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Procès de Jonathann Daval : « Je te souhaite un bon séjour en prison »

Jonathann Daval comparaît devant la cour d’assises de Haute-Saône, à Vesoul, pour le meurtre de son épouse Alexia Daval, en 2017. Un meurtre qu’il a fini par reconnaître trois mois après les faits. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité (C. pén., art. 224-1).

par Marine Babonneaule 20 novembre 2020

Jonathann Daval est un menteur, un menteur invétéré, un menteur tenace, un menteur malgré lui. C’est son fardeau et c’est ce qui réduit à néant toute possibilité de défense. Et parce qu’il est un imposteur, la partie civile a cru que ces assises deviendraient l’autel de la révélation, la demeure de la vérité. Les parents d’Alexia Fouillot-Daval n’ont eu de cesse, à coup de plateaux télé, de déclarations incessantes sur les marches du palais, de participation à des reportages diffusés en plein procès, de répéter qu’ils voulaient s’adresser directement à leur gendre, pour qu’enfin il s’explique, pour qu’enfin la vérité jaillisse. Mais voilà, personne ne semble l’écouter. Il serait malhonnête de dire que Jonathann Daval n’a pas parlé pendant ces cinq jours de procès. Celui qui a très difficilement avoué le meurtre de sa femme a répété dans le box qu’il avait, ce soir d’octobre 2017, « pété un câble » après que sa femme l’a traité de sous-homme et l’a mordu. Le « gamin », l’informaticien « chétif », « timide », « soumis », « discret », criblé de TOC, d’allergies, impuissant malgré un traitement médical, n’a pas supporté que son épouse lui « demande encore un rapport ». Le couple va mal. Il veut « fuir » et « éviter le conflit » – combien de fois a-t-il mécaniquement répété ces termes ces derniers jours ? –, elle l’agrippe, elle lui fait « des reproches, encore des reproches ». Elle veut un enfant, c’est « une obsession ». Il finit par la tuer « pour la faire taire » en la cognant et l’étranglant. S’ensuit la fuite en avant, le cadavre traîné « comme un sac à patates », la mise à feu partiellement ratée, les faux alibis, les fausses accusations et les aveux. Jonathann Davall peut-il dire plus ?

Vendredi, la mère d’Alexia Fouillot-Daval – que Jonathann appelait « maman » – est venue s’installer à la barre pour mener son propre interrogatoire, après autorisation du président de la cour d’assises. Elle a une voix douce, comme si elle s’adressait à un enfant. Elle ne le quitte pas des yeux.

— Bonjour, Jonathan.

— Bonjour, Isabelle.

— Pourquoi tu n’as pas regardé la vidéo ? [Quelques minutes avant, la cour a visionné un extrait de la confrontation pendant laquelle Jonathann Daval avoue enfin mais partiellement son meurtre, ndlr.]

— Parce que ça me fait très mal.

— Est-ce qu’on pourrait avoir un dialogue ? Tu dis que tu as perdu. Tu as perdu quoi ?

— Alexia, vous, mes parents, ma vie.

— Il n’y avait pas d’autres solutions ? Pourquoi tu n’es pas venu me voir s’il y avait des problèmes ? Je me souviens que j’avais pris des cours de pâtisserie avec Alexia, il y avait un cuisinier qui parlait à Alexia. Tu es venu nous dire qu’Alexia avait rencontré quelqu’un et que tu avais peur qu’elle te quitte. C’est ça, le nœud du problème ? Tu avais peur qu’elle te quitte, c’est ça ?

— Non.

— Alors pourquoi tu n’es pas venu nous dire ? On aurait pu intervenir ?

— On n’a parlé à personne.

— Mais tu es venu me voir pour l’autre. S’il te plaît, lâche-toi, ou écris-moi, j’ai besoin de savoir, d’avoir la vérité.

— C’est une dispute, la dispute de trop.

— C’est quand elle dit « t’es pas un homme », c’est ça ? C’était des appels au secours d’Alexia.

— J’ai pas compris tous ses messages.

— C’est ce qu’elle voulait. On a l’impression que tu mets tout sur son dos. C’est pas normal de fuir.

— C’est pour éviter les conflits.

— Mais ça ne veut rien dire ! Elle voulait crever l’abcès, parler. Elle faisait des reproches ? Et alors ? Dans tous les couples, on se fait des reproches. Tu te rends compte que tu nous as pris notre fille ? […] Tu pensais uniquement à toi…

— Oui, encore fuir.

