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Prescription de l’action en fixation du loyer : le diable se cache dans l’accessoire

Le mémoire préalable n’étant institué que pour la procédure devant le juge des loyers commerciaux, sa notification n’interrompt la prescription que lorsque la contestation relative à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé est portée devant ce juge.

par Timothée Brault, Avocatle 8 février 2023

Dans l’affaire ayant débouché sur l’arrêt sous étude, le 19 septembre 2013, un bailleur a délivré congé à son locataire (à effet au 1er avr. 2014), lui offrant de renouveler le bail les liant aux mêmes charges et conditions, à l’exception du loyer qu’il désirait voir doubler.

Seul le principe du renouvellement a été accepté par le preneur.

Le propriétaire a notifié, le 30 mars 2016, un mémoire préalable aux fins de fixation du loyer annuel à hauteur d’environ 1,5 M€ et reçut, le 4 octobre suivant, un mémoire en réponse de son locataire demandant un loyer annuel de 800 K€.

Ces prétentions inconciliables ne pouvaient que conduire à une fixation judiciaire du loyer. Ainsi, le 14 mars 2018, le bailleur a assigné le preneur devant le tribunal judiciaire en validation du congé et, à titre accessoire, en fixation dudit loyer.

Suivant jugement daté du 5 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Bobigny a déclaré « irrecevables comme prescrites » les demandes du bailleur, lequel a relevé appel de la décision ; en vain puisque la Cour d’appel a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris (Paris, pôle 5 - ch. 3, 26 mai 2021, n° 18/28001).

Le propriétaire a alors formé un pourvoi en cassation, ne concevant pas que les premiers juges puissent ainsi le priver de l’effet interruptif qu’il prêtait au mémoire dûment notifié en 2016.

Sur la prescription

Comme toute action fondée sur le statut des baux commerciaux, celle tendant à la fixation du loyer se prescrit par deux ans (C. com., art. L. 145-60), durée courant à compter de la date d’effet du congé (ou de la demande de renouvellement) et enfermant la période durant laquelle le bailleur sera recevable à agir.

Ici, le bail renouvelé étant né le 1er avril 2014, c’est avant le 1er avril 2016 que l’action aurait du être intentée. Elle ne l’a été qu’en 2018.

Sur l’interruption escomptée

Le bailleur avait, entretemps, notifié un mémoire préalable qu’il espérait bien interruptif de prescription à date du 30 mars 2016, ce procédé offrant classiquement au bailleur de régénérer son délai pour agir et d’en reporter l’échéance, au 30 mars 2018 dans le présent cas.

Contenue dans une assignation signifiée avant cette date, la demande en fixation du loyer apparaissait donc comme recevable, car introduite dans le délai de deux années, courant à compter du mémoire notifié.

Mais le tribunal (TGI Bobigny, 5 déc. 2018), puis la cour (Paris, pôle 5 - ch. 3, 26 mai 2021, préc.) n’ont pas été de cet avis et ont contrarié les plans du propriétaire en déniant au mémoire tout effet interruptif et déclarant ainsi prescrite l’action de son auteur.

L’interruption dont le bailleur réclamait bénéfice n’était pas si aberrante, puisqu’elle résultait expressément des rares...

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