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Les principales dispositions pénales de la loi J21

La loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, publiée au Journal officiel du 19 novembre, comporte de nombreuses dispositions qui modifient (à nouveau) la procédure pénale.

par Emmanuelle Allainle 25 novembre 2016

Les modifications touchant la matière pénale sont très nombreuses dans cette loi n° 2016-1547, certaines portent sur des points très précis, d’autres sont plus générales ; il en sera présenté ici une grande partie.

De nouveaux outils pour gérer le flux du contentieux pénal en juridiction

Tout d’abord, on relève la modification de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, complété par un huitième alinéa, qui va permettre de faciliter la mise en état des affaires pénales, notamment pour les procédures préparées en urgence comme les comparutions immédiates. Il est désormais possible que l’intervention de la caisse de sécurité sociale intervienne après les réquisitions du parquet si l’assuré (victime d’une infraction pénale) est constitué partie civile et qu’il n’est pas statué sur le fond de ses demandes (L. n° 2016-1547, art. 13).

On relève surtout la création de l’amende forfaitaire délictuelle qui va permettre de soulager les juridictions de certains contentieux de masse sans passer par la contraventionnalisation. Ainsi, pour certains délits, lorsque ce sera prévu par la loi, l’action publique pourra s’éteindre via le paiement d’une amende forfaitaire (C. pr. pén., nouv. art. 495-17 à 495-25) excepté lorsque plusieurs délits sont commis, lorsqu’il y a récidive légale ou lorsque le prévenu est un mineur. Le mécanisme est similaire à celui du paiement de l’amende forfaitaire pour les contraventions. Le montant de l’amende sera minoré si elle est réglée rapidement (aussitôt ou dans les quinze jours). Un décret devra compléter ces dispositions pour leur mise en œuvre (art. 36). D’ores et déjà, le législateur a envisagé ce mécanisme pour certains délits routiers : la conduite sans permis (amende forfaitaire de 800 €, C. route, art. L. 221-2) ainsi que la conduite d’un véhicule non assuré (amende forfaitaire de 500 €, C. route, art. L. 324-2).

De nombreuses nouveautés en droit pénal routier

Outre ces délits routiers qui pourront se régler par une amende forfaitaire, la loi consacre un chapitre entier aux infractions routières. On retient que la liste des infractions pour lesquelles le propriétaire du véhicule est redevable pécuniairement sera désormais fixée par décret en Conseil d’État (C. route, art. L. 121-3) et il est ajouté un article L. 121-6 dans le code de la route afin de contraindre les représentants des personnes morales à communiquer le nom et l’adresse du conducteur d’un véhicule appartenant à cette personne morale et ayant été verbalisé (à défaut, le représentant légal de la personne morale encourt une amende de quatrième classe).

Par ailleurs, la conduite sans permis en faisant usage d’un faux permis de conduire est dorénavant spécialement incriminée à l’article L. 221-2-1 du code de la route (sont encourus cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende).

En outre, d’ici un an au plus tard, vont être attribués des points aux titulaires de permis de conduire étrangers circulant sur le territoire français (art. 37 ; v. C. route, art. L. 223-10 s.). Les conducteurs concernés ayant perdu tous leurs points se verront notifier une interdiction administrative de conduire sur le territoire national pendant une année. Comme les titulaires de permis de conduire français, ils pourront effectuer un stage de récupération de points. Un décret est en attente pour la mise en œuvre de ces dispositions.

On note également l’insertion d’un article L. 233-1-1 dans le code de la sécurité intérieure permettant la prise de photographie des occupants des véhicules pour la constatation des infractions au code de la route.

Le jugement des contraventions

Il est tiré conséquence de la fin programmée du juge de proximité dans le code de procédure pénale : le tribunal de police (constitué d’un juge du TGI et non plus du tribunal d’instance [C. pr. pén., nouv. art. 523]) est la juridiction compétente pour l’ensemble des contraventions (sauf pour les infractions commises par des mineurs pour lesquelles le juge des enfants est compétent) à compter du 1er juillet 2017 ; toutefois, pour compenser l’arrivée d’un flux pénal important qui était jusque-là géré par les juges de proximité (compétents pour les contraventions des quatre premières classes ; v., à ce sujet, La réforme des juges de proximité par M. Marque, Dalloz actualité, Le droit en débats, 16 sept. 2016), il est prévu que le tribunal de police pourra être constitué d’un magistrat exerçant à titre temporaire, non seulement pour les contraventions des quatre premières classes, mais également pour celles de cinquième classe relevant de la procédure de l’amende forfaitaire (C. pr. pén., nouv. art. 523).

Le code de l’organisation judiciaire est modifié afin de prévoir que le siège du ministère public devant le tribunal de police est occupé par le procureur de la République pour les contraventions de la cinquième classe ne relevant pas de la procédure de l’amende forfaitaire ou par le commissaire de police pour toutes les autres contraventions, sous le contrôle du procureur (sauf les infractions forestières ; ceci n’empêche pas le procureur de remplacer le commissaire de police s’il le souhaite [COJ, nouv. art. L. 212-6]).

