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Le président de la République lance la grande cause du quinquennat sur l’égalité femmes-hommes

Emmanuel Macron lançait samedi 25 novembre la grande cause du quinquennat pour l’égalité femmes-hommes. Vu le contexte, le discours s’est logiquement centré sur la question des violences sexuelles avec plusieurs propositions.

par Pierre Januelle 27 novembre 2017

Les mots étaient forts. Pour le chef de l’État, il a été question d’une « honte nationale » : « La République, en échouant à éradiquer ces violences, a échoué dans sa vocation même qui est celle d’éduquer, de civiliser, de protéger et ce discours de dignité, d’égalité de droits, de justice, de respect que la République porte partout et en tout temps, semble n’avoir pas atteint la conscience de ceux qui commettent ces violences ».

Dans un discours percutant, le président de la République a annoncé un certain nombre de mesures structurées autour de trois axes : l’éducation, l’accompagnement des victimes et le renforcement de la répression.

Renforcer l’éducation et la sensibilisation

Pour Emmanuel Macron, la lutte contre le sexisme est d’abord un combat culturel. Et la jeunesse doit être la première concernée. Aux réunions de rentrée, l’Éducation nationale sensibilisera les parents au cyber-harcèlement et à l’exposition des élèves à la pornographie. Les enseignants et les professionnels de la petite enfance seront formés aux enjeux du sexisme.

Mais plus largement, c’est l’ensemble des fonctionnaires qui sera formé à ces sujets, avec un grand plan de formation initiale et continue déployé dans le secteur public. Les structures de formation des fonctionnaires intégreront un module consacré à la lutte contre le harcèlement, le sexisme et les violences. Selon le chef de l’État, cette prise en compte des violences sexistes doit encourager les services publics à s’adapter. Il a ainsi évoqué l’expérience des arrêts de bus à la demande, qui permettent aux femmes d’arrêter un bus, la nuit, entre deux arrêts.

Pour renforcer la régulation, dès 2018, les pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) seront étendus, pour qu’il régule les contenus sexistes sur internet et dans les jeux vidéo. L’idée d’un élargissement de compétence du CSA au sexisme est récurrente. La loi Égalité et citoyenneté avait déjà renforcé les obligations des chaînes en la matière, mais également donné au CSA la mission de veiller à l’image des femmes dans les publicités (ce qui l’a conduit à remettre récemment un rapport sur le sujet). L’élargissement de ses compétences à internet, déjà proposé par le rapport Lescure en 2013, risque de poser plus de problèmes au CSA, plus habitué à l’univers clos et fortement contraint de l’audiovisuel qu’à celui dérégulé et sans frontière d’internet.

En matière de sensibilisation, des opérations de testing sur la discrimination des femmes dans les entreprises seront menées. Enfin, une grande campagne nationale d’annonces sera lancée, visant notamment à sensibiliser le grand public, informer sur les numéros comme le 3919 et à responsabiliser les témoins.

Un meilleur accompagnement des victimes

Le président de la République a souhaité que soit simplifié le parcours des victimes portant plainte. Ainsi, début 2018, sera mis en place un signalement en ligne pour les victimes de violences, de harcèlements et de discriminations. Ce système permettra à la victime, depuis chez elle, d’être accompagnée dans ses démarches et orientée vers les commissariats et les associations compétentes. Un policier formé répondra 24h/24 aux victimes, sous forme de chat.

De manière générale, le lien entre médecine et système pénal sera renforcé. Les pratiques des professionnels de santé, en matière de signalement des victimes, seront réétudiées. Pour le président, il est nécessaire que les professionnels interrogent systématiquement sur les violences à la première consultation.

Dès 2018, dix unités pilotes spécialisées dans la prise en charge globale du psycho-trauma seront mises en place dans les centres hospitaliers. Les soins seront pris en charge par la Sécurité sociale, comme le recommandait le Haut conseil à l’égalité en 2016. Un système de recueil de preuves sans dépôt de plainte sera mis en place dans les unités médico-judiciaires. La Cellule d’accueil d’urgences des victimes d’agressions de Bordeaux, lancé il y a prêt de vingt ans, pourrait enfin connaître un déploiement plus large.

