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Première décision en Europe sur l’exception de fouille de textes et de données : l’affaire LAION c/ Robert Kneschke

Le Tribunal régional de Hambourg rend la première décision concernant les exceptions de fouille de textes et de données consacrées par la DAMUN. La reproduction d’une photographie dans un set de données n’est pas contrefaisante car couverte par l’exception de fouille de textes et de données à des fins scientifiques.

Dans une décision très attendue, le Tribunal régional de Hambourg rend la première décision impliquant l’exception de fouille de textes et données créée par la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique (Dir. [UE] 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avr. 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique et modifiant les dir. 96/9/CE et 2001/29/CE [ci-après DAMUN]).

Bien moins discutés à l’époque de l’élaboration de la directive, les articles 3 et 4 de la DAMUN sont pourtant aujourd’hui l’objet de nombreux débats, et tout particulièrement dans leur rapport avec l’intelligence artificielle.

Ces articles introduisent deux exceptions de fouille de textes et de données (ci-après TDM, pour text and data mining). Ces exceptions sont souvent évoquées pour justifier la phase d’entraînement de certains modèles.

La première, à l’article 3, prévoit une exception pour « les reproductions et les extractions effectuées par des organismes de recherche et des institutions du patrimoine culturel, en vue de procéder, à des fins de recherche scientifique, à une fouille de textes et de données sur des œuvres ou autres objets protégés auxquels ils ont accès de manière licite » (DAMUN, art. 3).

La deuxième, à l’article 4, autorise « les reproductions et les extractions d’œuvres et d’autres objets protégés accessibles de manière licite aux fins de la fouille de textes et de données », pour tous les bénéficiaires, sans restriction concernant l’objet des activités de TDM, qu’elles soient exercées à des fins lucratives ou non. La directive prévoit la possibilité pour les titulaires de droit de s’opposer à l’utilisation de leur contenu pour les opérations de TDM (aussi appelé « opt-out »).

Ces exceptions ont donc été transposées dans la législation allemande. L’article 3 de la DANUM est transposé à la section 60d UrhG et l’article 4 à la section 44b UrhG. Pour rappel, ces exceptions sont transposées aux articles L. 122-5-3, R. 122-27 et R. 122-28 du code de propriété intellectuelle en France.

Rappel des faits

L’affaire en l’espèce impliquait LAION, une organisation à but non lucratif allemande, connue notamment pour créer et mettre à disposition des sets de données d’entraînement. L’organisation a publié gratuitement un set de données d’entraînement, le LAION-5B dataset, ayant par exemple été utilisé pour entraîner certains modèles très connus tel que Stable Diffusion.

Ledit dataset comprenait un lien hypertexte vers une image sur Bigstockphoto, un site web que Robert Kneschke, un photographe et le demandeur, utilisait pour promouvoir et vendre ses images. S’il n’est pas contesté que LAION a bel et bien téléchargé une copie d’une photo du photographe en basse qualité et contenant un tatouage numérique (watermarking), les conditions d’utilisation de la plateforme Bigstockphoto interdisaient l’utilisation des images par des « programmes automatisés » (v. à ce propos, Bigstock standard content usage agreement, Part III, Restriction).

Le demandeur invoquait donc une violation du droit de reproduction.

Solution

LAION pouvait potentiellement se prévaloir de trois exceptions : l’exception de reproduction temporaire (v. sect. 44a UrhG), l’exception de fouille de textes et de données (v. sect. 44b UrhG) et l’exception de fouille de textes et de données à des fins de recherches scientifiques (v. sect. 60d UrhG ; M. Brüß, German court finds LAION’s copying of images non-infringing, The IPKat, 28 sept....

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