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Prêt viager hypothécaire et règle interprétative

Dans un arrêt rendu le 7 mai 2025, la première chambre civile interprète l’article L. 314-1 ancien du code de la consommation à la lumière du droit commun pour préciser que l’ajout en 2008, au sein de ce texte, de la capitalisation des intérêts n’a qu’une vocation interprétative.

On qualifie une loi d’interprétative « lorsqu’elle vient préciser et expliquer le sens d’une loi antérieure » (F. Terré et N. Molfessis, Introduction générale au droit, 16e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2024, p. 665, n° 477). Rares sont les décisions publiées au Bulletin à en explorer la notion en matière de droit de la consommation. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 7 mai 2025 trouve ainsi son premier point d’intérêt sur ce volet méthodologique. Le second réside dans sa thématique principale qui est le prêt viager hypothécaire, contrat spécial au dénouement délicat tant pour les héritiers de l’emprunteur que pour la banque prêteuse de deniers.

La solution que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans le contexte de l’application de l’article L. 314-1 ancien du code de la consommation, devenu L. 315-1 du même code après l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016. Plus précisément encore, la question centrale est celle de la capitalisation des intérêts qui a été ajoutée explicitement au sein de cette disposition par une loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du 4 août 2008.

Reprenons les faits pour comprendre l’enjeu de l’interrogation suscitée par le pourvoi. Un prêt viager hypothécaire est conclu, par un acte notarié du 10 septembre 2008, après offre formulée le 15 juillet 2008, entre une personne physique et un établissement bancaire. Au sein de cet acte se trouvait une clause d’anatocisme, i.e. de capitalisation des intérêts. Près de neuf ans plus tard, l’emprunteuse décède et laisse ses deux filles à sa survivance. La banque n’obtient toutefois pas le paiement promis de sa dette devenue, dès lors, exigible depuis le décès de son cocontractant.

L’établissement bancaire décide, dans ce contexte et après délivrance d’un commandement de payer à chacune de ses codébitrices, de faire assigner le 24 septembre 2019 et le 26 septembre suivant les héritières de l’emprunteuse en vente forcée de l’immeuble hypothéqué. Durant l’instance, se noue une difficulté autour de la clause d’anatocisme laquelle est attaquée par les défenderesses. Elles estiment, en effet, celle-ci est contraire aux dispositions en vigueur, l’article L. 314-1 du code de la consommation n’ayant prévu explicitement la capitalisation des intérêts qu’à compter de la loi du 4 août 2008. La cour d’appel répute non écrite la clause d’anatocisme en précisant que la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 est inapplicable à l’offre de prêt formulée le 15 juillet 2008.

La banque se pourvoit en cassation en critiquant ce raisonnement. L’arrêt rendu le 7 mai 2025 aboutit à une cassation pour violation de la loi. Une solution dont l’intérêt certain dépasse probablement le droit de la consommation.

Du silence de la loi ancienne

Avant la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, l’article L. 314-1 ancien du code de la consommation ne mentionnait pas explicitement la capitalisation des intérêts. Les défenderesses essayaient donc de miser sur l’application non rétroactive de la loi nouvelle pour faire échec à ladite capitalisation pour l’offre du prêt viager hypothécaire datée de quelques semaines avant l’entrée en vigueur du nouveau texte. Toutefois, on notera qu’assez étonnamment aucune discussion ne s’est cristallisée sur la réitération de l’acte postérieurement au 6 août 2008.

Quoi qu’il en soit, deux systèmes étaient envisageables en pareille situation :

  • soit...

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