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Principe dispositif et perte de chance

Par deux arrêts du 27 juin 2025, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a déterminé les contours du principe dispositif lorsque la victime d’un dommage demande simplement à être intégralement indemnisée alors que cette dernière n’a subi qu’une perte de chance.

Après avoir retenu que « toute perte de chance ouvre droit à réparation » (Civ. 1re, 12 oct. 2016, n° 15-23.230 et n° 15-26.147 ; D. 2017. 46 , note J. Traullé ; ibid. 24, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; D. avocats 2016. 365, obs. M. Mahy-Ma-Somga ; Civ. 2e, 20 mai 2020, n° 18-25.440, Dalloz actualité, 19 juin 2020, obs. A. Hacene-Kebir ; D. 2020. 1100 ; ibid. 2021. 46, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; RDI 2020. 524, obs. H. Heugas-Darraspen ; AJ contrat 2020. 385, obs. C. François ; RTD civ. 2020. 629, obs. H. Barbier ) et qu’on ne saurait exiger de la victime « la preuve d’une perte de chance raisonnable » (Civ. 2e, 15 sept. 2022, n° 21-13.670, Dalloz actualité, 23 sept. 2022, obs. C. Hélaine ; ibid., 3 oct. 2022, obs. J. Delayen ; D. 2022. 1955 , note C. Bouland ; ibid. 2023. 1869, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RTD civ. 2022. 894, obs. H. Barbier ; ibid. 2023. 158, obs. J. Klein ), la Cour de cassation vient d’élargir encore plus la possibilité pour la victime d’une telle perte d’obtenir réparation en fixant le cap que doit suivre la jurisprudence lorsque la victime se contente de demander la réparation de son entier dommage alors que cette dernière n’a subi qu’une perte de chance.

Manque de fermeté de la jurisprudence antérieure

Si certains arrêts de la Cour de cassation ont déjà eu l’occasion de statuer que « le juge ne peut refuser d’indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l’existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée » (Civ. 1re, 20 janv. 2021, n° 19-18.585, AJDI 2021. 302 ; 6 oct. 2021, n° 20-13.526 ; Com. 9 nov. 2022, n° 21-11.753, D. 2023. 1869, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; Civ. 1re, 1er mars 2023, n° 21-25.868, AJDI 2023. 305 ; Civ. 3e, 7 nov. 2024, n° 23-12.315, D. 2024. 1959 ; Civ. 1re, 25 sept. 2024, n° 23-15.925, Dalloz actualité, 1er oct. 2024, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 1669 ), d’autres arrêts ont préféré retenir une conception plus stricte du principe dispositif découlant des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

Partant ainsi de l’idée que selon cette conception, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé, ces derniers arrêts ont préféré ne pas mettre à la charge du juge l’obligation de soulever l’existence d’une perte de chance ou la recherche d’une telle perte de chance quand il écarte la réparation de l’entier préjudice lorsque celle-ci n’est pas demandée (Civ. 1re, 30 avr. 2014, n° 12-21.395 ; Soc. 15 févr. 2023, n° 21-17.455).

Établissement d’une véritable dérogation au principe dispositif

Il est certes admis depuis longtemps que la mise en œuvre du principe dispositif n’interdit pas au juge d’interpréter la volonté du demandeur sans s’arrêter à la lettre des conclusions (J. Héron, T. Le Bars et K. Sahli, Droit judiciaire privé, LGDJ, n° 274). Cet aménagement du principe dispositif relève néanmoins du pouvoir souverain d’interprétation des juges du fond. Dès lors, en décidant d’endosser la solution admise par la première catégorie d’arrêts cités ci-dessus et d’élever, au rang de principe, l’interdiction pour le juge de refuser l’indemnisation d’une perte de chance en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale...

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