— Tu fuis d’une drôle de manière, tu te rends compte où ça te mène. Les messages d’Alexia, elle dit qu’elle a peur, elle le dit. Pourquoi tu vas manger chez ta maman, pourquoi tu ne rentres pas chez toi ?

— Pour éviter la confrontation.

— Il n’est pas question de confrontation, tu te fichais d’Alexia !

— Non, je l’aimais.

— La seule hypothèse, c’est qu’elle voulait s’en aller.

— Non.

— Ne me dis que tu l’as tuée jusque parce qu’elle a pris les clés de la voiture. […] C’était quoi la finalité ?

— Qu’elle se taise.

— Tu es heureux qu’elle se soit tue ? On peut dire que tu as gagné.

— Non. J’ai tout détruit.

— C’est trop facile de dire que tu as fait ça pour quelques réflexions et pour une morsure. […] C’est parce qu’elle t’appartenait. C’était ta femme et tu avais le droit de faire ce que tu voulais sur elle.

— Je l’aimais. C’était une dispute, Isabelle, il faut le croire.

— Quinze coups de poing et un étranglement, c’est une dispute ?

— Ce soir-là, oui.

— Si c’est juste parce qu’elle t’a dit « t’es pas un homme », c’est vrai que tu n’es pas un homme, c’est dur d’entendre la réalité en face. C’est ça qui a déclenché ?

— C’est les reproches…

— Tu es toujours en train de dédouaner, en disant que c’est la faute d’Alexia. Toi, tu ne te reproches rien. Ben oui, sinon il n’y aurait pas de dispute. Tu savais qu’Alexia disait vrai, que la vérité n’était pas facile à entendre. Pourquoi vous n’avez pas divorcé ?

— On n’en a jamais parlé. C’est inconcevable. L’image par rapport aux autres.

— […] C’est par rapport à ton image à toi ? Tu ne pouvais pas divorcer parce que tu perdais beaucoup de choses ? Nous ? Tu perdais la moitié de la maison et tu retournais chez maman ? Tu n’existais qu’à travers Alexia. Si elle n’était plus là, si elle partait, tu n’existerais plus. Tu ne voulais pas divorcer.

— On ne voulait pas divorcer.

— Elle en avait marre de ton comportement. Elle en avait ras le bol de la situation. Normal quand on est tout le temps toute seule, toi tu mets ça de côté, ton image ne doit surtout pas être écornée. On aurait pu vous faire divorcer si tu nous avais parlé.

— Je suis désolé pour tout.

— C’est tout ? C’est si peu. J’attends mieux, Jonathann, s’il te plaît.

— Je ne peux rien dire de plus.

— Tant pis, je te souhaite un bon séjour en prison.

Le procès se termine samedi 21 novembre, avec le réquisitoire et les plaidoiries de la défense.

 

 

« Vous ne vous êtes jamais arrêté pour vous dire “est-ce que je suis heureux ?” »

« Jonathann Daval dîne parfois deux fois par jour. D’abord chez sa mère, chez qui il se rend en cachette, puis chez lui, avec sa femme qui « compte les feuilles de salade et les rondelles de tomates ». Il va parfois même prendre un encas le matin chez ses parents. Un jour, raconte l’un des avocats de Jonathann Daval, Randall Schwerdorffer, Alexia Fouillot-Daval envoie un SMS à son mari lui demandant si c’est lui a qui a mangé les escalopes de poulet, destinées à leur chat Happy. Lorsqu’ils font des travaux dans leur maison, il ne se désintéressait pas du sujet comme l’a prétendu la partie civile, il n’a simplement rien pu choisir. « Votre maison, vous l’avez choisie comment ? C’est la maison de qui ? Celle des grands-parents d’Alexia. Les parents d’Alexia vont beaucoup superviser les travaux. Après le mariage, après la maison, clichés d’un bonheur parfait, qu’est-ce qui manque ? Un enfant. Le bébé, c’est le désir de qui ? Le désir d’Alexia qui devient son obsession. […] Votre belle-mère a dit que vous êtes un enfant. Effectivement, la barre était trop haut, vous n’y arrivez pas. Quand vous vous installez, elle, elle continue d’avancer dans son travail. Pas vous. Et on vous dit que si ça ne va pas, vous n’avez qu’à aller chez votre mère. Vous n’êtes pas chez vous. Vous ne vous êtes jamais arrêté pour vous dire « est-ce que je suis heureux ? Est-ce que nous sommes heureux ? »

 

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