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Le prêteur a droit à la restitution de la somme qu’il a prêtée même s’il en a lui-même fait un usage illicite

Un agent immobilier qui prête au bénéficiaire d’une promesse de vente la somme correspondant à l’indemnité d’immobilisation et qui verse directement cette somme au notaire, alors qu’il ne dispose d’aucun mandat écrit l’autorisant à agir ainsi, reste fondé à obtenir de l’emprunteur la restitution du montant prêté. Dès lors que le contrat de prêt est régulièrement formé, le prêteur a droit à la restitution des fonds, même s’il les a lui-même employés de manière illicite.

par Delphine Peletle 11 octobre 2018

En l’espèce, par l’intermédiaire de son agent immobilier, un promettant consent une promesse unilatérale de vente à un particulier, qui implique pour ce dernier le versement d’une indemnité d’immobilisation correspondant à 10 % du prix de vente. Une partie de ce montant est directement versée par l’agent immobilier au notaire, pour le compte du bénéficiaire de la promesse. L’option d’achat n’est finalement pas levée et le notaire verse donc la somme consignée au promettant afin de l’indemniser de l’immobilisation de son bien. L’agent immobilier assigne donc le bénéficiaire en remboursement de la somme prêtée.

La cour d’appel dénie l’existence de la créance de l’agent immobilier au motif que ce dernier a violé les dispositions de l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 76 du décret d’application du 20 janvier 1972, lesquelles font interdiction à un agent immobilier de recevoir, détenir et remettre une somme d’argent sans mandat exprès, dans le cadre d’une opération d’achat ou de vente d’immeuble bâti.

L’agent immobilier se pourvoit en cassation. Il fait grief aux juges du second degré de faire application des règles de son statut au contrat de prêt qu’il a conclu avec le bénéficiaire de la promesse, alors que ces règles ne sont applicables qu’à la promesse de vente. Selon le demandeur, il convient d’appliquer au contrat de prêt son propre régime juridique, dont notamment l’article 1902 du code civil, qui oblige l’emprunteur à restituer la somme prêtée.

La Cour de cassation reprend d’abord à son compte le raisonnement tenu par la cour d’appel, selon lequel la remise des fonds par l’agent immobilier était illicite, en l’absence de mandat écrit du bénéficiaire l’autorisant à verser au notaire la somme empruntée, pour régler l’indemnité d’immobilisation. Toutefois, la haute juridiction conteste le fait que l’agent immobilier soit dépourvu de créance. Au visa de l’article 1902 du code civil, elle casse l’arrêt d’appel au motif que « le caractère illicite, mais non immoral, de ce versement ne privait pas l’agent immobilier de son droit à restitution de la seule somme par lui remise ».

La haute juridiction distingue clairement le contrat de prêt de la promesse unilatérale de vente, en...

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