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Précisions sur le recours au gaz poivré en détention

Dans son arrêt de chambre du 3 octobre 2023, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rappelle quels sont les critères que doit respecter l’autorité pénitentiaire pour recourir au gaz poivré comme moyen de contention à l’égard d’une personne détenue, sans que cela constitue un traitement inhumain ou dégradant. 

La CEDH conclut à la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, à raison de l’utilisation, par les agents pénitentiaires, de gaz au poivre sur une personne détenue, qu’elle estime être un recours excessif à la force.

En l’espèce , un individu, détenu provisoirement à partir du 24 mars 2017, commet divers incidents en détention, de sorte qu’il est placé dans une cellule d’observation dès le 30 mars de la même année. Le 4 avril, agressif et agité, il profère plusieurs menaces de violences et de mort à l’égard du personnel. Il déchiquète son matelas, jette son repas par la fenêtre et urine sur le sol. Lorsqu’ils pénètrent dans sa cellule, les surveillants pénitentiaires l’aspergent de gaz au poivre. À la suite de cet incident, il lui est proposé de rencontrer le médecin de la prison, ce qu’il refuse, et porte plainte auprès du service des prisons et de la probation danois. Le 26 janvier 2018, la police décide de ne pas poursuivre les agents à l’origine de l’incident, notamment au regard du refus de l’intéressé de rencontrer un médecin, de l’absence d’enregistrement vidéo de l’incident ou de témoin.

Après plusieurs recours infructueux, le secrétariat de direction de la police admit que la procédure avait été excessive et regrettable, mais seulement en ce que les services de police n’avait permis de produit aucune mesure de preuve durant le temps de l’enquête. Cette décision fut confirmée en appel.

Devant la CEDH, l’intéressé invoquait l’article 3 de la Convention, en ce que le recours à la force avait été excessif et illégal. Notamment, il estimait avoir été passif lors de leur entrée dans sa cellule, et s’appuyait sur un rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) pour soutenir que le gaz au poivre ne devait jamais être utilisé dans un espace confiné.

La position européenne sur le recours à la force en détention

En droit européen, l’usage de la force n’est pas totalement interdit. En effet, il est parfois nécessaire de passer par ce biais pour assurer la sécurité, maintenir l’ordre ou prévenir la criminalité dans les lieux de privation de liberté. Cependant, au regard des atteintes que cette violence peut emporter à l’égard des personnes détenues, la CEDH a dégagé plusieurs conditions à sa légitimation : le recours à la force doit être nécessaire, proportionné, et une procédure d’enquête doit exister postérieurement, notamment lorsque la personne détenue soutient de manière défendable avoir subi, du fait de ces violences, un traitement inhumain ou dégradant (CEDH, gr. ch., 28 sept. 2015, Bouyid c/ Belgique, n° 23380/09, Dalloz actualité, 12 oct. 2015, obs. L. Sadoun-Jarin ; AJ pénal 2016. 222, obs. S. Lavric ; D. 2013. 2774, obs. F. Laffaille ; RSC 2016. 117 , obs. D. Roets ; RTDH 2016. 106, note F. Sudre). Si tel n’est pas le cas, le recours à la force constitue une atteinte à la dignité de la personne détenue, et donc une violation de l’article 3 de la Convention (CEDH 20 oct. 2011, Alboreo c/ France, n° 51019/08, AJDA 2012. 143, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2012. 1294, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ; AJ pénal 2012. 175, obs. M. Herzog-Evans ; RSC 2012. 263, obs. J.-P. Marguénaud ).

Ainsi, l’usage de matraques en caoutchouc par des agents d’une unité spéciale de maintien de l’ordre en détention constitue un traitement inhumain et dégradant au regard des critères de nécessité et de proportionnalité de l’usage de la force (CEDH 7 déc. 2006, Artyomov c/ Russie, AJDA 2007. 902, chron....

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