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Prescription de la demande en requalification en bail commercial : confirmation

L’article L. 145-15 du code de commerce, réputant non écrites certaines clauses d’un bail commercial, n’est pas applicable à une demande en requalification d’un contrat en bail commercial.

Par un acte du 16 juillet 2009, une société a donné à bail à une autre société un terrain nu supportant une station de lavage décrite comme entièrement démontable.

Le 24 novembre 2015, la bailleresse a donné congé au locataire pour le 30 juin 2016.

Le 27 juin 2017, la bailleresse a fait assigner son locataire en expulsion et en paiement d’une indemnité d’occupation.

À titre reconventionnel, le locataire a sollicité l’annulation du congé au motif que la clause relative à la durée du bail devait être réputée non écrite.

Par un arrêt infirmatif du 29 juillet 2021, la cour d’appel de Pau a déclaré la demande du locataire prescrite depuis le 16 juillet 2011 puisqu’il s’agissait d’une demande de requalification du contrat en bail commercial.

Le locataire s’est alors pourvu en cassation en faisant valoir que la cour d’appel aurait violé l’article L. 145-15 du code de commerce qui déclare non écrites les clauses relatives à la durée du bail commercial par refus d’application.

Par l’arrêt du 7 décembre 2022 sous commentaire, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en jugeant, approuvant la cour d’appel sur ce point, que « l’article L. 145-15 du code de commerce réputant non écrites certaines clauses d’un bail, n’est pas applicable à une demande en requalification d’un contrat en bail commercial ».

À première vue, une solution qui s’impose

Cette solution s’imposait à première vue. Comment en effet un locataire pourrait-il se prévaloir du statut des baux commerciaux sans avoir obtenu préalablement la requalification de son contrat en bail commercial ?

Une décision de la Cour de cassation avait d’ailleurs très clairement exposé que la requalification constituait un préalable nécessaire. En effet, dans une affaire où le contrat indiquait que le bail d’un terrain à usage de sport n’était pas un bail commercial, la Cour de cassation avait approuvé une cour d’appel qui avait jugé que « l’action en renouvellement de ce bail supposait au préalable la requalification de celui-ci en bail commercial » (Civ. 3e, 17 nov. 2016, n° 15-12.136, Administrer déc. 2016. 28, obs. D. Lipman-W. Boccara ; Gaz. Pal. 14 mars 2017, p. 74, obs. J.-D. Barbier).

Cette solution s’imposait d’autant plus qu’il est de jurisprudence constante que l’action en requalification en bail commercial se prescrit par deux ans à compter de la conclusion du contrat (Civ. 3e, 29 oct. 2008, n° 07-16.185 P, AJDI 2009. 123 , obs. A. Mbotaingar Loyers et copr. 2009, n° 94, obs. P.-H. Brault ; pour un bail professionnel, Civ. 3e, 23 nov. 2011, n° 10-24.163 P, Dalloz actualité, 9 déc. 2011, obs. Y. Rouquet ; D. 2012. 1844, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; AJDI 2012. 266 , obs. J. Monéger ; ibid. 345 , obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD com. 2012. 297, obs. F. Kendérian ; Administrer janv. 2012. 59, obs. D. Lipman-W. Boccara ; 3 déc. 2015, n° 14-19.146, Dalloz actualité, 11 déc. 2015, obs. Y. Rouquet ; D. 2015. 2559, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2016. 1613, obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD civ. 2016. 364, obs. H. Barbier ; RTD com. 2016. 47, obs. F. Kendérian ; pour un contrat de location gérance, Civ. 3e, 22 janv. 2013, n° 11-22.984, AJDI/JURIS/2013/0477, obs. R. HallardAJDI/CHRON/2013/0112  ; Administrer mars 2013. 34, obs. D. Lipman-W. Boccara ; pour des baux saisonniers, Civ. 3e, 17 sept. 2020, n° 19-18.435, D. 2020. 1836 ; ibid. 2469, chron. L. Jariel et A.-L. Collomp ; AJDI 2021. 361 , obs. J.-P. Blatter ; Rev. prat. rec. 2021. 25, chron. E. Morgantini et P. Rubellin ; RTD com. 2020. 779, obs. B. Saintourens ; JCP N 2021. 1184, n° 5, obs. B. Brignon ; ibid. 2021. 1133, note A. Mbotaingar ; 23 juin 2016, n° 14-24.047, AJDI 2016. 688 ; pour un bail d’exploitation, Civ. 3e, 20 déc. 2018, n° 17-26.684, AJDI 2019. 124 ) et qu’un nouveau délai ne court pas en cas de tacite reconduction du contrat (Com. 11 juin 2013, n° 12-16.103 P, Dalloz actualité, 24 juin 2013, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2014. 32 , obs. J.-P. Blatter ; RTD com. 2013. 467, obs. F. Kendérian ) et même en cas de renouvellement par avenants successifs (Civ. 3e, 14 sept. 2017, n° 16-23.590 P, Dalloz actualité, 25 sept. 2017, obs. Y. Rouquet ; D. 2017. 1832 ; ibid. 2018. 371, obs. M. Mekki ; AJDI 2017. 775 , obs. M.-P. Dumont-Lefrand ; RTD civ. 2017. 869, obs. H. Barbier ).

