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Principe de réparation intégrale : impossibilité de réparer deux fois le même préjudice

Le principe de réparation intégrale interdit aux juges d’indemniser deux fois un même préjudice. Viole ce principe et encourt la cassation l’arrêt qui tient compte du salaire d’un employé dont le recrutement est rendu nécessaire, tout en indemnisant par ailleurs la perte future de revenus professionnels, la Cour de cassation considérant que ce chef de préjudice inclut nécessairement le surcoût de charges lié à l’embauche d’un salarié.

Le principe de réparation intégrale est intimement lié à la fonction indemnitaire qui est prioritairement attachée à la responsabilité civile et constitue de ce fait le principe central régissant les effets de la responsabilité (G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Les effets de la responsabilité, 4e éd., LGDJ, coll. « Traité de droit civil », nos 116 s.).

Fréquemment rappelé par la Cour de cassation, ce principe, selon la formule empruntée au doyen Savatier (R. Savatier, Traité de la Responsabilité civile en droit français, t. 2, 2e éd., LGDJ, 1951) postule que « le propre de la responsabilité est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu » (par ex., Com. 12 févr. 2020, n° 17-31.614, Dalloz actualité, 21 févr. 2020, obs. C.-S. Pinat ; D. 2020. 1086 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 1254, chron. A.-C. Le Bras, C. de Cabarrus, S. Kass-Danno et S. Barbot ; ibid. 2421, obs. C. de droit de la concurrence Yves Serra (CDED Y. S.EA n°4216) ; ibid. 2021. 207, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; ibid. 594, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; Légipresse 2020. 472 et les obs. ; RTD civ. 2020. 391, obs. H. Barbier ; ibid. 401, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2020. 313, obs. M. Chagny ), qu’il « semble n’avoir été qu’un rêve » (J. Carbonnier, Droit civil. Les obligations, 22e éd., PUF, coll. « Thémis droit privé », Paris, 2000, n° 198). Ce principe, jamais frontalement remis en cause par la jurisprudence (certaines solutions ne sont toutefois pas réellement compatibles avec ce principe, v. pour l’arrêt du 12 févr. 2020, J.-S. Borghetti, La réparation intégrale du préjudice à l’épreuve du parasitisme, D. 2020. 1086 ), suppose bien sûr que tout le préjudice soit réparé. Il implique également que la réparation n’excède pas le préjudice : tout le préjudice, rien que le préjudice.

C’est ce second aspect du principe de réparation intégrale qu’a eu l’occasion de rappeler la deuxième chambre civile de la Cour de cassation par un arrêt du 9 février 2023. En l’espèce, la victime d’un « accident de la vie privée » a assigné l’assureur auprès duquel elle avait souscrit une assurance afin de se garantir contre ce type d’évènement. La cour d’appel de Nancy a fait droit à ses demandes, fixant notamment le préjudice à plus de 112 000 € au titre des « pertes de gains futurs » et à près de 740 000 € au titre du « retentissement économique définitif après consolidation ». L’assureur a alors formé un pourvoi en cassation, reprochant notamment à l’arrêt, dans la deuxième branche du moyen unique, d’avoir procédé à une double indemnisation du même préjudice, soutenant que le salaire d’un palefrenier nécessaire au remplacement de la victime dans les tâches qu’elle n’était plus en mesure d’accomplir avait été pris en compte au titre des deux chefs de préjudice précédemment rappelés.

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