Feue la collégialité de l’instruction

La collégialité systématique de l’instruction envisagée après le scandale Outreau, introduite dans le code de procédure pénale par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 et dont l’entrée en vigueur a été reportée quatre fois, est définitivement abandonnée. Les dispositions introduites par cette loi pour l’équilibre de la procédure pénale permettant la mise en place de cette collégialité sont abrogées (art. 25). En outre, le projet de loi présenté en 2013 pour prévoir une collégialité à la demande des parties concernant certains actes et qui avait été ajouté aux débats par un amendement a également été abandonné en dernières lectures. Manque de moyens et crainte de désorganiser les petites juridictions comportant moins de trois juges d’instruction auront eu raison de ces évolutions.

L’organisation judiciaire pénale

Pêle-mêle, on retiendra qu’à compter du 1er septembre 2017, le juge des libertés et de la détention (JLD) pourra, à l’issue du débat contradictoire et assisté de son greffier, effectuer un transport sur les lieux tel que prévu à l’article 93 du code de procédure pénale (C. pr. pén., nouv. art. 137-1, auquel l’art. 17 de la loi ajoute un alinéa) ; la modification de l’article 48-1 du code de procédure pénale pour permettre aux greffiers de l’accueil unique du justiciable d’accéder aux informations sur les procédures pénales en cours (art. 2) ; la disparition du greffier en chef au profit du directeur de greffe dans l’ensemble des dispositions du code (art. 16).

Des compétences particulières

L’article 382 du code de procédure pénale est complété afin de prévoir la compétence territoriale spéciale de la juridiction limitrophe de celle où travaille le magistrat victime d’une infraction (art. 20). Autre compétence territoriale spéciale, celle qui sera étendue sur le ressort d’une ou plusieurs cours d’appel pour certains TGI en matière d’infractions d’atteintes aux biens culturels maritimes (C. pr. pén., nouv. art. 706-111-1 et 706-111-2) : un décret fixera la liste des juridictions du littoral maritime et leur ressort.

Par ailleurs, la compétence matérielle spéciale des juridictions de Paris et Marseille en matière d’infractions sanitaires est étendue aux « pratiques et prestations de service médicales, paramédicales ou esthétiques » et aux infractions prévues par le code du sport, donc notamment le dopage (C. pr. pén., art. 706-2 mod. par L. n° 2016-1547, art. 26).

Une action civile étendue

Les fondations reconnues d’utilité publique font leur entrée dans le code de procédure pénale aux côtés des associations pour l’exercice de l’action civile (C. pr. pén., art. 2-1 à 2-6, 2-8 à 2-23 et 807 ; L. n° 2016-1547, art. 43).

L’extension de la qualification de discrimination

Au détour de la procédure de l’action de groupe, le législateur a modifié les articles 225-1 et 225-3 du code pénal afin d’étendre le champ de l’incrimination des discriminations (v. Dalloz actualité, 22 nov. 2016, art. C. Fleuriot isset(node/181881) ? node/181881 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>181881). Sont ainsi ajoutées aux discriminations qui existaient déjà dans le code pénal : l’identité de genre (en plus de l’orientation sexuelle) ; la perte d’autonomie ; ainsi que la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français et enfin le législateur à ajouter le mot « prétendue » avant le mot « race » (art. 86).

Un droit pénal des mineurs revisité

Les articles 29 à 33 de la loi modifient l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

Comme annoncé, les tribunaux correctionnels pour mineurs sont abrogés, à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication de la loi au Journal officiel (en l’occurrence, à compter du 1er janvier 2017). Pour les renvois devant cette juridiction déjà opérés, seront compétents les tribunaux pour enfants (et les tribunaux correctionnels pour les majeurs). À cette même date, entrera en vigueur la disposition rendant obligatoire l’assistance du mineur placé en garde à vue par un avocat (ord. n° 45-174, art. 4 ; L. n° 2016-1547, art. 31).

Le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs pourront notamment prononcer une mesure éducative, en plus de la sanction pénale, « si la personnalité du mineur le justifie » (ord. n°45-174, art. 2) ; la « détention criminelle à perpétuité » fait son entrée dans l’ordonnance de 1945 et les mineurs pourront être condamnés à vingt années de détention criminelle (comme la réclusion criminelle) ou trente années pour les plus de 16 ans (ord. n° 45-174, art. 20-2).

Pour les contraventions de 5e classe d’un mineur, le procureur de la République saisira par requête le juge d’instruction ou le juge pour enfants, la présentation immédiate demeure mais seulement pour les délits (ord. n°45-174, art. 5)

L’article 8-1 qui avait été abrogé par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011 est rétabli et il peut, à nouveau, être notifié au mineur une obligation à comparaître devant le juge des enfants par l’officier de police judiciaire à la demande du parquet (délits).

Un article 43 est inséré dans l’ordonnance de 1945 afin de donner la possibilité au juge des enfants de recourir à la force publique pour l’exécution d’un placement de mineur.

Enfin, on note que la césure du procès pour le mineur (l’ajournement du prononcé d’une mesure éducative ou sanction éducative ou peine) ne pourra plus aller au-delà d’un an en additionnant tous les renvois (ord. n°45-174, art. 24-5, dernier al.).

Pour finir ce catalogue des nouvelles dispositions, on relève aussi, même si cela ne concerne pas uniquement la matière pénale, que désormais les experts judiciaires seront inscrits pour sept années maximum sur la liste nationale, au-delà, ils devront demander leur réinscription sans quoi ils seront radiés ; les experts inscrits sur cette liste depuis plus de sept ans au moment de la publication de la loi auront six mois pour demander leur réinscription (modif. de l’art. 2, L. n° 71-498, 29 juin 1971, par l’art. 21 de la loi).