Ainsi, sauf à modifier sa jurisprudence, la Cour de cassation ne pouvait que juger que le délai pour agir en requalification en bail commercial avait couru du 16 juillet 2009, date de la conclusion du bail, jusqu’au 16 juillet 2011, date d’échéance du délai de prescription de deux ans tel qu’il est disposé à l’article L. 145-60 du code de commerce.

Passage de la nullité partielle au réputé non écrit

Mais des facteurs de complexification pouvaient malgré tout faire douter de cette solution. En effet, la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 est venue modifier l’article L. 145-15 du code de commerce pour substituer à la nullité partielle la sanction du réputé non écrit. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, l’article ne dispose plus que « sont nuls et de nul effet », mais que « [s]ont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement institué par le présent chapitre ou aux dispositions des articles L. 145-4, L. 145-37 à L. 145-41, du premier alinéa de l’article L. 145-42 et des articles L. 145-47 à L. 145-54 ». Ainsi, les clauses faisant échec au renouvellement du bail commercial ou aux dispositions relatives à sa durée (art. L. 145-4), à la révision du loyer (art. L. 145-37 à L. 145-41), aux clauses de résiliation en cas de déspécialisation (art. L. 145-42, al. 1er) et quant à la déspécialisation elle-même (art. L. 145-47 à L. 145-54) sont réputées non écrites.

Le passage de la nullité partielle au réputé non écrit n’a pas été pas anodin puisqu’il a eu pour effet que les demandes que des clauses méconnaissant les dispositions relatives au bail commercial soient réputées non écrites ne soient plus soumises à la prescription, au contraire des demandes en nullité partielle. La Cour de cassation a jugé en effet que « l’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail [commercial] n’est pas soumise à prescription » (Civ. 3e, 19 nov. 2020, n° 19-20.405 P, Dalloz actualité, 4 janv. 2021, obs. A. Cayol ; D. 2020. 2342 ; ibid. 2021. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 980, chron. A.-L. Collomp, V. Georget et L. Jariel ; ibid. 1397, obs. M.-P. Dumont ; AJDI 2021. 513 , obs. J.-P. Blatter ; Rev. prat. rec. 2021. 25, chron. E. Morgantini et P. Rubellin ; RTD civ. 2021. 124, obs. H. Barbier ; JCP E 2021, 1168, n° 8, obs. J. Monéger ; 30 juin 2021, n° 19-23.038 P, Dalloz actualité, 21 juill. 2021, obs. S. Andjechaïri-Tribillac ; D. 2021. 1285 ; ibid. 2251, chron. A.-L. Collomp, B. Djikpa, L. Jariel, A.-C. Schmitt et J.-F. Zedda ; AJDI 2022. 119 , obs. J.-P. Blatter ; Rev. prat. rec. 2022. 35, chron. E. Morgantini et P. Rubellin ; RTD civ. 2021. 635, obs. H. Barbier ; RTD com. 2021. 771, obs. F. Kendérian ; Civ. 1re, 13 mars 2019, n° 17-23.169, Dalloz actualité, 1er avr. 2019, obs. J.-D. Pellier ; D. 2019. 1033 , note A. Etienney-de Sainte Marie ; ibid. 1784, chron. S. Vitse, S. Canas, C. Dazzan-Barel, V. Le Gall, I. Kloda, C. Azar, S. Gargoullaud, R. Le Cotty et A. Feydeau-Thieffry ; ibid. 2009, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2020. 353, obs. M. Mekki ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; RTD civ. 2019. 334, obs. H. Barbier ; RTD com. 2019. 463, obs. D. Legeais ; ibid. 465, obs. D. Legeais ; RTD eur. 2020. 768, obs. A. Jeauneau ; RDC 2019, n°116e4, p. 21 ; v., plus généralement sur ce point, J. Kullman, Remarques sur les clauses réputées non écrites, D. 1993. 59 ; S. Gaudemet, La clause réputée non écrite, Economica, 2006, nos 233 s.).

Application de la loi nouvelle aux baux en cours

La Cour de cassation a en outre jugé que la nouvelle rédaction de l’article L. 145-15 s’applique...

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