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Procès des époux Balkany : « J’ai 72 ans et je n’ai jamais rempli une déclaration d’impôts »

La cour d’appel de Paris, qui rejuge le couple Balkany pour fraude fiscale, a décidé lundi de poursuivre les débats malgré l’absence du maire de Levallois-Perret, hospitalisé depuis jeudi. Patrick Balkany a transmis à la cour un courrier précisant qu’il acceptait d’être jugé en son absence. En première instance, c’est son épouse Isabelle, hospitalisée après une tentative de suicide, qui n’avait pas comparu.

par Pierre-Antoine Souchardle 17 décembre 2019

« J’ai 72 ans et je n’ai jamais rempli une déclaration d’impôts. Patrick non plus », a déclaré lundi madame Balkany pour tenter d’expliquer « la négligence », « la bêtise » du couple. Mariés depuis 1976, les époux Balkany ont cessé d’établir des déclarations fiscales communes – que ce soit impôt sur le revenu ou impôt sur la fortune – à partir de 1995, année de leur séparation, à la suite de la crise de la quarantaine de monsieur.

Ils se sont appuyés sur une ordonnance de non-conciliation qui les autorisait à résider séparément, devenue caduque depuis. L’absence de déclaration commune leur a permis d’échapper à l’ISF.

À partir de 1997, ils se sont remis ensemble. Ce qui, dans la bouche de madame, signifie « cohabitation » plutôt que « vie conjugale ». Quel que soit le terme, et pourtant Isabelle Balkany a fait de la sémantique dans sa jeunesse, ils ont oublié de refaire une déclaration fiscale commune. « On n’a pas eu le réflexe », explique-t-elle, ajoutant : « Personne ne nous a jamais dit ensuite de refaire une déclaration commune ». C’est, avance-t-elle, « incontestablement une erreur, mais de parfaite bonne foi ».

Si madame Balkany ne souffre pas de phobie administrative comme un éphémère secrétaire d’État socialiste, elle a reconnu lundi ne pas savoir remplir une déclaration d’impôt. C’est une de ses adjointes, ancienne receveuse des impôts, qui s’en chargeait. En première instance, son mari avait expliqué que c’était un conseiller fiscal. « J’étais soit dans des entreprises où on le faisait pour moi, soit à la mairie, où cette dame le faisait pour moi, et au conseil général, il y avait le prélèvement à la source », lance-t-elle avant d’ajouter : « Patrick non plus ».

Pourquoi ne pas avoir refait de déclaration commune après 1997, l’interroge l’avocat général. La réponse est simple : « C’est de la négligence. Appelez ça de la sottise, de la bêtise. On ne s’en est pas préoccupé puisqu’il y avait des gens qui faisaient ça pour nous. »

Le couple est également poursuivi pour avoir minoré son patrimoine immobilier. Ce qu’il conteste.

L’estimation du moulin de Cossy, à Giverny, où le couple réside depuis 1986, une demeure de onze chambres, neuf salles de bains, sur 1 298 m2 avec piscine et terrain de tennis, a donné lieu à une bataille de chiffres. Le fisc l’évalue à près de 3,2 millions. L’expert du couple Balkany à 1,3 million d’euros.

Idem pour la villa Pamplemousse, achetée via des sociétés-écrans en Suisse et au Liechtenstein, par Mme Balkany en 1997 sur la partie française de l’île de Saint-Martin aux Antilles. Une maison achetée avec de l’argent donné par son frère et sa sœur pour se racheter de l’avoir spoliée à la mort leur père en 1982. Dix millions de francs versés en Suisse, via un gestionnaire de fortune.

L’administration fiscale l’estime à 4,5 millions de dollars alors qu’elle a été vendue, et le produit de la vente a été saisi par la justice, 2 millions de dollars. Pour atteindre cette estimation, le fisc a comparé avec la ville de Donald Trump. « Une maison sur la plage », alors que celle de madame Balkany est en haut de la colline, sans vue sur la mer, car les propriétaires des maisons en bas laissent pousser les palmiers. « Il n’y a plus de vue ». Ce qu’il faut comprendre : ça vaut moins cher.

À l’avocat général qui lui demande à quoi sert la société-écran qui a servi à acheter la villa Pamplemousse, madame Balkany répond : « À rien ». Enfin quand même à dissimuler le véritable propriétaire économique.

Car le couple assure avoir payé un impôt sur cette maison aux Antilles. Une taxe de 3 % imposée par la collectivité territoriale aux sociétés-écrans créées pour dissimuler l’identité des véritables bénéficiaires. Elle a été supprimée en 2007.

Le couple avait mis sa villa en location. Entre 2010 et 2012, l’agence qui la gérait a encaissé 378 692 € de loyers. Une somme, selon Mme Balkany, qui a servi tout juste à payer les travaux d’entretien. Rien n’est revenu dans sa poche, d’où l’absence de déclaration aux impôts.

Quant à la villa de Marrakech, dont le fisc soupçonne qu’elle appartienne au couple via une société panaméenne, Mme Balkany réfute qu’ils en soient les propriétaires, malgré leurs nombreux achats de mobiliers. « C’est une maison de location, même si elle est meublée et que vous mettez votre linge de toilette, ça reste une maison de location ».

Reprise des débats mercredi.