Les violences sexuelles et sexistes seront une des priorités de l’inspection du travail. De même, dans l’administration, Emmanuel Macron souhaite généraliser les cellules d’écoutes sur les lieux de travail. Enfin une application numérique pour aider les victimes de cyber-violences et de cyber-harcèlement sera développée par la Fédération nationale de solidarité femmes qui a créée le 3919.

Un renforcement de l’arsenal répressif, dans la lignée des annonces précédentes

Le président de la République a d’abord annoncé qu’en 2018, « des modifications législatives seront portées pour non seulement mieux prévenir mais poursuivre ceux qui agissent sur internet pour harceler ». Il faut donc s’attendre à une évolution du délit de harcèlement prévu à l’article 222-33-2-2 du code pénal, créé en 2014.

Les autres annonces du volet pénal ont prolongés celles faites par la secrétaire d’État Marlène Schiappa en octobre (V. Dalloz actualité, 17 oct. 2017, art. P. Januel isset(node/187136) ? node/187136 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>187136). Emmanuel Macron a confirmé la création d’un délit d’outrage sexiste « qui sera verbalisable immédiatement pour un montant dissuasif ». Ce sera l’une des priorités de la police de sécurité quotidienne, dont la création fait actuellement l’objet de consultations, qui aboutiront dans les prochaines semaines. Le champ exact de ce délit d’outrage sexiste, qui fait l’objet d’interrogations au vu de l’échec de l’expérience belge, et les modalités de sa « verbalisation immédiate », n’ont pas été précisés, une mission parlementaire planchant actuellement sur le sujet.

Le chef de l’État, tout en rejetant l’imprescriptibilité, a confirmé que le délai de prescription de l’action publique pour les crimes sexuels serait porté de vingt à trente ans après la majorité (soit jusqu’à l’âge de 48 ans). Il n’a pas été précisé si cette extension concernerait également les agressions sexuelles.

Les annonces sur l’instauration d’une présomption de non-consentement étaient plus confuses. Pour Emmanuel Macron, les affaires de Pontoise et de Melun, où le viol a été écarté dans le cas de relations sexuelles entre un majeur et une mineure de onze ans, ont révélé une faille juridique qu’il faut combler. Il souhaite qu’une règle claire soit fixée dans la loi, instaurant une présomption de non-consentement et a émis le vœu personnel que cette limite soit fixée à quinze ans, tout en renvoyant vers le débat qui aura lieu à l’Assemblée nationale.

Il n’a pas été indiqué comme cette présomption s’articulerait avec le délit d’atteinte sexuelle, qui prévoit déjà la pénalisation de toute relation sexuelle avec un mineur de quinze ans. Il n’est pas dit non plus comment fonctionnera cette présomption, qui en matière pénale, ne peut être irréfragable sauf à porter atteinte à la liberté de la preuve. C’est pourquoi plutôt qu’une présomption, certains privilégiaient l’instauration d’un seuil de criminalisation de l’atteinte sexuelle.

En matière d’infractions sexistes, la tentation est souvent forte de prévoir un délit très large et des modalités très souples, pour pallier les difficultés de traitement de ces infractions dans les juridictions. Malheureusement, l’enfer étant pavé de bonnes intentions, ces vœux se fracassent souvent sur les réalités juridiques et sur les moyens alloués aux juridictions.

Sur le budget consacré à l’égalité femmes-hommes, il n’y a pas eu d’annonces, même si celui-ci sera sanctuarisé sur tout le quinquennat. Pour rappel, en 2018, le budget du secrétariat d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes n’augmentera que de 7 000 € (sur 29,8 millions d’euros).

 

Crédit photo © Ludovic Marin / AFP