 23 novembre 2022, publié au Bulletin.

La chronologie des faits mérite d’être rappelée. Un entrepreneur, M. Z, est placé en redressement judiciaire, le 5 juillet 2012. Cette procédure est rapidement étendue à trois sociétés civiles immobilières qu’il dirige. Un plan de redressement est adopté concernant l’ensemble des entités réunies dans cette procédure. Le plan n’étant pas exécuté, un jugement du 7 avril 2014 en prononce la résolution et ouvre corrélativement la liquidation judiciaire de M. Z et de ses trois sociétés. Pour une raison procédurale qui ne nous est pas précisée, ce jugement est annulé par un arrêt d’appel du 7 novembre 2016. Par le même arrêt cependant, la cour d’appel prononce les mêmes mesures : la résolution du plan et la liquidation judiciaire des quatre sujets de droit.

Le liquidateur désigné dans cette nouvelle procédure intente une action en interdiction de gérer à l’encontre de M. Z. L’assignation aux fins de sanctions est délivrée le 19 septembre 2019, soit plus de trois ans après le jugement de première instance prononçant la résolution du plan et ouvrant la liquidation judiciaire des entités, mais moins de trois ans après l’arrêt d’appel annulant ce jugement et ouvrant la même procédure. Cette demande du liquidateur convainc les juges du fond, notamment la cour d’appel de Bordeaux qui, par un arrêt du 25 mai 2021, prononce une interdiction de gérer pour dix ans à l’encontre de M. Z. La cour relève notamment une abstention volontaire de coopération avec les organes de la procédure, faisant obstacle à son bon déroulement (C. com., art. L. 653-5, 5°) et des manquements graves aux obligations comptables (C. com., art. L. 653-5, 6°).

Cet arrêt est l’objet d’un pourvoi en cassation de M. Z, qui reproche à la cour d’appel d’avoir considéré l’action recevable car non prescrite. M. Z estime que l’annulation par la cour d’appel du jugement qui prononçait la liquidation judiciaire – pour une irrégularité de procédure n’affectant pas l’acte introductif d’instance – n’a pu avoir pour effet de reporter le point de départ de cette prescription à la date de l’arrêt qui, statuant en vertu de l’effet d’évolutif, prononçait à nouveau la liquidation judiciaire. En somme, le jugement d’ouverture anéanti demeurait le seul point de départ possible du délai de prescription de l’action en interdiction de gérer, compte tenu de l’effet dévolutif de l’appel-nullité et de la liquidation judiciaire finalement prononcée par la cour d’appel.

Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation énonce d’abord que « l’annulation d’un jugement qui prononce une liquidation judiciaire après résolution d’un plan entraîne l’anéantissement rétroactif de cette décision » et rappelle que, « selon l’article L. 653-1, II, du code de commerce, les actions en faillite personnelle ou interdiction de gérer se prescrivent par trois ans à compter du jugement qui ouvre la procédure de redressement ou liquidation judiciaire ». La chambre commerciale approuve ensuite la cour d’appel d’avoir considéré que « l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire après la résolution d’un plan de redressement constitue une nouvelle procédure » et d’en avoir déduit que « le délai de prescription de...

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