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Par trois arrêts rendus le même jour, la chambre criminelle apporte d’utiles précisions relatives à la procédure applicable aux mineurs.
par Dorothée Goetzle 16 juillet 2019
Dans son premier arrêt, la chambre criminelle ordonne le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article 706-71-3 du code de procédure pénale qui permet le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle lors des audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l’instruction, sans faculté d’opposition pour le détenu lorsque le contentieux porte sur une demande de mise en liberté. Le renvoi de cette QPC se justifie notamment par le fait que le Conseil constitutionnel a récemment considéré, dans une QPC du 21 mars 2019 (n° 2019-778 DC, Dalloz actualité, 25 mars 2019, art. P. Januel ; D. 2019. 910, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; AJ fam. 2019. 172, obs. V. Avena-Robardet ), censurant les dispositions de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui modifiaient l’article 706-71 du code de procédure pénale en supprimant l’obligation de recueillir l’accord de l’intéressé pour recourir à la visioconférence dans les débats relatifs à la prolongation d’une mesure de détention provisoire, qu’eu égard à l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique de l’intéressé devant le magistrat ou la juridiction compétente dans le cadre d’une procédure de détention provisoire et en l’état des conditions dans lesquelles s’exerce un tel recours à ces moyens de télécommunication, les dispositions contestées portaient une atteinte excessive aux droits de la défense (Y. Mayaud, De la loi au Conseil constitutionnel, une réforme contrastée de la procédure pénale, AJ pénal 2019. 176 ). En l’espèce, la chambre criminelle constate que ce raisonnement, exprimé en termes généraux, est susceptible de s’appliquer à d’autres aspects du contentieux de la détention provisoire, et notamment à l’examen des demandes de mise en liberté dont est saisie directement la chambre de l’instruction. Avec un peu de patience, nous connaîtrons donc bientôt l’avenir constitutionnel de l’article 706-71, alinéa 3, qui s’annonce, reconnaissons-le, plutôt sombre (Crim. 20 févr. 2019, n° 18-80.777, Dalloz actualité, 7 mars 2019, obs. H. Diaz ).
Dans le second arrêt, la chambre criminelle avait à connaître d’une procédure dans laquelle un mineur était mis en examen et placé en détention par ordonnance du juge des libertés et de la détention dont l’intéressé relevait appel. Devant la chambre de l’instruction, il était représenté par un avocat commis d’office et le président du conseil départemental, désigné tuteur du mineur par le juge des tutelles, était représenté par un autre conseil. L’arrêt de la chambre de l’instruction, rendu en audience publique, après des débats en audience publique, confirmait l’ordonnance ayant ordonné la détention provisoire du mineur et l’ayant placé sous mandat de dépôt. Durant cette audience, l’avocat du tuteur du mineur avait eu la parole en dernier. Dans son pourvoi en cassation, l’intéressé soulevait deux moyens qui, sans surprise, conduisent la chambre criminelle a prononcé la cassation de l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction. D’abord, au visa des articles 199 du code de procédure pénale et 14 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, la Cour de cassation souligne son attachement au principe selon lequel, lorsque la personne mise en examen est mineure au moment des faits, les débats devant la chambre de l’instruction doivent se dérouler en chambre du conseil. En l’espèce, la violation de la règle de la publicité restreinte, avait nécessairement porté grief aux intérêts du mineur. En effet, pour la chambre criminelle, le déroulement des débats et le prononcé de l’arrêt en chambre du conseil est « nécessaire pour protéger l’identité et la personnalité du mineur ». Empruntée à un arrêt du 24 septembre 2002, cette formule rappelle l’attachement de la haute juridiction à la protection due aux mineurs. Dans cet arrêt, la chambre criminelle avait en effet souligné que l’article 14 de l’ordonnance du 2 février 1945 interdit la publication de toute information relative à l’identité et à la personnalité des mineurs délinquants. Elle avait ajouté que cette interdiction est générale et absolue et, en conséquence, s’applique aussi dans le cas où le mineur délinquant est décédé. (Crim. 24 sept. 2002, n° 01-85.890 P, RSC 2003. 119, obs. J. Francillon ; RTD civ. 2003. 59, obs. J. Hauser ; JCP 2002. IV. 2965 ; Dr. pénal 2003. Comm. 5, obs. Véron). En l’espèce, l’approche retenue confirme donc la jurisprudence déjà rendue, selon laquelle si, aux termes de l’article 14 de l’ordonnance du 2 février 1945, seules les personnes désignées dans ce texte peuvent assister aux audiences des tribunaux pour enfants, la publicité ainsi limitée n’en constitue pas moins une condition essentielle à la validité des débats et doit, par suite, être constatée (Crim. 13 févr. 1946, Bull. crim. n° 53 ; S. 1946. 1. 52). Dans le même sens, la chambre criminelle a déjà souligné avec fermeté que la publicité restreinte imposée à la cour d’assises des mineurs est une condition essentielle de la validité des débats devant cette juridiction, étant précisé qu’aucune dérogation ne peut être apportée à cette règle d’ordre public (Crim. 24 juin 1998, n° 97-84.657 P, D. 1998. 228 ). Ensuite, la chambre rappelle, en se fondant sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 199 du code de procédure pénale, rappelle que, devant la chambre de l’instruction, le mis en examen bénéficie du droit d’avoir l’assistance du défenseur de son choix et que lui ou son avocat doivent avoir la parole en dernier. Or, en l’espèce, à l’audience de la chambre de l’instruction, à laquelle le mineur n’avait pas demandé à comparaître personnellement, son conseil a certes présenté des observations mais c’est l’avocat de son représentant légal qui avait eu la parole en dernier. En conséquence, dans la mesure où l’avocat désigné pour représenter le mineur devait avoir la parole en dernier – et non l’avocat de son représentant légal – la chambre criminelle en déduit que la cassation est également encourue de ce chef (Crim. 28 mai 2002, n° 01-85.684 P, JCP 2002. IV. 2360 ; 7 juill. 2005, n° 05-80.914 P, D. 2006. 617 , obs. J. Pradel ; RSC 2005. 869, obs. D.-N. Commaret ; 11 avr. 2018, n° 17-86.711 P, Dalloz actualité, 7 mai 2018, obs. V. Morgante ; RSC 2018. 458, obs. F. Cordier ; 13 juin 2018, n° 17-83.893 P, Dalloz actualité, 6 juill. 2018, obs. C. Fonteix ; AJ pénal 2018. 426, obs. O. Violeau ; Dr. pénal 2018, n° 164, note A. Maron et M. Haas).
Enfin, dans le troisième arrêt, la chambre criminelle procède à un intéressant rappel relatif à la phase de jugement. En effet, elle souligne que l’ordonnance renvoyant un mineur pour crime, soit devant la cour d’assises des mineurs, soit devant le tribunal pour enfants statuant en matière criminelle, peut être frappée d’appel dans les mêmes conditions qu’une ordonnance renvoyant un majeur devant une cour d’assises. Elle confirme ainsi une jurisprudence ancienne selon laquelle l’article 186 applicable en vertu de l’article 24 de l’ordonnance du 2 février 1945 aux ordonnances du juge d’instruction des mineurs ne prévoit pas le droit d’appel contre les ordonnances de règlement rendues par ce magistrat, à l’exception de celles portant mise en accusation devant la cour d’assises des mineurs (Crim. 4 juin 2003, n° 03-81.495 P, JCP 2003. IV. 2368).
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