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Procédure de sauvegarde et suspension des poursuites contre la caution personne physique

Si l’ouverture de la procédure de sauvegarde entraîne la suspension des poursuites contre la caution du débiteur, le créancier n’est pas privé de toute action. Il est en effet autorisé à prendre des mesures conservatoires aux fins d’obtention d’un titre exécutoire, soit en période d’observation, soit pendant l’exécution du plan de sauvegarde.

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde donne lieu à une période d’observation considérée comme un temps de répit pour l’entreprise en difficulté et dont l’effectivité est assurée essentiellement par le gel du passif et la poursuite de l’activité du débiteur. Si, en pratique, le créancier bénéficiaire d’un cautionnement est alors naturellement tenté de recouvrer sa créance auprès d’un débiteur subsidiaire, la caution, il s’expose, à compter du jugement d’ouverture, à la règle de la suspension des poursuites jusqu’au jugement arrêtant le plan (C. com., art. L. 622-28, al. 2). Est-il pour autant dépourvu de tout droit d’agir contre la caution ? La Cour de cassation est ici une nouvelle fois confrontée à certains aspects procéduraux de la procédure collective profitant à la caution personne physique, mais qui, pour autant, ne laissent pas son adversaire sans ressource.

En l’espèce, un dirigeant social s’est porté caution des dettes nées d’un contrat de franchise, conclu entre la société Optical Finance (franchiseur) et la société Optic (franchisé). Confrontée à des difficultés économiques liées à l’exploitation de son fonds de commerce, la société franchisée a été placée en procédure de sauvegarde le 22 février 2017. Après rupture du contrat de franchise prononcée par ordonnance du juge-commissaire, la société de franchise a déclaré sa créance au passif de la procédure de sauvegarde. Un plan a été arrêté le 24 janvier 2018.

Le 20 octobre 2017, la société de franchise a assigné la caution personne physique aux fins de recouvrement de ses dettes et a sollicité du tribunal un sursis à statuer dans l’attente d’une décision à l’issue de la période d’observation. En défense, la caution a opposé une fin de non-recevoir en soulevant la possibilité de se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde.

Le 8 septembre 2021, la Cour d’appel d’Angers a déclaré irrecevable l’action engagée par la société de franchise contre le dirigeant social de la société franchisée, au motif que la créance de la caution, qui pouvait se prévaloir des dispositions du plan, n’était pas exigible. La société de franchise forme ainsi un pourvoi en cassation considérant que l’irrecevabilité de sa demande est de nature à porter une atteinte disproportionnée à son droit d’agir contre la caution.

Le créancier pouvait-il exercer une action contre la caution, en dépit de la suspension des poursuites consécutive à l’ouverture de la procédure de sauvegarde du débiteur ?

La réponse de la Cour de cassation est nuancée et conforme aux textes. Si les poursuites ont été suspendues à l’égard de la caution personne physique, en application de l’article L. 622-28 du code de commerce, et par l’effet de l’ouverture de la procédure de sauvegarde jusqu’au jugement arrêtant le plan, la société créancière n’est pas pour autant privée de toute action contre la caution. En effet, le créancier bénéficiaire d’un cautionnement est autorisé à prendre des mesures conservatoires aux fins d’obtention d’un titre exécutoire, soit en période d’observation (C. com., art. L. 622-28, al. 3), soit pendant l’exécution du plan de sauvegarde (C. pr. exéc., art. R. 511-1). De plus, il bénéficie de l’interruption du délai de prescription à compter de sa déclaration de créance jusqu’à la clôture de la procédure collective. Dès lors, en l’absence de toute perte du droit d’agir contre la caution, la haute Juridiction rejette le pourvoi de la société de franchise.

Le principe : la suspension des poursuites en faveur de la caution personne physique à compter du jugement d’ouverture

En vertu d’un fondement textuel autonome, la suspension des poursuites est applicable à la caution personne physique depuis la loi du 10 juin 1994 (Loi n° 94-475 du 10 juin 1994, art. 38-I ; C. com., anc. art. L. 621-48, al. 2). Cette faveur légale a été étendue à la procédure de sauvegarde par la loi éponyme du 26 juillet 2005 (Loi n° 2005-845 du 26 juill. 2005, art. 39 ; C. com., art. L. 622-28, al. 2) et, ratione personae, à l’ensemble des garants pour autrui selon une construction progressive (dans un premier temps, aux « personnes physiques cautions, coobligées ou personnes ayant donné une garantie autonome », v. loi du 26 juill. 2005, préc ; dans un second temps, aux « personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie », ord. n° 2008-1345 du 18 déc. 2008, art. 166). Elle participe d’un mouvement de...

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