Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Prise en compte des enjeux de la procédure pour apprécier sa durée

Au regard de l’importance cruciale de la procédure pour la personne l’ayant initiée, une durée de plus de onze ans pour que soit reconnu le bien-fondé de sa demande en indemnisation après qu’elle a été contaminée par le virus de l’hépatite C est excessive et méconnaît le droit à un délai raisonnable, garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. 

À la fin des années 1990, alors que le scandale de contamination massive par le virus de l’hépatite C dans le cadre de transfusions sanguines avait éclaté au grand jour, le Conseil d’État a publié un rapport incitant le législateur à réagir : « on ne voit guère comment éviter que la loi intervienne pour créer un nouveau mécanisme d’indemnisation relatif aux dommages résultant de la contamination par le virus de l’hépatite C » (Conseil d’État, Rapport public, réflexions sur le droit de la santé, 1998, p. 265). Quatre ans plus tard, un premier pas était franchi : la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé instaurait un allégement du risque de la preuve pour les victimes contaminées. Pour toutes les contestations relatives à l’imputabilité d’une contamination par le virus de l’hépatite C antérieures à la date d’entrée en vigueur de la loi, le doute profitait au demandeur (Loi n° 2002-303, art. 102). Quelques années plus tard, le législateur a allégé les démarches des victimes : la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a ouvert une procédure d’indemnisation à l’amiable auprès de l’Office national d’indemnisation des victimes des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et a prévu que cet organisme se substitue à l’Établissement français du sang (EFS) dans les affaires pendantes.

Au fil des ans, un régime d’indemnisation favorable a été créé pour les victimes de contamination au virus de l’hépatite C par transfusion. Toutefois, pour être effectif, ce régime spécial de responsabilité doit être adossé à une procédure efficace, qui ne rend pas vains les espoirs d’indemnisation. L’affaire Suty c/ France montre que ce ne fut pas toujours le cas.

Les faits

Entre 1976 et 1984, un homme a subi plusieurs opérations chirurgicales. En 1993, il effectua un dépistage au virus de l’hépatite C, qui se révéla positif. Cinq ans plus tard, le 17 mars 1998, il demanda une expertise médicale en référé. L’expert estima que la contamination par le virus de l’hépatite C pouvait être secondaire aux hospitalisations multiples et prolongées du patient, tout en concluant à la nécessité d’un nouvel examen courant 2001. Une deuxième expertise a été réalisée en 2001. Le 10 mai 2004, l’expert a rendu son rapport. Selon lui, seules les transfusions effectuées en 1976 pouvaient être à l’origine de la contamination. En revanche, il concluait sur la nécessité de réaliser une autre expertise ultérieurement, l’état de santé de la victime n’étant pas consolidé.

Le 23 août 2005, la victime et son épouse ont assigné l’EFS et la caisse primaire d’assurance maladie devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg. L’assureur de l’EFS a par la suite été appelé en garantie. Durant la phase de mise en état, les 7 et 22 septembre 2006, la victime et son épouse sollicitèrent la réalisation d’une nouvelle...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :