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Présentation du projet de loi de transformation de la fonction publique

En dépit de l’hostilité des syndicats, le gouvernement veut toujours faire voter sa réforme de la fonction publique avant l’été. L’avant-projet de loi a été rendu public le 13 février.

par Marie-Christine de Monteclerle 18 février 2019

En dépit d’un ultime appel de huit organisations syndicales qui ont demandé, le 12 février, au Premier ministre de suspendre le processus, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’action et des comptes publics, Olivier Dussopt, a présenté, le 13 février 2018 au conseil commun de la fonction publique (CCFP) et le lendemain à la presse, son avant-projet de loi de transformation de la fonction publique. Le texte doit maintenant être examiné par chacun des trois conseils supérieurs avant un avis du CCFP le 6 mars et une présentation en conseil des ministres fin mars ou début avril.

Si Olivier Dussopt a affirmé que le gouvernement serait très ouvert aux amendements, on peut s’interroger sur la marge de négociation, alors que sept organisations syndicales ont quitté la réunion du CCFP pour réaffirmer leur opposition de principe aux orientations de ce texte.

Ses cinq titres déclinent en effet les orientations sur lesquelles un dialogue de sourds a eu lieu depuis plus d’un an. Le titre Ier porte sur le dialogue social. Il prévoit, comme annoncé, une fusion des comités techniques et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail dans une instance unique, le comité social d’administration. Les commissions administratives paritaires (CAP) verraient leurs compétences réduites aux situations précontentieuses et disciplinaires. Par ailleurs, le gouvernement demande une habilitation pour « renforcer la place de la négociation dans la fonction publique ».

Le titre II qui ambitionne de « transformer et simplifier le cadre de gestion des ressources humaines » est largement consacré à l’extension du recours au contrat (de droit public, contrairement aux préconisations du comité CAP 22). Il reprend, pour les emplois de direction, les dispositions de la loi Avenir professionnel (AJDA 2018. 1585) censurées par le Conseil constitutionnel. Et, s’il maintient le principe du recrutement de fonctionnaires sur les emplois permanents, il y apporte de multiples dérogations : création d’un CDD de projet, liberté totale pour les communes de moins de 1 000 habitants et tous les établissements publics de l’Etat, nature des fonctions, besoins du service dans toutes les catégories… Ces contractuels pourront assez largement bénéficier de CDI d’emblée.

Une procédure de rupture conventionnelle

Le titre III vise à « simplifier et garantir la transparence et l’équité du cadre de gestion des agents publics ». Il prévoit, pour le recrutement des contractuels, une « procédure permettant de garantir l’égal aux emplois publics » qui devra être fixée par décret. Il revoit également les procédures de passage dans le secteur privé. La commission de déontologie ne serait plus saisie systématiquement que pour les agents « occupant un emploi dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient ». Pour ces mêmes agents, elle serait consultée en cas de retour du privé vers le public. Ce titre comporte également des mesures spécifiques à la fonction publique territoriale. L’article 17 supprime les régimes particuliers de temps de travail antérieurs à la loi du 3 janvier 2001. Les collectivités concernées auront un an pour passer aux 1607 heures annuelles. L’article 18 permet, comme le propose le rapport Savatier-de Belenet (v. encadré ci-dessous), d’ouvrir la possibilité aux centres de gestion volontaires de fusionner au sein d’une région.

Le titre IV vise à favoriser la mobilité tant entre les versants de la fonction publique que vers le privé. On y relèvera notamment la création d’une procédure de rupture conventionnelle pour les contractuels, la portabilité du CDI entre les trois versants de la fonction publique ou encore une procédure d’accompagnement des agents dont l’emploi est supprimé. Enfin, le titre V transpose l’accord du 30 novembre sur l’égalité professionnelle, devenu majoritaire du fait des résultats des élections de décembre.

Vers un MEDEF de la fonction publique territoriale ?

Le sénateur Arnaud de Belenet et le député Jacques Savatier ont remis le 12 février à Edouard Philippe leur rapport sur La formation et la gestion des carrières des agents des collectivités territoriales.

Ce rapport était attendu par les acteurs de la fonction publique territoriale (FPT) avec une impatience mêlée de la crainte de voir arriver une analyse à charge, destinée à justifier le dynamitage des institutions actuelles de la FPT. Ce n’est pas le cas. Les deux parlementaires LREM saluent même la modernisation du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) impulsée par son président actuel, François Deluga. Ce qui n’a pas empêché ce dernier de critiquer le rapport et notamment la suggestion de transformation du CNFPT en établissement public à caractère industriel et commercial. De même qu’ils reconnaissent que le conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) « a acquis depuis quelques années, particulièrement avec son président actuel, une forte légitimité ». Et qu’un nombre relativement important de centres de gestion (CDG) « a engagé une dynamique de développement » et accru les services aux collectivités.

« Une logique de branche professionnelle »

Cependant, pour permettre aux collectivités territoriales de faire face aux transformations de l’action publique, il est nécessaire d’améliorer l’appui qui peut leur être apporté en matière de gestion des ressources humaines, estiment Arnaud de Belenet et Jacques Savatier. Ils écartent la fusion entre CNFPT et CDG mais avancent vingt-quatre propositions de réorganisation de l’architecture des institutions. Ils préconisent une meilleure articulation, au niveau régional, entre les CDG et le CNFPT (qui devrait donc être plus déconcentré). Et surtout, la création d’une « organisation représentative des employeurs publics territoriaux ». Une proposition sur laquelle le rapport est assez ambivalent, évoquant « une logique de branche professionnelle » du secteur privé, tout en la rattachant à la vieille revendication du rétablissement d’un centre national de gestion. Plusieurs hypothèses sont envisagées pour concrétiser cette proposition, d’une institutionnalisation de la coordination des employeurs territoriaux à la création d’un syndicat mixte ouvert. Quoi qu’il en soit, cette structure, le CSFPT et les missions de base du CNFPT et des CDG seraient financés par une cotisation unique.