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Le procès du prêtre Bernard Preynat poursuivi pour agressions sexuelles sur dix scouts, âgés de 7 à 15 ans entre 1986 et 1989, a lieu au tribunal judiciaire de Lyon. Il encourt jusqu’à dix ans de prison.
par Marine Babonneau, à Lyonle 17 janvier 2020
Bernard Preynat, né en 1945 à Saint-Étienne, est l’aîné d’une fratrie de sept enfants, éduqués à la dure par un père froid et distant. L’ambiance à la maison est austère et religieuse. Il souffre d’un eczéma sévère qui l’empêche de vivre normalement. La vocation, il l’a eue très jeune, ses frères et sœurs se souviennent que, petit déjà, il « jouait à la messe ». Il aimait aussi « organiser des activités », son côté fédérateur pointant déjà le bout de son nez. Cela dit, frères et sœurs s’accordent pour dire que Bernard Preynat était « autoritaire », « cassant », « orgueilleux », « qu’il avait une haute opinion de lui-même ». Il n’en restait pas moins « charismatique » et « brillant ». Une description qui colle à celle que les victimes ont faite de lui depuis le début du procès.
À 11 ans, il entre au petit séminaire et, à 14 ans, il devient pensionnaire. Il ne revenait chez lui qu’une fois tous les quinze jours et « quelques jours pendant les vacances ». « Quand vous parlez de cette vocation, vous avez pourtant déjà été agressé à plusieurs reprises », tente de comprendre la présidente du tribunal correctionnel de Lyon, Anne-Sophie Martinet. L’ancien prêtre – il ne l’est plus depuis 2019 – raconte. « Il y a d’abord eu le sacristain, quand j’avais à peu près 10 ans, c’était à la sacristie de Saint-Étienne où les enfants de chœur se préparaient. Un jour, il a appuyé la main sur le sexe et a dit “Qu’est-ce qu’il y a là ?” […] Après, lors d’une colonie de vacances en Haute-Loire, un moniteur séminariste entrait dans les douches, ouvrait le rideau et me caressait les cuisses. […] Au petit séminaire à Saint-Étienne, l’un de nos professeurs passait dans les rangs pendant l’étude, mettait sa main dans la chemise pour nous caresser le dos. Il m’a fait venir dans son bureau, il me baissait le pantalon et le slip et il avait la manie de me nettoyer le sexe avec un gant de toilette. Ça s’est reproduit très souvent. […] Une autre fois, à la cure de Saint-Louis, le même prêtre exerçait pendant les grandes vacances, il nous invitait à travailler les versions latines des textes et les choses recommençaient. […] Il n’avait d’ailleurs par très bonne réputation, on l’appelait “le monkey” ». Le « professeur » déjeunait parfois chez les parents du jeune Bernard Preynat et l’invitait à le raccompagner. Il « recommençait » dans un bosquet, avec « un mouchoir » cette fois-ci. Bernard Preynat n’a jamais osé dénoncer les faits, il avait « honte ». En classe de première, un autre professeur se montrait « très affectueux » avec lui, le « serrant » contre lui. « Il m’a agressé » et « il m’a demandé pardon ».Tout cela ne le détourne pas de sa vocation.
Il va commettre les premières agressions comme jeune moniteur dans des colonies de vacances – il a 16 ans. Elles ne s’arrêteront plus, jusqu’au coup d’arrêt de 1991, en plus d’une brève interruption lorsqu’il est étudiant à Lyon – une « vie finalement assez équilibrée ». « Donc, à partir de 16 ans, ça ne s’arrête plus ? », résume le tribunal. « Ça m’a toujours poursuivi. […] Ça ne s’est jamais arrêté ». Dès le premier cycle de séminariste, des parents dénoncent à la hiérarchie les faits. Bernard Preynat est convoqué, envoyé à Paris chez un prêtre-psychologue qui le teste une journée et lui demande de consulter un docteur lorsqu’il retournera à Lyon. Ce qu’il fait pendant un an. Nous sommes en 1967. « Je le voyais tous les lundis soir. […] Cette analyse était parfois pénible, raconte Bernard Preynat. Au début, j’ai presque rien dit, j’étais couché sur un divan, lui derrière moi. C’est venu petit à petit. […] Au bout d’un an, il a dit que j’étais guéri, il a écrit au supérieur du séminaire que je pouvais continuer la marche vers l’ordination ». Il récidive dès 1969.
C’est la « consommation effrénée de corps d’enfants » qui va débuter, une « addiction » qui a besoin de plus en plus d’assouvir ses pulsions, comme l’explique à la barre la professeure Liliane Deligand, diligentée par la défense. « Il s’est arrêté en 1991, cela peut paraître surprenant après tant de passages à l’acte, comme si, tout d’un coup, le sevrage était le résultat de la parole de l’évêque (en 1991, le cardinal Decourtray, alerté par une famille qui menace de médiatiser l’affaire, exfiltre le père Preynat et lui fait promettre de ne jamais recommencer, ndlr), une parole interdictrice, qui lui intimait de ne pas se confondre avec le corps de l’autre. […] Cette intimation a été suffisante pour mettre un coup d’arrêt à ses gestes. Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas eu de tentations ou des fantasmes. Il est néanmoins capable de résister à la tentation. La parole a été plus forte. ». Il reste à comprendre pourquoi, jusqu’en 1991, la parole des autres prêtres, qui lui avaient intimé d’arrêter, n’a pas été « plus forte ». La veille, une avocate de la partie civile, Nadia Debbache, avait cinglé : « c’est la honte publique » qui a porté le coup d’arrêt. Par ailleurs, « vous confessiez régulièrement votre pêché de chair et vous étiez conforté dans le fait que vous étiez pardonné, absous, non ? », demande Anne-Sophie Martinet. Le prévenu acquiesce.
Vendredi, réquisitoire et plaidoirie de la défense.
« Merci de cette mise à nue, vous avez gagné le combat »
François D… est l’une des dix victimes, parties civiles au procès, il a créé l’association La parole libérée, l’un des rares à avoir été cru et soutenu par sa famille. C’est « le combat acharné » et « sans concession » d’un père et d’une mère – le courrier de 1991, c’est eux – qui va mener à un résultat, le transfert de Bernard Preynat et l’arrêt des agressions. Il a été peu question des familles pendant ce procès, de celles qui n’ont pas cru leurs enfants, qui n’ont pas voulu entendre, qui ont soutenu le curé jusqu’au bout, quitte à perdre leur fils. François D… a eu davantage de chance. « Votre mère, si courageuse, n’a rien lâché. Ce sentiment de révolte, le sien, vous l’avez chevillé au corps, a dit Me Nadia Debbache à son client lors de sa plaidoirie. Vos parents n’ont pas eu peur d’avoir mauvaise réputation. […] Tout le monde s’est refilé la patate chaude. […] Ce combat, il vous a été utile. […] Vous avez pourtant longtemps dénié votre souffrance au profit de celle des autres victimes. […] Ce qui va faire exploser votre carapace en mille morceaux, ce sont les attestations de votre frère et de votre sœur. » L’avocate les lit, des témoignages bouleversants de familles fracassées. « La réalité, M. Preynat, c’est que toute une famille va supporter le poids de vos actes. Merci François d’avoir accepté cette mise à nu, vous avez gagné le combat. »
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